« Le poète se fait voyant par un long , immense
et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes
d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui même, il
épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les
quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de
toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade,
le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême savant ! -
car il arrive à l'inconnu ! Puisqu'il il a cultivé son âme,
déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu, et quand,
affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les
a vues ! Qu'il crève dans son bondissement par les choses
inouïes et innommables : viendront d'autres horribles
travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l'autre
s'est affaissé ! »
« Musset est quatorze fois exécrable pour nous,
générations douloureuses et prises de visions, - que sa paresse
d'ange a insultées ! Ô ! les contes et les proverbes
fadasses Ô les nuits ! Ô Rolla, Ô Namouna , Ô la
coupe ! Tout est français, c'est à dire haïssable au suprême
degré ; français, pas parisien ! Encore une œuvre de cet
odieux génie qui a inspiré Rabelais, Voltaire, Jean la fontaine,
commenté par M Taine ! Printanier, l'esprit de Musset !
Charmant, son amour ! En voilà, de la peinture à l'émail, de
la poésie solide ! On savourera longtemps la poésie française,
mais en France. Tout garçon épicier est en mesure de débobiner une
apostrophe Rollaque, tout séminariste en porte les cinq cent rimes
dans le secret d'un carnet. A quinze ans, ces élans de passion
mettent les jeunes en rut ; à seize ans, ils se contentent déjà
de les réciter avec cœur ; à dix huit ans, à dix sept même,
tout collégien qui a le moyen, fait le Rolla, écrit un Rolla !
Quelque uns en meurent peut-être encore. Musset n'a rien su faire :
il y avait des visions derrière la gaze des rideaux : il a
fermé les yeux. Français panadif, traîné de l'estaminet au
pupitre de collège, le beau mort est mort, et, désormais, ne nous
donnons même plus la peine de le réveiller par nos abominations ! »
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