lundi 2 août 2021

Reflexion sur la violence par Georges Sorel

 




"On peut se demander s’il n’y a pas quelque peu de niaiserie dans l'admiration que nos contemporains ont pour la douceur ; je vois, en effet, que quelques auteurs, remarquables par leur perspicacité et leurs hautes préoccupations morales, ne semblent pas autant redouter la violence que nos professeurs officiels"

"On concédera aux partisans de la douceur que la violence peut gêner le progrès économique et même qu’elle peut être dangereuse pour la moralité, lorsqu’elle dépasse une certaine limite. Cette concession ne peut point être opposée à la doctrine exposée ici, parce que je considère la violence seulement au point de vue de ses conséquences idéologiques. Il est certain, en effet, que pour amener les travailleurs à regarder les conflits économiques comme des images affaiblies de la grande bataille qui décidera de l’avenir, il n’est point nécessaire qu’il y ait un grand développement de la brutalité et que le sang soit versé à flots. Si une classe capitaliste est énergique, elle affirme constamment sa volonté de se défendre ; son attitude franchement et loyalement réactionnaire contribue, au moins autant que la violence prolétarienne, à marquer la scission des classes qui est la base de tout le socialisme."


"Il était cependant facile de comprendre que les socialistes ne se laisseraient pas vaincre sans avoir employé toutes les ressources que pouvait leur fournir la situation. Des gens qui ont voué leur vie à une cause qu’ils identifient à la rénovation du monde, ne pouvaient hésiter à user de toutes les armes pour développer d’autant plus l’esprit de lutte de classe que l’on faisait plus d’efforts pour le faire disparaître. Les rapports sociaux existants se prêtent à une infinité d’incidents de violence et l'on n'a pas manqué d’engager les travailleurs à ne pas reculer devant la brutalité quand celle-ci peut leur rendre service. Les bourgeois philanthropes faisant fête aux syndiqués qui voulaient bien consentir à venir discuter avec eux, dans l'espoir que ces ouvriers, fiers de leurs fréquentations aristocratiques, donneraient des conseils pacifiques à leurs camarades, des soupçons de trahison devaient naître assez rapidement contre les partisans des réformes sociales. Enfin, et c’est le fait le plus remarquable de cette histoire, l’antipatriotisme devient un élément essentiel du programme syndicaliste [Comme nous considérons toutes choses du point de vue historique, il importe peu de savoir quelles raisons se donnèrent les premiers apôtres de l’antipatriotisme ; les raisons de ce genre ne sont, presque jamais, les bonnes ; l’essentiel est que pour les ouvriers révolutionnaires l'antipatriotisme apparaisse inséparable du syndicalisme.]"

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