samedi 30 mars 2019

FAIM (Grève de la). Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Action qui consiste à refuser de prendre toute nourriture. La grève de la faim est l'ultime moyen de protestation employé généralement par les prisonniers d'État pour mettre fin à un cas d'arbitraire dont ils sont victimes ou pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur un objet digne d'intérêt.
C'est surtout avant la guerre, dans les prisons russes, et plus particulièrement aux heures tragiques qui succédèrent à la révolution de 1905 que les révolutionnaires détenus dans les geôles tsaristes employèrent ce moyen pour attirer l'attention du monde civilisé sur la cruauté du régime pénitentiaire qui leur était infligé. Depuis, tous les pays ont eu leurs grévistes de la faim, car tous les pays traversent, à certaines époques, des périodes de réaction durant lesquelles les prisonniers politiques ont de nombreuses raisons de protester.
Un cas de grève de la faim qui mérite d'être particulièrement signalé, est celui du maire de Cork, Mac Swiney, qui se laissa mourir de faim pour protester contre la tyrannie britannique qui s'exerçait en Irlande et contre l'emprisonnement et l'exécution de milliers d'Irlandais.
Le sacrifice de cet homme courageux et généreux, les pétitions signées en sa faveur par des milliers et des milliers d'individus appartenant il toutes les classes sociales, la réprobation unanime de tout le monde civilisé contre le despotisme exercé en Irlande par l'Angleterre n'apitoyèrent pas les dirigeants de la perfide Albion, qui laissèrent s'éteindre, après deux mois de souffrances, ce héros de la cause irlandaise. Le sacrifice du maire de Cork ne fut pas inutile. Si le peuple irlandais n'a pas encore conquis son entière liberté, son régime s'est cependant amélioré, et c'est, dans une certaine mesure, au sacrifice d'individualités comme celles de Mac Swiney qu'il le doit.
En France, pays démocratique par excellence, la grève de la faim fut employée à plusieurs reprise ; pour faire respecter des droits acquis par les usages et les coutumes. C'est à cette action que les « détenus politiques » doivent le bénéfice d'un régime spécial plus supportable que celui du droit commun qui fut supprimé durant la guerre et rétabli à la suite de la grève de la faim faite par un petit nombre d'anarchistes détenus à la prison de la Santé.
Bien que la grève de la faim n'ait que rarement une issue fatale pour celui qui la fait, elle nécessite un véritable courage et une réelle volonté. Les affres de la faim sont terribles, surtout lorsque, sans obligation, on se refuse à toute nourriture. D'autre part, ce n'est pas sans déclencher une révolution dans l'organisme que l'on reste plusieurs jours sans manger et ceux qui se livrèrent à cette protestation restèrent parfois toute leur vie sans pouvoir définitivement se rétablir.
Conséquemment, la grève de la faim ne doit être faite que lorsqu'il n'y a aucun autre moyen d'aboutir à un résultat ; mais celui qui la commence doit bien réfléchir auparavant, et sans fléchir aller jusqu'au bout de sa protestation.
N'est-il pas terrible de songer qu'au vingtième siècle des hommes soient contraints de se mutiler pour obtenir ce qui leur est dû légalement, et cela dans la France républicaine ? Eh non, il ne faut pas s'en étonné, quelle que soit la forme de gouvernement qui dirige la chose publique, tant que le capital subsistera, il y aura des parlementaires, des magistrats et des prisons et derrière les murs de ces prisons des hommes qui feront la grève de la faim pour s'élever contre l'injustice des lois et la tyrannie des puissants.

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