"Un matin le meister Bortlick est venu regarder mon travail; il ne s'est pas approché trop près. Ses mains étaient roses, ses cheveux bruns, partagés par une raie nette, luisaient; il était rasé, il avait une veste, un pull-over, une chemise. Tout cela était propre. Ses yeux ont glissé sur mon cou; il n'en a pas vu. J'essayais de ne pas me tortiller pendant qu'il était là. J'avais l'impression que je me trouvais à côté d'un homme vierge, d'une sorte de bambin géant. Cette peau rose était répugnante. Il n'était jamais sale, il pouvait se mettre nu et enfiler un p)jama.]'éprouvais à peu près le dégoût que peut éprouver une femme devant un homme vierge. Je ne sentais plus les poux. Cette peau intacte qui n'avait pas froid, cette peau rose et bien nourrie qui allait se coller le soir sur une peau de femme, cette peau était horrible; elle ne savait rien. Il a regardé la pièce de duraI que je travaillais; elle était tordue, loupée. Il a rougi de fureur, il a gueulé mais il n'a pas osé me toucher à cause d'eux. J'ai haussé les épaules et il est parti. Impuissant. Il y en a de plus en plus. Chaque nuit, aux chiottes, des types, le torse nu, écrasent. Quand je suis sur le point de m'endormir, la brûlure commence, sous les bras et entre les cuisses. J'essaye de ne pas bouger, de ne pas me gratter, mais si je me contracte, je sens les poux marcher sur la peau. Alors je gratte pour ne plus sentir cette solitude tranquille du pou, cette indépendance, pour ne plus éprouver que la brûlure. Il y en a dans la chemise, dans le caleçon. On écrase, on écrase. Les ongles des pouces sont rouges de sang. Le long des coutures dorment des grappes de lentes, il y en a encore, encore, c'est gras, immonde. Il y a du sang sur ma chemise, sur ma poitrine rouge de piqûres écorchées. Des croûtes commencent à se former, je les arrache et elles saignent. je n'en peux plus,je vais crier. je suis de la merde. C'est vrai,je suis de la merde".
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