Le 31 octobre à Paris, a lieu
la « marche pour la dignité et contre le racisme », organisée et signée par un
certain nombre de groupes et d’individus pour le moins ambigus sur leurs
rapports avec l’extrême-droite ou l’Islamisme politique et la récupération
(mutuelle) de leurs idées, elle marque l’avancée d’une mystification grossière
et de plus en plus courante, qui ne peut fleurir que sur le vide et l’ignorance
qui caractérisent cette époque décomposée. Parfois il n’y a pas d’ambiguïté,
comme par exemple avec Tariq Ramadan (et ses Frères Musulmans), maître du
double langage et partisan d’un « moratoire » sur la lapidation des femmes.
On nous parle de « races » et
d’antiracisme dans les mêmes phrases, un boulevard ouvert au XIXe siècle par certains
courants racialistes et colonialistes de gauche, et arpenté depuis quelques
années par Dieudonné, Soral et leurs (ex-)amis des Indigènes de la République,
avec l’appui de quelques « antifascistes » perdus, et d’investissements divers
des actionnaires internationaux de la réaction. Vous allez marcher aux côtés
d’un mouvement (le PIR) qui appelle, comme le parti nazi à une autre époque, à
la « lutte des races », un concept remis à l’ordre du jour par des
universitaires qui font leurs carrières dans le sillon du philosophe des
ayatollahs, Michel Foucault, ou du darwiniste social Ludwig Gumplowicz (der
Rassenkampf)
L’idée de « race
», entendue comme classification des différents groupes ethniques de l’espèce
humaine, a été abandonnée par les sciences autour du XIXe siècle, car la
variabilité génétique entre individus d’un même groupe est plus importante que
la variabilité génétique moyenne entre groupes géographiques éloignés. La race
n’est donc pas un critère biologique valide ou crédible depuis déjà longtemps,
du moins en ce qui concerne la description de l’espèce humaine. Le terme
continue d’être employé pour les autres espèces animales, pour lesquels les
« races » sont distinguées à des fins d’élevage et de sélection,
une utilisation que nous ne trouvons pas beaucoup plus acceptable, mais ce
n’est pas le sujet du jour. L’utilisation des « races » appliquée aux
humains, a malgré cela perduré encore quelques décennies dans l’usage courant
(entendre, au café du commerce). C’est derrière ce concept que se sont
organisées les rafles et l’extermination des juifs et des tziganes d’Europe par
les nazis et leurs relais locaux, comme l’État français. Aux « races
inférieures », les nazis opposaient la « race supérieure »,
celle des forts, des nordiques, les « aryens ». Rien de nouveau donc
lorsque l’on analyse la nouvelle marotte des Indigènes de la République et
leurs amis racialistes : Le dit « philo-sémitisme d’Etat », d’un
État français qui a donné le plus possible des juifs qu’il avait sous la main
pour les parquer, les exploiter et les exterminer. On reste sur les plates-bandes
piégées d’Éric Zemmour, qui lui, nous explique de la même manière que Pétain a
« sauvé des juifs » (sic !). Or, le racisme doit être combattu
sous toutes ses formes, celui des opprimés comme celui des dominants, celui des
Zemmour et des Le Pen comme celui de l’homophobe Bouteldja (qui n’a rien d’une
opprimée, mais tout d’une hipster issue de la bourgeoisie universitaire
franco-algérienne) et des racistes Soral et Dieudonné (qui s’en mettent plein
les poches au passage), mais également le racisme entre opprimés. La
destruction des juifs d’Europe, Houria Bouteldja, patronne des indigènes, la
décrit comme d’une « historicité douteuse ». Rendant ainsi hommage au
père spirituel du négationnisme pro-nazi : Robert Faurisson et ses
nouvelles mules : Soral et Dieudonné. De même, le discours qui consiste à
associer les israéliens (et les juifs !) à l’État d’Israel ou les
palestiniens (et les arabo-musulmans !) aux autorités palestiniennes, ou
alors le sionisme et le judaïsme, les juifs SDF et les juifs banquiers, les
fedayins du Moyen-Orient et les arabes et musulmans d’ici (qui peuvent aussi
bien être patrons, militaires, juges ou flics), etc. Fini la lutte des classes,
et place à la lutte des « races », les « races sociales »,
même. Tout n’est que raccourci, parce que les raccourcis sont plus faciles à
faire avaler à des ignorants que des pensées complexes, documentées et un tant
soit peu sérieuses, sans parler même de révolutionnaires (un truc de blanc, la
révolution ? nous dit-on parfois, sans aucun fondement historique réel…).
Le concept de « race » a aussi été utilisé pour justifier, par
exemple, les zoos humains dans lesquels, en Europe, on exposait dans des cages
les individus de « races inférieures » (des individus capturés comme
du gibier dans les colonies) aux occidentaux, comme une curiosité exotique, à côté
des femmes à barbes et des concours de lancers de nains. Le colonialisme lui-même
était basé sur le concept de « race » et sur la prétendue
« supériorité » des unes sur les autres, ou selon les points de vue,
des autres sur les unes. Ce sont les mêmes conceptions qui ont permis
l’esclavage de populations entières par d’autres à travers les âges et à des
échelles monstrueuses, comme lors des différentes traites des noirs ou le commerce
triangulaire sur lequel les Etats occidentaux (mais aussi d’autres régions du
monde, notamment celles où étaient capturés les esclaves) se sont enrichis
pendant des siècles. L’utilisation du mot a perduré encore quelques décennies,
dans un usage le plus souvent lié à l’ignorance et à l’habitude, jusqu’à ce
qu’il ne soit plus utilisé que par des courants racistes (ou racialistes, mais
nous laissons la distinction aux taxidermistes) d’extrême-droite, comme les
suprémacistes blancs du Ku Klux Klan aux USA ou chez les Afrikaner de
l’apartheid sud-africaine, mais aussi chez les suprémacistes noirs de Louis
Farrakhan, etc. Dans tous les cas, il nous paraît important de rappeler que les
« races » sont des constructions sociales sans aucun autre fondement
que les idéologies et les traditions réactionnaires. Un concept qui n’a jamais
servi à rien d’autre qu’à créer des hiérarchies entre les humains sur des
critères sociobiologiques orientés, pour d’un côté, gommer les différences
entre les classes (au service de la guerre au pauvre), et séparer les exploités
dans de petites communautés fermées où seuls les « siens » comptent,
et le reste du monde peut bien crever. Aujourd’hui, le concept de «
race » semble vouloir faire son retour, mais pas uniquement à droite. Cela
fait des années que dans certaines mouvances d’extrême-gauche, des racialistes
d’un genre nouveau sont en train de reprendre le pouvoir. Fondamentalement, le
racialisme de gauche n’est pas nouveau, il a servi, en « prouvant »
l’infériorité des colonisés, à justifier le colonialisme de gauche, entre
autres méfaits. La différence avec celui de droite c’est souvent qu’il se veut
bienveillant (éduquer les « sauvages », leur apporter
« nos » Lumières et autres balivernes civilisatrices et
paternalistes) lorsqu’à droite il se veut toujours malveillant, et parfois
exterminateur. Suite à une longue dérive, ce néo-racialisme (qui n’a de nouveau
que les protagonistes) marque la prise de parti racialiste de toute une gauche
identitaire qui classe et trie les individus selon leurs origines ou le pantone
de leur épiderme, comme la droite identitaire, et leur assigne de façon
mécanique, comme les marxistes autrefois avec le prolétariat, une « tache
historique ». La seule différence, répétons-le, c’est que le tri se fait
pour la promotion à gauche et pour l’exclusion à droite. Les nouvelles
idéologies de gauche, souvent issues de l’université, comme les post-colonial
studies (et les radical studies en général), l’intersectionnalité, certaines
formes de féminismes ou d’« antiracisme » remettent le concept au
goût du jour, l’air de rien. La proposition organisationnelle de la non-mixité,
par exemple, en est l’un des meilleurs exemples. Cela principalement lorsque
les critères de cette non-mixité sont basés sur des critères racialistes :
noirs, blancs, etc. Mais à partir de quel degré ou pourcentage de mélanine
peut-on être considéré comme noir ou blanc, ou ni l’un ni l’autre ? De la
même manière, les tailles et les formes du clitoris et du pénis sont tellement
variables que nous posons la même question sur le genre, comment enfermer un
individu, avec toute sa complexité et son unicité, dans des cases aussi
fantoches que « noirs », « blancs », « femmes »,
« hommes » mais aussi « homosexuels » ou
« hétérosexuels », « juifs », « chrétiens » ou
« musulmans ». Un individu homosexuel, est-il homosexuel à 100
% ou à 33 %, s’il a déjà eu du désir pour un individu du sexe opposé, est-il
toujours à sa place en non-mixité homo ? A partir de quel pantone doit-on
se considérer comme noir, blanc, jaune ou on ne sait quoi d’autre ? Plutôt
U-78566 ou UE-988009 ? Qui décide de qui est « noir » ou
« blanc », de qui est l’untermensh et de qui est l’« aryen » ?
Toutes les catégories qui réduisent les individus à des critères biologiques
(ou sociobiologiques) ou à des identités fixes, sont des catégories du pouvoir
qui n’ont jamais servi à rien d’autre qu’à séparer les humains entre eux, pas
sur des critères de classe, ou sur des critères liés aux choix individuels des
uns et des autres, mais sur des critères imaginaires, essentialistes et englobants.
On est « noir » ou « blanc », on est « français
», « espagnol », « israélien » ou «
palestinien », comme on est « juif », « chrétien » ou
« musulman », c’est à dire par choix, par assignation ou par intériorisation
des catégories du pouvoir. Dans les trois cas, le résultat est le même :
le repli identitaire, tribal et communautariste. Mais les identités sont des
illusions et des fantômes sur lesquels se sont toujours recroquevillés les
exploités en période de crise sociale, relayant les imaginaires de division du
pouvoir pour perpétuer la « paix sociale », l’autre nom de la guerre
aux pauvres. Si nous tenons à l’idée d’une rupture avec ce monde de fric et de
flic, il nous faudra abandonner toutes ces catégories du pouvoir qui ne servent
qu’à diviser pour mieux régner, et donc assurer la domination de l’économie et
des États sur les populations. Aujourd’hui, il n’est plus possible de nier que,
par exemple, les Indigènes de la République ont rejoint les thèses racialistes
de l’extrême-droite, ou bien pour le dire simplement : qu’ils ont rejoint
l’extrême-droite pour y former une nouvelle tendance qui ne diverge d’avec les
autres que sur un seul point : un vieux fond de commerce gauchiste et
l’inversion des schémas racistes ordinaires, mais toujours les mêmes vieux
schémas pourris de l’intérieur, c’està-dire la race, et le plus souvent,
l’homophobie, le sexisme et la haine du « juif ». Pas étonnant alors
que derrière eux, se meuvent des groupes religieux alliés historiques des
totalitarismes divers comme les Frères Musulmans, en terme de financement comme
en terme d’apports idéologiques et pratiques (au même titre que les Black
Panthers, la Nation of Islam ou le Hamas). Révolutionnaires, nous devons
remettre la « race » dans les poubelles de l’histoire où nous
l’avons trouvé, sous peine de rendre impossible toute transformation radicale
de l’existant. A l’heure où les frontières entre extrême-droite et
extrême-gauche n’avaient pas été aussi floues que depuis la Belle Époque et les
thèses immondes de Gobineau sur l’inégalité (et l’existence !) des races,
le simple fait que nous ressentions le besoin de ré-exprimer de telles
banalités (que les races n’existent pas) à l’occasion d’une manifestation
prétendument « anti-raciste », devrait être un signal d’alarme assez
fort. L’heure est grave, et nous insistons : Il n’existe pas de races mais
que des racistes !
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