Ce terme est un de ceux dont
le sens très clair, subjectivement, s'obscurcit en proportion des efforts
tentés par les philosophes pour en préciser, objectivement, l'impossible
réalité. En fait, le néant. n'étant rien et nos représentations mentales,
sources de toutes nos pensées, ne pouvant se former que par des images
sensorielles et leurs rapports entre elles, il s'ensuit que nous ne pouvons
avoir une représentation du néant, pas plus que nous ne pouvons nous
représenter une couleur inconnue, ou une saveur inexistante. Cela étant, nous
ne pouvons penser le néant
Pourtant, dira-t-on, on peut
se représenter l'absence de quelque chose. Cela est inexact. L'analyse
introspective nous montre qu'il y a, ici, liaison entre deux représentations :
l'une antérieure, qui nous fait connaître l'existence de l'objet et des
réalités ambiantes l'accompagnant ; l'autre actuelle, qui nous montre
l'existence de ces réalités seules, avec impossibilité d'user de l'objet en
question.
Si l'on pousse l'analyse
plus loin, on peut même s'apercevoir qu'il y a presque superposition et
simultanéité de deux états mentaux : d'une part l'image antérieure de l'objet
qui reste présente à notre conscience ; de l'autre, l'image du présent qui
s'impose comme une impossibilité d'action et de liaison avec l'image
antérieure. Il est probable que, physiologiquement, cette impossibilité
d'action se traduit en nous par une déficience organique créant tous les états
connus, depuis la simple déception, jusqu'au regret et la hantise aiguë.
La conception du néant
primitif, sorte d'état imaginaire, d'où serait sorti le monde est une de ces
pauvres inventions que les hommes ignorants ont imaginées par faiblesse
intellectuelle, pour mettre un terme à leurs efforts investigateurs sur
l'origine des choses. Il se différencie tout de même du chaos grec, d'une
conception plus savante, laquelle admettait probablement un état primitif
inorganisé des éléments du monde.
Cosmologiquement, le néant,
le vide absolu n'ont pas plus de sens réel que l'infini et ne peuvent pas plus
se concevoir, bien qu'il faille admettre et le vide, et l'infini. Ici, le vide
s'entend comme intervalle ou distance entre deux points matériels (j'appelle
matérielle toute chose affectant nos sens). Toutes les découvertes de la physique
moderne tendent à démontrer un mouvement prodigieux de particules
extraordinairement minuscules, séparées par des distances énormes par rapport à
leurs dimensions propres. Ainsi, ce vide, sorte de mesure de deux points de
l'espace (deux sensations) s'apparente quelque peu à la durée, qui mesure également
deux faits successifs, deux sensations, dans le temps.
On peut aisément comprendre
que l'espace ainsi mesuré n'est pas du vide, du néant en soi, comme le suppose
Kant, mais qu'il correspond à une réaction physiologique de l'être vivant
s'adaptant à une réalité objective. Il suffit, pour s'en rendre compte,
d'essayer de se représenter des dimensions hors de 1'échelle humaine, pour
comprendre qu'une distance cosmique ou inter-atomique ne correspond à rien de
connu dans notre esprit. L'erreur de tous les philosophes qui ont suivi Kant,
dans son concept de l'espace, vient de ce fait qu'ils supposent, tout comme
lui, que la notion d'espace est antérieure à toute expérience, alors qu'il est
manifeste qu'une telle affirmation ne pourrait se fonder que sur la
démonstration irréfutable de l'existence de cette notion chez le nouveau-né.
Contrairement à cette conception, toutes les observations sur les enfants
démontrent, chez eux, l'absence de la notion précise d'espace et de distance,
la confusion des plans, la défectuosité de la vision et de l'adaptation des
gestes à la préhension des objets diversement éloignés. D'autre part, ce n'est
qu'à un âge relativement avancé, après d'innombrables expériences, que l'être
humain conçoit l'espace et le temps. Ce qui détruit la thèse Kantienne.
Quant il l'expression
populaire : « retourner au néant », cela signifie disparaître, cesser d'être et
non continuer d'exister sous une autre forme. Anéantissement est synonyme de
destruction, non de continuation.
- IXIGREC.
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