vendredi 20 août 2021

Wilhelm Reich : La psychologie de masse du fascisme

 


 

« Le travailleur pensant et agissant selon les vues de la démocratie du travail ne s’élève pas contre le politicien. Ce n’est pas sa faute, ce n’est pas son mauvais vouloir, si un résultat pratique du travail met à nu le caractère illusoire et irrationnel de la politique. En tant que travailleur pratique on est, dans quelque profession que ce soit, attelé à des tâches pratiques visant à améliorer la vie des hommes. On n’est donc pas «contre» quelque chose à la manière du politicien qui, faute de tâches pratiques, est toujours contre et jamais pour quelque chose. C’est cette attitude essentiellement négative (je suis «contre») qui caractérise la politique dans son ensemble. Les réalisations pratiques et productives ne sont pas le fait du politicien mais du travailleur, avec ou contre les idéologies du politicien. Des années d’expériences ont démontré d’une manière très nette que le travailleur pratique entre toujours en conflit avec le politicien. Quiconque se met au service des fonctions vitales, quiconque s’affaire et s’active, est contre la politique, qu’il le veuille ou non. L’éducateur est pour l’éducation rationnelle des petits enfants; le paysan est pour l’utilisation des machines dans l’agriculture; le chercheur est pour l’établissement de preuves scientifiques. Il est facile de se rendre compte que là où un travailleur est contre telle ou telle performance, il ne parle pas en sa qualité de travailleur mais sous l’effet d’influences politiques on d’autres influences irrationnelles. 

L’idée qu’un travail positif n’est jamais dirigé «contre» quelque chose, mais qu’il se fait toujours «pour» quelque chose, a l’air invraisemblable et exagéré. Cette impression est due au fait que notre vie de travail est parsemée d’affirmations fondées sur des motivations irrationnelles qu’on ne distingue pas d’appréciations objectives. Le paysan n’est-il pas contre l’ouvrier, l’ouvrier contre l’ingénieur, etc.? Tel médecin n’est-il pas pour ou contre tel remède? On dira que la liberté d’opinion démocratique entraîne, de par sa nature, la nécessité d’être «pour» ou «contre». À quoi j’oppose l’allégation que c’est précisément cette définition formaliste et peu objective de la notion de liberté d’opinion qui a contribué pour une large part à l’échec des démocraties européennes. Prenons un exemple: un médecin est contre un certain remède. Cette attitude peut avoir deux raisons: Ou bien le remède est vraiment mauvais et le médecin consciencieux; dans ce cas, celui qui a produit le remède a mal travaillé. Son travail n’a pas donné satisfaction, il n’était pas soutenu par le désir objectif et ardent de produire un excellent remède. Les motifs du producteur ne relevaient pas de la fonction du remède, mais, disons, de son désir de réaliser des bénéfices, autrement dit de causes irrationnelles, puisqu’il n’était pas adéquat au but. Dans ce cas, le médecin a une réaction rationnelle, il agit dans l’intérêt de la santé humaine, c’est-à-dire qu’il est automatiquement contre le mauvais remède puisqu’il est pour la santé. Il agit d’une manière rationnelle, puisque le but de son travail et le motif de son opinion coïncident. Ou bien le remède est bon et le médecin peu consciencieux; si, dans cette hypothèse, le médecin est contre le bon remède, il n’agit pas dans l’intérêt de la santé humaine, mais – mettons – parce qu’il est payé par une firme concurrente pour la publicité qu’il fait pour ses produits. Il n’accomplit pas sa fonction de travail en tant que médecin; le motif de son appréciation (liberté d’opinion) est sans rapport avec son contenu ou sa fonction de travail. Le médecin s’élève contre le remède, parce qu’il travaille pour son propre bénéfice et non pour la santé. Or, le but de l’activité du médecin n’est pas le profit personnel. Son attitude est donc essentiellement négative («contre ») et non pas positive («pour»). »

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