Manon Aubry est une personne qui vient à la politique car elle a cette croyance que seule la politique peut faire bouger les choses. Comme elle le dit, peut-être casser les barrières entre politique et le monde associatif. La chose peut-être sincère, tentante mais ne peut-elle pas être le piège pour faire de l'entriste dans le monde associatif? Après l'avoir fait dans les syndicats, pour les détruire de l'intérieur, le monde associatif?
La sincérité de la personne n'est peut-être pas à mettre en cause mais on peut douter de la sincérité du monde politique.
DES PROMESSES EN POLITIQUE ET À SOI-MÊME
: UN BILAN PERSONNEL DE MA 2ÈME ANNÉE DE MANDAT
S’éloigner de l’agitation politique.
Prendre (enfin !) le temps de déconnecter. Voilà mon programme pour les
prochaines semaines. Parce que je m’étais promis de ne pas être complètement
happée par la vie politique. Parce que derrière nos combats politiques, nous
devons rester des êtres humains. Parce que des élus coupés de la réalité, il y
en a trop. Et que c’était une de mes lignes rouges que je m’étais fixée dans
une lettre que je me suis écrite à moi-même avant de sauter le pas et de
plonger tête la première dans le grand bain de la politique.
Alors que se termine ma 2ème année de
mandat, c’est l’occasion de relire cette lettre. Et de faire un premier bilan.
Personnel et subjectif, forcément.
La politique plus utile que l’associatif
?
Nombreux dans mon entourage me demandent
si je regrette mon saut en politique. Ils voient mon rythme de vie transformé
et accéléré et m’interrogent : était-il utile de quitter le monde associatif
(Oxfam) pour entrer dans le jeu politique ? Deux ans plus tard, je n’ai aucun
regret. Certes, le travail purement associatif me manque parfois. Notamment
parce qu’il demeure bien moins violent et à certains égards moins épuisant que
le monde politique. Parce qu’il m’a permis d’enquêter et de documenter les
pires pratiques d’évasion fiscale, un travail de fond bien éloigné des
polémiques politiciennes auxquelles je suis sans cesse sommée de répondre.
Parce qu’il a vocation à faire l’agenda médiatique plutôt qu’à se le faire
dicter sur des thématiques souvent montées de toutes pièces par l’extrême
droite.
Mais non, je n’ai aucun regret. D’abord,
parce que si tous les dégoutés de la politique partent, il ne restera plus que
les dégoutants. Ensuite, parce que je reste convaincue que ce sont de ces
passerelles entre le monde associatif et le monde politique que peut naître un
élan de transformation, une véritable « union populaire » et créer une
dynamique en capacité de l’emporter. Mais surtout, parce que la politique reste
le principal moyen de changer la vie (« ici et maintenant » pour reprendre un
vieux slogan qui a depuis été bien dénaturé…). De sortir des millions de gens
de la pauvreté. De garantir un emploi à tous. D’éviter la catastrophe
écologique. De mettre fin aux paradis fiscaux. Et voilà ce qui m’anime
toujours, deux ans après.
Le syndrome de l’imposture
Alors comment trouver sa place ? C’est
une vraie question. Et je mentirais si je disais que c’était la chose la plus
facile. En politique, il est rarement permis d’hésiter ou de douter. J’ai
d’ailleurs toujours été frappée par l’assurance que dégagent tous les hommes
politiques (souvent des hommes d’ailleurs). La réponse à tout. La certitude de
toujours avoir raison. D’être dans le vrai.
J’ai la particularité d’avoir été
projetée dans le monde politique sans avoir eu à patiemment faire ma place, ou
me vendre pour grimper les échelons. C’est une vraie chance car je ne me sens
pas redevable et peux librement faire mes choix politiques sans calcul. La
sincérité, ça n’a pas de prix pour moi en politique. Mais, il est évident que
j’ai parfois l’impression d’être entrée là par effraction. Me sentir
illégitime. Pas à ma place. Je sais que je ne suis pas la seule. D’autres l’ont
écrit avant moi. C’est le syndrome de l’imposture, vécue bien plus souvent par
des femmes. Et qui les pousse souvent vers la sortie.
Alors je veux dire qu’il n’y a rien de
honteux. Qu’il est normal de douter. Que nous ne sommes pas des robots
politiques. Et j’en suis même convaincue, c’est aussi ça qui fait notre force.
Alors oui, cela nous éloigne peut-être de l’image des guerriers qui partent au
combat la fleur au fusil. Mais j’assume de refuser ce cadre à la fois violent
et puéril de petits garçons qui jouent à la guerre.
Députée activiste
Ma légitimité, je l’ai trouvée ailleurs.
Dans la poursuite de mes combats associatifs dans le monde politique : c’était
aussi une de mes promesses que je m’étais écrite il y a plus de deux ans. Car
après tout, je ne me définis pas comme une élue. Mais comme une activiste. Une
activiste au parlement européen. Un pied dans les institutions européennes pour
mener le combat, et un pied auprès des mouvements sociaux et luttes sur le
terrain. Oui mon objectif est de faire tomber les murs si épais qui existent
entre les institutions européennes et la vraie vie.
C’est vrai que ça leur fait parfois
drôle d’avoir une élue qui dit les choses directement, porte fièrement les
habits de Rosie la Riveteuse en honneur au combat féministe ou se présente avec
un T-shirt « taxez les riches ». Mais j’assume. Joindre le geste à la parole et
sortir du ronron institutionnel dans lequel se sont enfermés trop d’élus.
Quitte à secouer. Secouer Ursula Von Der Leyen, la présidente de la commission
européenne, sur l’opacité des contrats avec les labos pharmaceutiques. Secouer
les Etats européens parmi les pires paradis fiscaux du monde, ceux dont on ne
doit pas prononcer le nom à tel point qu’on se croirait tout droit sorti
d’Harry Potter. Secouer les lobbies en révélant et dénonçant le rôle qu’ils
jouent en coulisses comme le MEDEF pour torpiller une mesure de lutte contre
l’évasion fiscale. Secouer les multinationales qui violent les droits de
l’homme. Secouer la banque centrale européenne en se battant pour une
annulation de la dette. Secouer milliardaires et grandes multinationales en
proposant une taxation sur les profiteurs de la crise. Et pour tout ce travail,
j’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe brillante. Car oui, la
politique est avant tout une aventure collective. C’est certes ma bobine qui
passe à la télé, mais il y a aussi derrière une formidable équipe qui bosse au
quotidien avec moi pour réaliser tout ce travail. Et je veux ici les remercier
car c’est aussi bien trop rarement le cas en politique.
Alors certes, nous n’obtenons pas gain
de cause sur tout. Mais le vote au parlement européen appelant à la levée des
brevets, c’est notre amendement après un an de bataille sans relâche. Le vote
d’une proposition sur le devoir de vigilance des multinationales pour mettre un
terme à leur impunité, mon initiative et notre texte, au terme d’une magnifique
campagne « #QuiCommande »
à laquelle vous avez été nombreux à participer. Ou encore c’est nous qui avons
porté les débats sur l’annulation de la dette publique ou les paradis fiscaux.
Mais je considère également notre rôle
comme celui de lanceur d’alerte. Pour vous informer sur ces contrats opaques
entre les institutions européennes et les labos pharmas. Sur le rôle qu’ont
joué les lobbies dans les négociations européennes pour torpiller les mesures
de lutte contre l’évasion fiscale. Pour dénoncer le pass sanitaire européen.
Ces nouveaux accords de libre-échange qui vont être signés. Et tant d’autres.
C’est aussi pour cela que je m’attache en toute transparence à rendre de compte
de manière régulière de mon mandat.
Nous sommes enfin un point de relais.
Sur lequel, j’espère nous pourrons nous appuyer quand il s’agira de construire
une alternative en France et en Europe.
Mais d’ici là, il faudra recharger les
batteries. Il est temps pour moi de (vraiment) déconnecter quelques jours. Je
commence par reprendre les chemins de rando. Prendre soin de mes proches. Me
vider la tête. Préparer la prochaine saison de water-polo (oui, maintenir mes
entraînements de water-polo c’était aussi une de mes promesses ).
Car le meilleur moyen de tenir des
promesses politiques n’est-il pas de commencer par se tenir ses propres
promesses à soi-même ?
Je vous embrasse. Et prenez soin de
vous.
Manon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire