Rapport entre le nombre des
naissances et le chiffre de la population totale. En France, la natalité va en
diminuant depuis cent cinquante ans. Elle diminue aussi dans tous les pays de
civilisation avancée.
Certaines gens déplorent la
baisse de la natalité ; ce sont des esprits rétrogrades et des âmes égoïstes.
Ils voudraient beaucoup d'enfants pour pouvoir faire la guerre et aussi pour
abaisser le salaire des ouvriers ; car, ainsi qu'on l'a dit avec raison, quand
deux patrons courent après un ouvrier, les salaires montent ; mais quand deux
ouvriers courent après un patron, les salaires baissent. Les plus notoires
propagandistes de la repopulation ont très peu d'enfants ou même n'en ont pas
du tout.
Ce sont les pays arriérés
qui ont la plus forte natalité : la Russie tsariste, l'Italie, l'Espagne.
L'ignorance est profonde, la malpropreté extrême ; dans les pays du Nord, il
faut ajouter l'ivrognerie permanente. L'homme ne réfrène pas ses instincts
sexuels ; la femme n'est pour lui qu'un objet de fornication. Il la prend alors
qu'elle est près d'accoucher et aussi lorsqu'elle vient d'être délivrée.
Naturellement il ne prend aucune précaution ; il est à cet égard semblable aux
animaux.
La femme est passive ; elle
se livre à l'homme alors qu'elle n'en a nul désir, alors qu'elle est malade,
que ses chairs sont encore dolentes de l'enfantement récent. C'est une esclave
et d'ailleurs si elle avait la velléité de se refuser, l'homme la prendrait par
la violence et la frapperait par surcroit,
La femme a donc dans ces
pays arriérés tous les enfants qu'elle peut avoir et quand elle n'en a pas, c'est
qu'elle, ou son homme, sont atteints de stérilité pathologique. Elle comprend
très mal la relation qu'il y a entre les rapports sexuels et la conception.
Elle croit que c'est Dieu qui envoie les enfants et qu'il faut l'en remercier.
On sait que
« Dieu bénit les grandes
familles ».
Ces familles cependant ne
sont pas aussi grandes qu'on pourrait le penser, car les enfants meurent aussi
facilement qu'ils naissent. Le nouveau-né est très fragile : un peu de froid et
c'est la broncho-pneumonie ; un lait altéré par un mauvais état de la mère et
c'est la diarrhée verte. Les petits cercueils se suivent an cimetière. La mère
a peu de chagrin ; sa vie est trop rude pour qu'elle ait le cœur sensible ; et
puis, elle a trop d'enfants, sans compter celui qui pousse dans son ventre .
La religion vient encore
augmenter la servitude. Au confessionnal, le prêtre s'enquiert des rapports
sexuels ; il menace la pénitente de l'enfer en cas de fraude.
Si l'on se limite à la
France, la même loi se vérifie. Les pays les plus arriérés ont la plus forte
natalité : l'Auvergne, pays montagneux, où la civilisation pénétrait peu, avant
l'automobile ; la Bretagne, pays dont on a poétisé les légendes, mais qui est
très arriéré et, par suite, très croyant.
Jusqu'à ces derniers temps,
il y avait encore une forte natalité dans les centres industriels. L'ouvrier
est plus instruit que le paysan, mais il reste encore très ignorant.
L'alcoolisme l'obnubile et accentue son insouciance naturelle. Il prend tout
son plaisir sans se soucier de ce qui adviendra.
Cependant dans l'ensemble de
la France la natalité décroît et les propagandistes de la fécondité sont
impuissants. On a compris depuis longtemps que les enfants ne viennent pas de
Dieu et que, lorsqu'on le veut, on peut très bien restreindre sa fécondité,
même la supprimer tout à fait.
Chez le paysan, l'enfant a
été longtemps considéré comme un rapport. La nourriture était peu chère,
l'habillement était réduit à sa plus simple expression. Dès que l'enfant tenait
sur ses jambes, on l'envoyait garder les bêtes.
Mais la loi de partage des
biens entre les enfants après la mort des parents a endigué la natalité
paysanne. Le paysan a l'orgueil de son bien ; il ne veut pas qu'il soit
diminué, même après sa mort. Il s'efforce donc de n'avoir que peu d'enfants,
même un seul si c'est possible.
Les classes dirigeantes
restreignent depuis très longtemps leur natalité. Louis XIV et Louis XV
semaient partout des bâtards ; mais, depuis, les princes et même les simples
bourgeois ne commettent plus ces maladresses.
Les gens riches qui ont
beaucoup d'enfants sont tout à fait exceptionnels. Ce sont des familles
sincèrement catholiques ou des conservateurs qui croient devoir donner
l'exemple ; mais nous le répétons : ces bourgeois prolifiques se comptent par
unités. Les catholiques et les conservateurs se contentent de prêcher la
fécondité ; ils ne la pratiquent plus.
Dans les quartiers riches de
Paris, la natalité est très faible, plus faible qu'aux Etats-Unis qui ont la
nata1ité la plus faible du monde. Les familles nombreuses dans les classes dirigeantes
sont méprisées ; on soupçonne une tare, une faiblesse intellectuelle et morale
qui empêche de gouverner les instincts.
Les enfants coûtent cher et
la femme veut pouvoir vivre de la vie mondaine. Elle veut, en outre se
conserver jeune. et désirable le plus longtemps possible. Or rien ne vieillit
une femme comme les nombreuses maternités. Le visage et le corps se flétrissent
; des infirmités multiples, varices, chute de l'utérus, etc ... L'homme se
détourne et cherche des maîtresses plus appétissantes.
Dans les classes moyennes,
la question économique prime toutes les autres. L'enfant est très cher pour qui
veut l'élever convenablement. La nourriture, le vêtement, le personnel,
l'éducation, grèvent lourdement le budget. Quatre enfants obligeraient la
famille à vivre à un niveau très inférieur. Appartement trop petit ; personnel
réduit à une bonne ; la femme obligée de prendre une forte part aux travaux
ménagers.
Dans la petite bourgeoisie,
la femme travaille : professeur, carrières libérales, petite fonctionnaire,
institutrice. Les enfants, même en petit. nombre, font à la femme une vie de
surmenage. Elle court sans cesse du bureau à la maison ; on finit par confier
les enfants aux soins des vieux parents.
Dans la classe ouvrière, la
fécondité amène la misère. Le salaire de l'homme est insuffisant, la femme doit
travailler. On met le bébé à la crèche. Plus tard, il va à l'école et y déjeune
à midi, grâce aux cantines scolaires. Mais il est tout de même un embarras.
Entre quatre heures et sept heures, on ne sait où le mettre ; il attend chez la
concierge, dans l'escalier, dans la rue.
Depuis la guerre, la crise
des logements dans les villes a amené une nouvelle baisse de la natalité.
Comment tenir un bébé dans une chambre d'hôtel où il n'y a pas de place ? Il
faut étendre les langes sur des cordes ; l'humidité rend la chambre malsaine ;
les langes souillés dégagent une odeur écœurante. Et il faut se cacher pour
laver, car l'hôtelier le défend. Souvent même il chasse le couple assez
sansgêne pour s'être permis d'avoir un enfant.
La propagande
néo-malthusienne a pénétré dans la classe ouvrière et y a porté ses fruits.
Maintenant., les familles ouvrières savent limiter leur fécondité. A vrai dire,
toute la peine des restrictions retombe sur la femme. L'homme égoïste et
insouciant ne fait rien pour limiter sa fécondité ; souvent., d'ailleurs, il
est ivre. La femme est insouciante aussi ; la préservation sexuelle exige des
soins minutieux auxquels elle ne peut se résoudre. Mais elle a recours à
l'avortement qu'elle pratique le plus souvent elle-même ou avec le secours
d'une amie.
Pour lutter contre la
dénatalité, on donne aux familles nombreuses divers avantages : réduction dans
les chemins de fer ; priorité pour l'obtention des emplois. On a construit pour
elles, dans les villes, des maisons à bon marché. Des patrons distribuent des
secours. Tout cela ne peut. être qu'insuffisant ; une aide véritable écraserait
le budget..
Le pays n'a pas un enfant de
plus, car les familles nombreuses seraient encore telles sans aide ; c'est la
partie la plus inférieure de la population.
Là fleurissent la sottise,
la paresse, l'ivrognerie. L'enfant., au lieu d'être une charge, devient une
industrie. On vit. de secours : secours à la mairie, secours chez les prêtres.
Une dame charitable paye le loyer, une encore habille les enfants. On touche du
charbon, des haricots secs, des pommes de terre, du lard. Le Bureau de
Bienfaisance donne une allocation.
La population n'a pas besoin
d'augmenter et aujourd'hui la France doit une prospérité relative à sa faible
population. L'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie qui ont une forte population
ont des millions de chômeurs et leur état. de misère économique est tel, que la
guerre menace à nouveau.
Certes, la terre est loin
d'être pleine. Mais les hommes se massent là où des milliers d'années ont
organisé la civilisation et le bien être relatif. Pour rendre le Sahara
habitable, combien faudrait-il de siècles ? Aux colonies, l'Européen contracte
des maladies et meurt prématurément. Rares sont ceux qui peuvent y vivre et y fonder
une famille ; l'ennui est terrible parce qu'il n'y a aucune vie intellectuelle,
même réduite au théâtre et à la conversation. On noie son ennui dans l'alcool,
dans les vices crapuleux.
Ceux qui veulent une forte
population se placent au point de vue étroit de la France ; mais même à ce
point de vue ils ont tort. Une forte population force à l'émigration, nous le
voyons en Italie. Elle finit par amener la guerre ; alors la crise, de
surpopulation se résout pour un temps par la suppression des adultes ; n'est-il
pas moins cruel d'empêcher les enfants de venir ?
L'humanité étant maîtresse
de sa fécondité, n'est-il pas à craindre qu'elle ne la supprime tout à fait ?
La famille va se disloquant.
L'homme ne veut plus admettre d'être uni à une même femme pour toute sa vie.
Lorsqu'il est las de l'épouse, ce qui arrive assez vite, il divorce ou se
conduit de telle manière que la femme demande à divorcer. On peut prévoir que
la femme, appréhendant l'éventualité d'être seule à élever ses enfants, refuse
tout à fait d'en avoir.
La société préviendrait ce
mal en prenant les enfants à sa charge et en indemnisant la femme qui prend la
peine de lui donner un enfant.
On commence à voir que la
famille ne réalise pas l'idéal pour l'éducation des enfants. La plupart du temps
l'enfant, victime d'une autorité parentale despotique et tracassière, est
malheureux. La plupart des parents n'entendent rien à l'éducation ; l'enfant
est leur chose ; ils l'élèvent pour eux et non pour lui.
La société élèvera de
manière rationnelle les enfants. Mais, bien entendu, cette société n'est pas la
nôtre ; l'idée de bien général y est encore trop faible et elle est dominée de
beaucoup par la lutte des individus les uns contre les autres.
- Doctoresse PELLETIER.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire