Partout
en Europe, l’extrême droite progresse. La passion de l’égalité
est supplantée par l’obsession de l’identité. La peur de ne
plus être chez soi l’emporte sur la possibilité de vivre
ensemble. L’ordre et l’autorité écrasent la responsabilité et
le partage. Le chacun pour soi prime sur l’esprit public.
Le
temps des boucs émissaires est de retour. Oubliées au point d’être
invisibles, la frénésie de la financiarisation, la ronde incessante
des marchandises, la spirale des inégalités, des discriminations et
de la précarité. En dépit des chiffres réels, la cause de nos
malheurs serait, nous affirme-t-on, dans la « pression
migratoire ». De là à dire que, pour éradiquer le mal-être,
il suffit de tarir les flux migratoires, le chemin n’est pas long
et beaucoup trop s’y engagent.
Nous
ne l’acceptons pas. Les racines des maux contemporains ne sont pas
dans le déplacement des êtres humains, mais dans le règne illimité
de la concurrence et de la gouvernance, dans le primat de la finance
et dans la surdité des technocraties. Ce n’est pas la main-d’œuvre
immigrée qui pèse sur la masse salariale, mais la règle de plus en
plus universelle de la compétitivité, de la rentabilité, de la
précarité.
Il
est illusoire de penser que l’on va pouvoir contenir et a fortiori
interrompre les flux migratoires. À vouloir le faire, on finit
toujours par être contraint au pire. La régulation devient contrôle
policier accru, la frontière se fait mur. Or la clôture produit,
inéluctablement, de la violence… et l’inflation de clandestins
démunis et corvéables à merci. Dans la mondialisation telle
qu’elle se fait, les capitaux et les marchandises se déplacent
sans contrôle et sans contrainte ; les êtres humains ne le
peuvent pas. Le libre mouvement des hommes n’est pas le credo du
capital, ancien comme moderne.
Dans
les décennies qui viennent, les migrations s’étendront,
volontaires ou contraintes. Elles toucheront nos rivages et notre
propre pays, comme aujourd’hui, aura ses expatriés. Les réfugiés
poussés par les guerres et les catastrophes climatiques seront plus
nombreux. Que va-t-on faire ? Continuer de fermer les frontières
et laisser les plus pauvres accueillir les très pauvres ? C’est
indigne moralement et stupide rationnellement. Politique de
l’autruche… Après nous le déluge ? Mais le déluge sera
bien pour nous tous !
Il
ne faut faire aucune concession à ces idées, que l’extrême
droite a imposées, que la droite a trop souvent ralliées et qui
tentent même une partie de la gauche. Nous, intellectuels,
créateurs, militants associatifs, syndicalistes et citoyens avant
tout, affirmons que nous ne courberons pas la tête. Nous ne
composerons pas avec le fonds de commerce de l’extrême droite. La
migration n’est un mal que dans les sociétés qui tournent le dos
au partage. La liberté de circulation et l'égalité des droits
sociaux pour les immigrés présents dans les pays d'accueil sont des
droits fondamentaux de l’humanité.
Nous
ne ferons pas à l’extrême droite le cadeau de laisser croire
qu’elle pose de bonnes questions. Nous rejetons ses questions, en
même temps que ses réponses.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire