Défini aujourd'hui comme une
conception philosophique et sociale, basée sur la vie naturelle, dans le sens
le plus tolérant du mot, le néo-naturianisme est étymologiquement récent, et
théoriquement plus jeune encore.
Comme le naturianisme
d'Emile Gravelle - dont il dérive - il est d'origine et d'essence libertaires.
En tant que locution, ce néologisme fut créé et employé par Henri Zisly, dans
son périodique La Vie Naturelle (n°5, déc. 1911), lequel créa aussi les termes
« Libertaires naturiens » en 1900 et « Libertaires antiscientifiques » (Vie
naturelle, 1907).
Cependant les bases du
néo-naturianisme étaient à définir, les principes à formuler, et les
néo-naturiens de l'époque - peu ou pas différents des naturiens semblent
n'avoir pas voulu s'y soumettre ni s'y adonner, connue la déclaration suivante
paraît vouloir l'indiquer, pou r l'histoire de ce mouvement : « Nous expliquons
les gestes naturels, mais nous n'établissons ni une théorie, ni un système, car
nous vulgarisons en même temps toutes tendances vers une vie naturelle :
Naturianisme, Vie simple, Néo-Naturianisme ou Naturianisme libertaire, Vie
nomade, Naturianisme égalitaire, Sauvagisme,Végétarisme, Fruitarisme,
Antivivisectionnisme, Culture physique, etc .. . Nous sommes Néo-Naturiens,
c'està-dire des anti-sectaires, enregistrant tout mouvement se manifestant vers
une vie harmonieuse et anti-artificielle, et nous mêlant parfois, si nous le
jugeons utile, aux événements sociaux d'actualité. Si nous sommes scientifiques
de par notre étude des lois naturelles, nous sommes anti-scientifiques en ce
sens que nous condamnons l'industrialisme obligatoire et collectif, contraire à
une existence libre et heureuse ». (Zisly, La Vie naturelle, n° 5, déc, 1911.)
A noter que cette
déclaration ne répudie plus le végétarisme, alors que le naturianisme d'antan
comportait des déclarations anti-végétariennes.
Il faut attendre l'année
l920 pour voir se créer un mouvement néo-naturien. Jusqu'à cette époque, le
néo-naturianisme fait peu parler de lui, le naturianisme ayant davantage
influencé et laissé dans les milieux libertaires des traces plus certaines.
En effet, fin d'année 1919, dans
la petite commune de Chatillon-sur-Thouet, voit se fonder Le Néo-Naturien,
revue qui arborait fièrement en son frontispice, la devise « Beauté-Liberté »,
« Art et Nature » ; elle avait groupé une collaboration éclectique et répandait
les différentes conceptions de la vie naturelle.
Parmi ses collaborateurs
parisiens, figuraient les pionniers du végétalisme alors naissant : G, Butaud,
S, Zaïkowska et L. Rimbault ; Henri Zisly, vétéran du naturianisme ; Gérard de
Lacaze-Duthiers, créateur de l'Artistocratie ; Aug. Trousset, auteur de «
Civilisation et Naturianisme » ; des végétariens, etc ...
Le Néo-Naturien, par sa
tenue, par ses informations provenant des cinq parties du monde, puis par ses
travaux - dans lesquels le néo.naturianisme fut développé et créé théoriquement
- devint la revue mondiale du néo-naturianisme ; c'est de cet organe que
devaient partir également les premières idées naturocratiques, tentative de
vulgarisation de l'étude naturographique et l'embryon de l'Internationale
naturophile.
Le néo-naturianisme sut
rester éclectique et tolérant, et son organe contribua largement à répandre le
végétalisme. Comme le naturianisme, il est anti-scientifique ; mais, à
l'encontre de ce dernier, il possède peu de théoriciens. Le néonaturianisme
n'est pas mystique, il n'a pas de règles de vie monastique, pas de religiosité,
il porte en ses formes, en ses façons de s'exprimer, une certaine jovialité,
qu'il hérita du naturianisme. Comme lui, il n'est pas puritaniste, il échappa
aux momifications où certains mouvements végétarianistes et naturistes, sous
l'influence de principes - pour la plupart - d'origine angle-saxonne se réfrigérèrent
dans une sorte d'anabiose.
Il a encore en lui les
empreintes du gavrochisme et de la bohème, où son enfance s'ébaucha parmi les
novateurs parisiens, avec l'artiste Em. Gravelle, le chansonnier montmartrois
et rabelaisien Paul Paillette, Beylie, Ichalanda, Bonnery, Fouques jeune ;
puis, plus tard, Aug. Trousset.
Il n'existe pas de mystique
naturianiste. Le néo-naturianisme est éclectique dans ses principes comme dans
ses applications ; pas d'exclusivisme alimentaire, végétaliste ou autre, pas de
dogmes, pas d'absolutisme., Il fait sien tout ce qui peut constituer la vie des
hommes hors des villes infernales, parmi les bois, les plaines, les rivières et
les côtes ; il admet la pêche, la chasse, les cultures simples, l'apiculture.
La vie au grand air, le camping, la liberté sont ses assises.
Protecteur de la forêt, du
fruit, des végétaux sauvages, des oiseaux insectivores, il combat le
déboisement, la pollution de l'air et des cours d'eau.
Dans la famille naturophile,
il fait bon voisinage avec le végétalisme, le fruitarisme et le naturocratisme.
Dans la grande famille
libertaire, il lutte fraternellement aux côtés des autres tendances.
Le néo-naturianisme est un
réactif contre notre époque de décadence et de dégénérescence, contre la vie de
laideur que crée notre société industrialiste standardisée, taylorisée, où l'individu
est broyé.
A la ville tentaculaire, au
luxe insolent,, au mensonge, à la chimie meurtrière, à la vie artificielle, aux
forces du mal et de la contrainte, le néo-naturianisme oppose son principe de
vie: « La Liberté dans la Nature ».
- Henry LE FÈVRE
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