« Système ou opinion de ceux
qui attendent tout des seules forces de la Nature ». Voilà ce qu'on lit en
ouvrant à ce mot le dictionnaire Larousse.
C'est, en effet, à désigner
la doctrine médicale d'Hippocrate, père de la médecine, que le mot Naturisme à
été tout d'abord consacré. Deux principes dominent cette doctrine : 1° la
phagys ou nature médicatrice ; 2° le théion ou puissance divine. La nature
médicatrice régit l'organisme, le protège contre l'invasion des maladies. La
puissance divine domine la nature médicatrice et, dans maladies de l'ordre
surnaturel, paralyse en même temps ses efforts et ceux de l'art. Bien des
siècles ont passé depuis Hippocrate ; la médecine et les doctrines médicales
ont beaucoup changé, évolué et plus encore le sens du mot naturisme.
La médecine chimique et
microbiologique a relégué dans l'ombre le mot naturisme avec son sens
hippocratique et, repris aujourd'hui par quelques apôtres clairvoyants et
audacieux, il rebondit avec un sens tout autre et beaucoup plus large. Un de
ces apôtres parmi les plus qualifiés : le Dr André Durville, qui a créé la
revue Naturisme, en donne la définition suivante : « La doctrine naturiste est
la synthèse rationnelle et harmonieuse de tous les moyens naturels qui
permettent à l'être humain de réparer ses tares, de se maintenir en santé, de
devenir fort, équilibré et bien pensant. »
Pour ce qui est de ses
origines, ceux-là errent gravement qui les prétendent allemandes. Ce sont, en
effet, deux Français: le Dr Montennis, de Nice, et le Dr Pascault qui ont, les
premiers, exposé les directives permettant de créer, sur des hases solides, la
médecine de la Nature. Les premiers, ils attirèrent l'attention sur l'abus que
l'époque moderne fait des drogues, montrèrent l'importance qu'ont, pour
l'édification et la conservation de la santé, l'alimentation simple, saine,
naturelle, surtout végétale et fruitarienne, les cures d'air, de soleil et
d'eau. Ayant ainsi défini le naturisme - actuellement objet d'un grand
mouvement - et bien fixé ses origines, le Dr André Durville ajoute qu'il ne
peut être qu'une conception large, généreuse, impersonnelle ; il ne doit pas
être une chapelle, il ne doit avoir ni pape, ni officiants ; il doit exclure
l'idée religieuse. Il doit apprendre à vivre à ses adeptes, à vivre sainement,
moralement et laisser au prêtre le soin de poser la question théologique.
C'est à tort également qu'on
attribue à l'Autrichien Priesnitz et à l'Allemand Kneip, de Wiesbaden, les premiers
traitements par l'eau ; car dès le XVIIIe siècle, le médecin français Pomme a
été un défenseur enthousiaste des cures d'eau ; il fut suivi par Recamier,
Lisfranc, Dupuytren, Beni-Barde (1878). L'Autrichien Racklin passe pour avoir
le premier vanté la cure de soleil ; or 'I'urcla, médecin. français, l'avait
pratiquée avant lui. L'Allemand Basedow a été l'apôtre de la médecine sportive
et a, en 1771, essayé de recréer les Jeux Olympiques ; mais dès 1723, en
France, Audry avait tout dit des bienfaits du sport. Tels sont ceux à qui
revient le mérite d'avoir découvert et, les premiers, appliqué cette
incomparable méthode. Ceci dit, dans l'unique souci d'une documentation exacte,
il n'en reste pas moins vrai que le naturisme, ainsi défini doit beaucoup de ses
progrès, de ses applications et de son développement aux médecins et
hygiénistes d'un peu partout et, notamment aux Allemands. En France, le
naturisme est resté synthétique, c'est-àdire qu'il englobe :
1° La cure alimentaire ;
2° La cure d'eau (hydrothérapie)
;
3° La cure de soleil
(héliothérapie) ;
4° La cure d'air
(aérothérapie) ;
5° La cure de mouvement
(kinésithérapie).
Après leur père, Hector
Durville, les frères Durville y ont ajouté la cure mentale.
En Allemagne, on a cru bon
de subordonner le tout à la partie, c'est-à-dire au nudisme, lequel supprime,
ou à peu près, l'action de l'aliment et du mouvement, pour ne conserver que
l'action de l'air, du soleil et de l'eau. Autre différence : tandis que, en
France, le naturisme se tient, jusqu'ici, à l'écart de toute tendance politique
ou sociale, en Allemagne, ces deux tendances paraissent dominer le mouvement
nudiste et on pourrait presque dire qu'elles lui impriment ses directives : il
y a, outre-Rhin, le nu socialiste et le nu réactionnaire, tandis que, en
France, au point de vue spécial du nudisme, il n'y a que des nudistes intégraux
et des mitigés, c'est-àdire ceux qui proscrivent le slip, le simple caleçon et
ceux qui l'admettent, voire l'exigent.
L'attitude des Pouvoirs
publics, dans les pays où l'on pratique ou tente de pratiquer le nudisme
présente de notables différences. C'est ainsi que, en France, les Pouvoirs
publics se sont montrés, à l'égard du Nudisme, tantôt indifférents, tantôt
hostiles, sans, du reste, avoir encore arrêté à son endroit leur ligne de
conduite définitive ; chez nos voisins, le gouvernement, après quelques
hésitations, devant les grands avantages que cette méthode semble lui offrir,
pour l'avenir de la race, non seulement n'inquiète pas les nudistes intégraux,
mais accorde ses encouragements aux divers centres où ils la pratiquent. Aussi,
depuis quelques années, ces centres se sont multipliés surtout dans l'Allemagne
du Nord. Parmi les plus importants, ou du moins les plus connus, on compte
celui de Dornholzhangen, près Francfort, où s'est tenu, dernièrement, le
premier grand Congrès dit des hommes nus ; un autre est celui de Nackendorf.
Venus des quatre coins de l'Allemagne et de huit pays d'Europe, nombreux furent
les nudistes qui se déplacèrent pour assister au congrès de Francfort et aider
à la constitution des textes élaborés avec soin, pour former la future
Association européenne de « libre culture » et de réforme de la Vie. Les
nations représentées furent, avec l'Allemagne, l'Angleterre, la France,
l'Autriche, la Grèce, la Hollande, l'Italie et la Suisse.
Pour la France, avaient
envoyé des délégués : Paris, Lyon, Marseille, Nice, Nantes, Alger, Rabat, Toulon.
On y constata la présence des deux naturistes qui dirigent les deux grandes
revues françaises : Naturisme et Vivre intégralement ; M. le Dr André Durville,
et M. de Mongeot.
Chaque nation exposa ses
organisations différentes et, au cours des séances, les délégués français
insistèrent pour que le nudisme allemand devînt vraiment le naturisme et se
rapprochât du naturisme français, en faisant une part plus grande à
l'alimentation et au mouvement. Ils furent très applaudis, surtout par les
Allemands, et on vota sans retard la suppression de l'alcool et de la viande
dans la mesure du possible, ainsi que le recours, en cas de maladie, à la
médecine naturiste et naturelle. Furent votées également la gratuité et
l'obtention d'un parc pour la « libre culture » dans chaque ville de chacun des
pays représentés. Enfin on décida que la France serait chargée d'organiser les
relations européennes entre membres des différents groupes libre-culturistes.
Ainsi, un grand pas fut fait
pour que fût précisé en même temps qu'élargi le sens du mot « Naturisme ».
Compris dans le sens qu'il
doit avoir, après intégration du Nudisme intégral, le Naturisme apparaît à
certains, parmi les enthousiastes qui le pratiquent et méditent sur ses
bienfaits, beaucoup plus qu'une méthode infaillible de bien se porter et de
vivre longtemps en bien pensant, car ils y voient encore la Religion de
l'avenir. La plupart des religions, en effet, et le christianisme surtout, sont
nées des misères innombrables de l'humanité, de l'Universelle Douleur, comme
dit Sébastien Faure. Elles sont et furent toujours pour elle des consolatrices
faussement jugées par elle comme indispensables. En délivrant l'homme de ses
tares tant physiques que morales, en lui donnant le mens sana in corpore sano
qui est le dernier mot de tout, le Naturisme lui rendra la vie non seulement
supportable, mais belle, douce, bonne et désirable infiniment. Et l'homme
n'aura plus besoin d'être consolé, ni de rêver de chimériques paradis. Le
Soleil, l'Air et l'Eau, voilà la véritable trinité qu'il jugera désormais digne
de ses adorations.
- Paul VIGNE D'OCTON
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