Jaurès prend la parole pour défendre les positions des socialistes quant à la question du nationalisme et de l'antimilitarisme et cela se passe au Tivoli-Vaux-Hall:
"Messieurs les ministres, Messieurs les gouvernants, Messieurs les diplomates chamarrés d'or et revêtus de belles intentions, vous prétendez que vous voulez l'arbitrage international; nous aussi. Mais nous en voulons la vérité et nous allons prendre dans nos fortes mains de prolétaires la cause que vous servez si mal et que vous trahissez en prétendant la servir. Désormais, vous ne pourrez plus, vous, gouvernants, dire à nous, socialistes, qui vous proposerons la paix entre les peuples, que c'est une utopie, puisque vous étudiez en ce moment à La Haye des règlements d'arbitrage obligatoire. Eh bien! nous vous faisons l'honneur de vous croire. Oui, l'arbitrage international est possible; oui, la paix du monde est possible; mais, comme vous, les gouvernants, vous êtes trop débiles pour l'établir, comme vous êtes sollicités entre le prolétariat qui veut la paix et les groupes de capitalistes qui ont intérêt à la guerre, ce que vous ne pouvez pas faire, nous le faisons et nous vous signifions dès maintenant que c'est par la volonté de l'internationale, par la volonté des ouvriers de tous les pays lassés de payer de leur sang vos rêves et vos crimes, que l'arbitrage international va s'établir.
Quand un litige commencera, nous dirons aux gouvernants: entendez-vous par vos diplomates. Si vos diplomates ne réussissent pas, allez devant les arbitres que vous avez désignés vous-mêmes, inclinez-vous devant eux: pas de guerres, pas de sang versé: l'arbitrage de l'humanité, l'arbitrage de la raison. Et si vous ne voulez pas, eh bien! vous êtes un gouvernement de scélérats, un gouvernement de bandits, un gouvernement de meurtriers...
Il n'est plus nécessaire de rechercher dans la complication des événements, dans les roueries de la diplomatie, dans les intrigues et le mystère des gouvernements, quel est le gouvernement qui attaque, quel est le gouvernement qui est attaqué. L'agresseur, l'ennemi de la civilisation, l'ennemi du prolétariat, ce sera le gouvernement qui refusera l'arbitrage et qui, en refusant l'arbitrage, acculera les hommes à des conflits sanglants. Et alors, l'internationale vous dit que le droit, que le devoir des prolétaires, c'est de ne pas gaspiller leur énergie au service d'un gouvernement de crime, c'est de retenir le fusil dont les gouvernements d'aventure auront armé le peuple et de s'en servir, non pas pour aller fusiller de l'autre côté de la frontière des ouvriers, des prolétaires, mais pour abattre révolutionnairement le gouvernement de crime."
Ces propos provoqueront un scandale dans la presse réactionnaire. Une fois de plus Jaurès est dénoncé comme un traitre à la patrie.
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