Par naissance, on comprend
l'entrée dans l'existence d'un nouvel individu, Cet individu peut n'être que le
résultat d'une division d'un autre, comme c'est le cas pour beaucoup d'êtres,
qui se trouvent au plus bas de l'échelle du règne animal et il s'agit, alors,
de propagation asexuelle. De tels êtres, qui ont, sans doute, constitué les
premiers habitants de notre globe, naissent toujours d'autres possédant
exactement les mêmes caractères héréditaires, mais qui peuvent se différencier,
comme développement, par l'influence des conditions plus ou moins favorables de
l'ambiance, (température, lumière, nourriture) et, par conséquent, être plus ou
moins grands. Mais si un individu, pour peu développé qu'il soit, à cause d'une
ambiance défavorable, se trouve dans un milieu favorable, ses descendants
prendront un développement conforme.
Les caractères produits par
l'influence qu'exerce le milieu sur le développement de l'individu ne sont donc
pas héréditaires et on les appelle Paravariations. Mais, par suite de causes
encore peu connues, il arrive quelquefois qu'un individu naisse, qui possède un
ou plusieurs caractères nouveaux et qui ne sont pas seulement des
Paravariations parce que héréditaires et ces caractères sont appelés
Idiovariations (Mutations).
On sait, par la géologie que
les êtres vivants présentent, d'une façon générale, une évolution progressive
vers des formes moins primitives, plus compliquées, et cette évolution est due
aux Idiovariations. Si telle Idiovariation s'est trouvée être favorable à
l'existence de l'individu en question, celui-ci a pu se multiplier plus que les
autres moins favorisés. Mais souvent l'Idiovariation n'a pas eu un caractère
favorable et, si elle a eu un caractère défavorable, elle a contribué à faire
disparaître les individus en question.
La question de savoir si on
peut, artificiellement, provoquer des idiovariations a beaucoup préoccupé les
génétistes et on conçoit facilement pourquoi. Si on pouvait arriver à
déterminer des idiovariations favorables, il est évident qu'on aurait ainsi le
moyeu de hâter l'évolution vers le mieux Mais jusqu'à présent il n'existe pas
de cas d'expérimentation le prouvant. Pourtant, quelques expériences pratiquées
sur des êtres les plus simples, semblent prouver que des facteurs comme des
températures très hautes, certaines substances chimiques, des rayons de
Rœntgen, des rayons de Radium, etc., ont pu provoquer des idiovariations,
c'est-à-dire influencer à tel point l'Idioplasme, que de nouveaux caractères
héréditaires en sont sortis. Par Idioplasme on comprend la matière constituant
dans la cellule ce qui caractérise l'espèce vis-à-vis de toute autre espèce,
mais on ne connait pas encore les éléments, qu'ils soient liés à la structure
ou au chimisme, qui constituent ces caractères.
A part les Paravariations et
les Idiovariations, on emploie encore le terme Mixovariations ; mais ces
variations ne peuvent avoir lieu que chez les êtres sexués, où il existe des
mâles et des femelles, De telles variations proviennent du fait que les parents
sont Hétérozygotes, c'est-à-dire possédant des caractères héréditaires
différents, ce qui rend possible l'apparition de formes différentes,
ressemblant à des degrés presque illimités plus ou moins aux parents.
On nomme Homozygotes les
êtres qui proviennent des parents possédant les mêmes caractères héréditaires
et ces homozygotes n'existent que chez les animaux hermaphrodites et chez les
plantes qui sont fécondées par les éléments provenant du même individu, par
exemple où les fleurs ne laissent pas le pollen d'autres fleurs arriver au
stigma. Chez de tels êtres les Mixovariations ne se produisent pas.
On a beaucoup, étudié la
transmission des qualités héréditaires, et cette science : la Génétique, qui
est la plus jeune et qui ne date que d'environ trente ans (quand on a retrouvé,
dans un petit périodique de province, la publication des observations du moine
autrichien Gregor Mendel), sera sans doute la plus importante de toutes les
sciences.
Le fait que les qualités
physiques et mentales se transmettent par hérédité, avait, naturellement, été
reconnu de tout temps ; mais on n'avait pas trouvé le moyen de l'étudier par
l'expérimentation, qui est la seule manière de procéder en science.
Les lois découvertes par
Mendel, vers le milieu du siècle passé, mais restées inaperçues par les hommes
de science, constituent la hase de la science génétique, science très
compliquée et qui n'est encore que dans son stade initial et nous ne nous en
occuperons pas ici
Ce qui importe surtout,
c'est la lumière toute nouvelle que la science génétique jette sur l'étude de
la sociologie.
Car, qui n'a pas constaté
l'immense importance que, pour les rapports entre les hommes, ont leurs
qualités morales ? Ces qualités, si elles sont bonnes, rendent leur
fréquentation agréable et créent du bonheur, et si elles sont mauvaises, c'est
le contraire qui a lieu. Eh bien ! Les qualités morales, comme toutes les
autres qualités mentales et physiques sont héréditaires, On a dit qu'une
société vaut ce que valent les individus qui la composent et c'est en grande
partie vrai. Certainement une société, commue notre société capitaliste
actuelle, où règne la lutte pour la vie matérielle et où l'idéal consiste à
trouver le moyen de vivre en parasite, non seulement favorise le développement
de toutes les tares morales, mais encore les encourage. Pourtant, même dans une
société, où, par la collectivité, la vie matérielle serait assurée à tous
(nombreuses sont les doctrines émises et j'en ai moi-même émis une que j'aie
appelée « Le Socialisme Individualiste » et dont un bref résumé a été publié en
espéranto par Félix Lazelaure), la valeur morale des individus composant une telle
société aurait une grande importance. Personne n'a jamais mis en doute les
grandes différences intellectuelles entre les individus ni les différences
comme talents artistiques et autres. Les différences physiques sont aussi de
toute évidence,
L'idée de pouvoir arriver à
constituer peu à peu une humanité possédant de plus en plus des qualités et des
valeurs de tout ordre est tout naturellement sortie de la connaissance, encore
très rudimentaire, mais toujours en progression, des lois héréditaires, et c'est
ainsi qu'est née la science, appelée Eugénisme. Du reste, depuis les temps les
plus reculés, l'homme avait pratiqué à son avantage une sorte d'eugénisme parmi
les animaux et les plantes qui lui étaient utiles, et c'est par la sélection
des parents que l'homme a pu créer toutes les races d'animaux domestiques,
possédant les qualités recherchées et dont il avait découvert l'ébauche chez un
animal sauvage. De même il a agi en sélectionnant comme parents les plantes
qui, individuellement, possédaient des caractères qui lui étaient utiles. Mais,
comme je viens de le dire, cette sélection fut naturellement toujours faite par
l' homme à son avantage exclusif, jamais il l'avantage de l'animal ou de la
plante.
Mais, ceci dit, on conçoit
que le fait que l'homme a pu créer par la sélection des animaux domestiques et
des plantes de culture si différentes des types sauvages, fournit une preuve
indiscutable qu'il peut faire la même chose pour sa propre espèce, donc pour
l'avantage de l'espèce humaine, c'est-à-dire pratiquer l'Eugénisme. Ce
raisonnement était si simple que de tout temps l'homme, non entravé par les
influences néfastes de sociétés mal organisées, a pratiqué plus ou moins
l'eugénisme et cela souvent inconsciemment ; car, lorsque rien ne s'y oppose et
quand des intérêts matériels n'entrent pas en jeu, l'être humain est attiré
sexuellement vers l'individu de sexe opposé qui, par ses bonnes qualités, de
n'importe quel ordre, lui plait. Une telle sélection s'est donc faite tant que
l'homme vivait dans l'état où il ne pouvait se faire valoir que par son mérite
personnel. Mais du jour où la possibilité de devenir riche constitua l'idéal et
où cette richesse influença le choix dans les rapports sexuels, tout a changé.
Il y a de longues années, que j'ai publié ce que je crois être la réponse
logique à cette question si importante : pourquoi, depuis les temps les plus
reculés, on ne trouve pas que l'homme ait gagné en qualités mentales. Je pense
que c'est depuis que la sélection, basée sur le mérite personnel, a été remplacée
par la sélection basée sur la richesse ou le pouvoir, que l évolution mentale
de l'homme s'est arrêtée. Qu'on arrive à fonder une société où la vie
matérielle sera garantie à tous, et la sélection sexuelle reprendra de nouveau
sa voie naturelle et amènera une évolution progressive des qualités mentales de
l'homme. On pourrait se contenter de l'Eugénisme ainsi compris et comme il
semble devoir se pratiquer de nouveau, comme sans doute il s'est réalisé à une
époque très reculée. Mais quand on parle de l'eugénisme, on comprend
généralement, par là, ce qu'il est possible de faire actuellement pour
améliorer l'humanité et toutes les propositions peuvent être ramenées aux deux
catégories suivantes : l'eugénisme par mesures qui restreignent la procréation
d'êtres humains de qualité indésirable et l'eugénisme qui cherche des mesures
pour augmenter la procréation d'êtres humains désirables. Jusqu'à présent, ce
n'est que la première catégorie, qu'on appelle l'Eugénisme restrictif ou
éliminatoire, qui a été réalisée et seulement en Californie, où un mouvement
important existe pour la mise en pratique de l'Eugénisme. Ce mouvement est dirigé
par le docteur Paul Popenoe, qui est à l'heure actuelle, la plus haute autorité
sur ces questions et qui, en association avec M. E. Gosney, lequel a donné
beaucoup de sa fortune pour cette cause, dirige la Fondation pour
l'Amélioration Humaine, et l'Institut pour l'étude des Hérédités de Famille.
M. le Docteur Popenoe, que
je connais personnellement, m'envoie ses nombreuses publications, j'ai donc pu
me tenir au courant de ce que l'Eugénisme en pratique a réalisé et ce qu'on
cherche encore à réaliser.
En Californie, on a
légalement le droit de stériliser les personnes, hommes et femmes, qui
souffrent de maladies mentales héréditaires et qui sont à la charge de l'Etat ;
mais on cherche aussi à stériliser les personnes qui, sans souffrir de telles
maladies, sont, par leur manque d'intelligence, incapables de gagner leur vie
ou de se conduire seuls dans la vie et qui sont à la charge de l'Etat. On
cherche, en outre, à stériliser, par persuasion, les personnes qui, sans être à
la charge de l'Etat, se trouvent dans les mêmes conditions mentales. On a
stérilisé, depuis une vingtaine d'années, en Californie, 6255 personnes. Cette
stérilisation qui n'altère pas la puissance sexuelle ni diminue le désir de
rapports sexuels, mais rends inféconds les individus opérés, se fait sans aucun
danger et très facilement chez l'homme par la vasectomie et se fait par
salpingectomie chez la femme, opération plus délicate, mais qui, faite par un
opérateur expérimenté, n'est pas dangereuse. Que faut-il penser de cela ?
A mon avis, il faut
suspendre un jugement, qui serait déplacé et prématuré, ne serait-ce qu'à cause
de la mentalité américaine, si différente de celle de la plupart des autres
nations, même des Anglais, qui s'en approchent le plus.
Pour avoir habité les
Etats-Unis et y avoir pratiqué la médecine, je parle d'expérience personnelle.
Je veux croire que l'immense
majorité des stérilisations effectuées fut à l'avantage de l'humanité ; mais
quand on pense à ce qui se passe aux Etats-Unis, qui est le pays de la terre où
règne de la façon la plus absolue la ploutocratie et où se trouve répandu au
plus haut degré l'idéal de pouvoir vivre en parasite une fois gagné la
richesse, on hésite à donner son approbation sans restriction. Il est toujours
question, dans cette littérature sur l'Eugénisme restrictif, des personnes qui
mènent une vie non-civilisée (uncivilised life) et qui ne veulent pas s'adapter
à la civilisation américaine. Sans doute bien des personnes qui seraient jugées
aux EtatsUnis comme menant des vies non-civilisées, ne sont pas jugées ainsi
dans la plupart des autres pays et cela surtout quand il s'agit de la vie
sexuelle. Qu'on pense seulement à l'énormité que, aux Etats-Unis, le simple
fait d'avoir des rapports sexuels en dehors du mariage est punissable par la
loi ! Qu'on pense à la persécution féroce qui s'exerce aux Etats-Unis contre
les personnes qui luttent pour le renversement de l'abominable société
capitaliste qui, justement, dans ce pays trouve son expression la plus nette et
où tout est vénal peut-être plus que dans aucun, autre pays, même les plus
arriérés, seulement dans une forme plus hypocrite et retenant jusqu'à un
certain point l'esprit. de la légalité, à moins que, comme dans lynchages, on
passe outre cyniquement ! Qu'on pense encore à la mentalité d'un pays, où
l'enseignement de la doctrine de l'évolution, acceptée par tous les hommes de
science, est défendu du moins dans quelques Etats ! Où est la garantie que des
personnes, même d'une haute intelligence - et peut-être justement en raison de
cela, - réfractaires à la civilisation américaine, ne seraient pas peu à peu
assimilées à la catégorie de celles dont la stérilisation serait obligatoire ?
La ploutocratie, qui
gouverne absolument les Etats-Unis et qui, sans doute, redoute et traque
beaucoup plus les réformateurs sociaux que les fous ou les malfaiteurs de droit
commun, ne pourrait que regarder d'un œil satisfait l'élimination de ces
personnes à mentalité opposée à la leur ! Donc, pour en finir, rien de plus
raisonnable que de restreindre la procréation des individus qui, dans n'importe
quelles conditions sociales, ne seraient qu'un obstacle au bonheur des autres
et souvent peu heureux eux-mêmes, tout en se trouvant eu état de dépendre, pour
leur existence, du travail d'autrui. Mais seule une société où règne l'équité
et où la vie matérielle est. garantie par la collectivité est en mesure de
juger les cas où la stérilisation obligatoire s'imposerait.
Quant à l'eugénisme qui
cherche à augmenter les naissances d'individus de valeur au-dessus de la
moyenne, l'Eugénisme positif, on a beaucoup écrit sur ce sujet ; mais, ici
encore, faut-il qu'on sache que la mesure de supériorité souvent appliquée et
qui se rapporte au succès dans la société capitaliste ne correspond sans doute
pas aux qualités mentales qui constitueraient la supériorité dans une société
où le bas idéal de parasitisme serait remplacé par l'idéal du mérite personnel,
l'idéal d'être utile au progrès humain, Il n'est donc pas à propos de s'étendre
ici sur toutes les propositions faites, afin que les classes dites «
supérieures » de notre société capitaliste, et qui justement, malgré leurs
moyens financiers, ont le moins d'enfant, en aient en plus grand nombre.
Mais, certainement, il est
désirable que les personnes qui réellement sont supérieures à la moyenne aient
plus d'enfants que les autres. Dans diverses publications, j'ai déjà traité
cette question, dont je ne donnerai, ici, que les grandes lignes. Toute
qualité, physique ou mentale, peut être propagée par la sélection humaine,
comme on a pu le faire pour les animaux domestiques, et il est certain qu'on
pourrait créer des races douées des qualités voulues, même une race de génies.
Mais pour ce faire, il faudrait procéder comme on l'a fait pour les animaux
domestiques et comme le plus grand bien de l'homme est la liberté, tel procédé
est exclu. Il faudra se contenter de laisser la nature pratiquer de nouveau la
sélection vers le mieux comme ceci eut lieu dans une période reculée, et qui
fut plus tard plus ou moins remplacée par une sélection à rebours. Mais si nous
voulons laisser jouer notre imagination et si nous songeons à ce que l'avenir
pourrait être on peut raisonnablement prévoir que, par la femme choisissant
librement l'homme dont elle aurait apprécié les qualités qu'elle voudrait
retrouver dans son enfant, s'ouvrirait une perspective de progressive
amélioration dont nous pouvons à peine concevoir l'importance.
Toute femme a l'ambition
d'être mère d'un enfant de valeur et nul homme ne refuserait l'honneur d'être
choisi comme père. Si la vie la plus heureuse est celle de vie en commun de
l'homme et de la femme qui s'aiment d'un grand amour, complet, durable, on ne
peut pas nier que de telles unions constituent une rare exception dans la
société actuelle et ne seront peut-être pas la règle dans une société
rationnelle.
On peut alors s'imaginer que
la femme ayant ce grand désir d'être mère d'enfants supérieurement doués, n'en
voudrait pas avec un homme qui ne posséderait pas les qualités requises, mais
qui lui donnerait tout de même toutes satisfactions sous d'autres rapports. Il
pourrait même entrer dans les mœurs que les femmes refuseraient d'être mères
autrement qu'en des conditions eugéniques ; et, alors, se ferait, de par la
volonté de la femme, cette sélection que l'homme a faite pour créer les meilleures
races d'animaux domestiques. Comme pour les animaux, ce serait la faculté du
mâle de pouvoir procréer un nombre presque illimité d'enfants et tel homme de
génie serait peut-être choisi comme père de centaines d'enfants.
Mais pour la femme, à laquelle
déplairait l'idée de rapports sexuels avec un homme qu'elle n'aimerait pas et
qu'elle considérerait uniquement comme le moyen nécessaire d'avoir des enfants
d'une très grande valeur, il y aurait tout de même le moyen d'en avoir avec lui
par la fertilisation artificielle, comme elle est pratiquée couramment dans la
sélection, par exemple, de chevaux de course et dans d'autres cas. Donc une
femme pourrait avoir des enfants avec un homme qu'elle n'aurait jamais vu et
même qui ignorerait qu'elle l'a choisi comme père. Alors tout sentiment de
délicatesse serait respecté.
Des rêves ! Oui ! Mais tant
de rêves sont devenus des réalités !
- Docteur Axel A. R.
PROSCHOWSKY.
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