dimanche 1 août 2021

Capitalisme et Djihadisme: Une guerre de religion Décembre 2015 Partie 5 Par Michel Surya






·       Dire : c’est la même chose qu’aimer l’argent ou aimer Dieu à ce point, ce n’est rien dire contre l’argent ni contre Dieu en tant que tels, mais beaucoup contre les formes que le besoin et l’amour se cherchent toujours et partout et pour leur consolation ; laquelle, à la fin, ne serait pas à ce point nécessaire si Dieu et l’argent ne s’étaient pas eux-mêmes promis comme consolation, de quelque amour et quelque besoin que ce soit.

·       Consolation que le communisme (entre autres révolutionnaires) a paru pouvoir satisfaire, le temps court – tout au plus quelques petites dizaines d’années- entre le moment où l’on n’a plus douté de la mort de Dieu, et celui où l’on s’est convaincu que la naissance de l’argent (pour tous, en toute hypothèse) était de nature à le remplacer avantageusement.

·       Dire que l’argent est essentiellement puritain ; c’est nécessairement dire, pour peu qu’on poursuive un instant l’hypothèse de la réciprocité constitutive de ces deux passions : s’il n’y a que Dieu à ne pas pouvoir être échangé contre l’argent (fondement des religions), il n’y a que l’argent à pouvoir prétendre à l’état de totalité alternative jadis dévolue à Dieu (fondement du capitalisme). De là que leur guerre ne puisse en effet qu’être de religion.

·       Guerre de religion, et comme telle générale : c’est-à-dire aussi peu faite que possible pour épargner surtout les juifs, dont c’est toute guerre d’essence religieuse qui a toujours voulu d’abord la fin, en tant qu’elle les présume consubstantiellement liés à Dieu et à l’argent. Et les juifs sont en effet parmi ceux qu’on aura d’instinct, c’est-à-dire les premiers, tués à Paris (à Toulouse, à Bruxelles). Tueries qu’on n’aura pas entendu les révolutionnaires ou les « insurrectionnalistes » prendre si peu que ce soit en considération, encore moins déplorer, leur préférant d’autres victimes, susceptibles celles-là de consolider leurs alliances stratégiques ou de principe (ainsi que le veut l’irénisme auquel leur situation défensive les réduit). Et leur permettant d’accuser d’abord les conséquences il est vrai liberticides et discriminatrices de l’antiterrorisme : « Ce que je vois dans le 11 janvier, c’est d’abord une manœuvre gouvernementale obscène pour s’approprier un choc, pour s’approprier un &tat d’extrême vulnérabilité générale et la tentative, réussie à ce jour, de retourner en instrument de domination de la population un évènement terrible », aura dit l’un d’entre eux.

·       Irénisme que motive le besoin de maintenir en l’état, à un moment critique précis, dans la crainte, qui plus est, que celui-ci se répète et se perpétue, ce qui est en réalité traversé par des conflictualités lourdes et durables.

·       On a beaucoup craint, en France, avec raison, les « amalgames ». Amalgames qu’on a, par le même mouvement, aussitôt qualifiées d’ »islamophobes » (en tout cas, qu’inspirerait une islamophobie qui ne s’avouerait pas). Confusion supplémentaire dont on s’étonne, pour peu qu’on prenne ce qu’il reste du révolutionnarisme au sérieux : le XXI siècle n’est en effet pas moins fondé à être « islamophobe », que le XVIII° à avoir été « christianophobe ». Entre autres superbes asymptotes de la christianophobie, du XVIII° au XX° siècle : d’Holbach, Sade, Feuerbach, Engels, Marx, Rimbaud, Nietzsche, Freud, le surréalisme, Artaud, Bataille, etc.

·       Islamophobe ne dit rien contre personne et tout contre une servitude de plus, et immémoriale. De quoi cherche-t-on à accuser le seul matérialisme conséquent (athée) ? de passer pour n’aimer pas une minorité, quand c’est tout ce qui la maintient à l’état mineur qu’il faut, pour elle, ne pas aimer.

·       Le premier à avoir fait l’expérience et l’épreuve d’une fatwa promulguée en 1989, laquelle déclara à travers lui, à la littérature et à la pensée, une guerre, dont les attentats récents sont, à plus d’un titre, l’exacte continuation théo-téléologique, Salman Rushdie en 2015 : « […] l’extrémisme constitue une attaque contre le monde occidental autant que contre les musulmans eux-mêmes. C’est d’abord une prise de pouvoir, une tentative d’imposer une dictature fascisante à l’intérieur même du monde islamique. On a beau jeu d’incriminer les drones américains, mais pour chacun de ces missiles on dénombre mille attaques et attentats commis contre des individus et des mosquées par des djihadistes […] Combattre l’extrémisme […] n’est pas combattre l’islam. Au contraire, c’est le défendre. » (2015) Affirmation que je ne reproduis ici, et pour voler un moment à leur secours, qu’à l’intention des anticapitalistes ou des révolutionnaires à qui il semble que l’islam doive être défendu, ne serait-ce que parce ce serait défendre les masses qui s’en réclament ; pas à l’intention de ceux qui tiennent qu’aucune religion ne mérite réellement d’être défendue, pour peu qu’on veuille réellement défendre la réclamation de ces masses. 

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