CAS
NO 5
Psychoses
puerpérales chez les réfugiées
On appelle psychose puerpérale
les troubles mentaux qui surviennent chez la femme à l’occasion de la
maternité. Ces troubles peuvent apparaître immédiatement avant ou quelques
semaines après l’accouchement. Le déterminisme de ces maladies est très
complexe. Mais on estime que les deux causes principales sont un bouleversement
du fonctionnement des glandes endocrines et l’existence d’un « choc affectif ».
Cette dernière rubrique, quoique vague, recouvre ce que le public appelle «
grosse émotion ».
Sur les frontières tunisiennes
et marocaines, depuis la décision prise par le gouvernement français de
pratiquer sur des centaines de kilomètres la politique du glacis et de la terre
brûlée, se trouvent près de 300 000 réfugiés. On sait l’état de dénuement dans
lequel ils vivent. Des commissions de la Croix-Rouge internationale se sont à
maintes reprises rendues sur les lieux et, après avoir constaté l’extrême
misère et la précarité des conditions de vie, ont recommandé aux organismes
internationaux d’intensifier l’aide à ces réfugiés. Il était donc prévisible,
étant donné la sous-alimentation qui règne dans ces camps, que les femmes
enceintes montrent une particulière prédisposition à l’éclosion de psychoses
puerpérales.
Les fréquentes invasions des
troupes françaises appliquant « le droit de suite et de poursuite », les raids
aériens, les mitraillages – on sait que les bombardements des territoires
marocains et tunisiens par l’armée française ne se comptent plus, et
Sakiet-Sidi-Youssef, le village martyr de Tunisie, en est le plus sanglant
exemple –, l’état de démembrement familial, conséquence des conditions de
l’exode, entretiennent chez ces réfugiés une atmosphère d’insécurité
permanente. Disons-le, il y a peu d’Algériennes réfugiées ayant accouché qui
n’aient présenté des troubles mentaux.
Ces troubles revêtent
plusieurs formes. Ce sont soit des agitations qui peuvent prendre quelquefois
l’allure de furies, soit de grosses dépressions immobiles avec tentatives
multiples de suicide, soit enfin des états anxieux avec pleurs, lamentations,
appels à la miséricorde, etc. Pareillement, le contenu délirant est divers. On
trouve soit un délire de persécution vague, qui intéresse n’importe qui, soit
une agressivité délirante contre les Français qui veulent tuer l’enfant à
naître ou nouvellement né, soit une impression de mort imminente, les malades
implorent alors des bourreaux invisibles d’épargner leur enfant...
Ici encore il faut signaler
que les contenus fondamentaux ne sont pas balayés par la sédation et la
régression des troubles. La situation des malades guéries entretient et nourrit
ces nœuds pathologiques.
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