Action
de dépeupler. Bien que naturellement les populations aient tendance
à augmenter en nombre, certaines contrées du monde traversent une
crise de dépopulation. Cela ne veut pas dire que le nombre
d'habitants de ces contrées diminue, mais qu'il s'accroît avec
moins de rapidité que celui des contrées avoisinantes. Il est
évident que la guerre, les épidémies et la famine qui sévissent
encore en certaines régions, sont des facteurs de dépopulation
(voir ce mot) ; mais ceci n'explique pas que, dans un pays, une
partie du territoire se dépeuple, alors que d'autres parties sont
surpeuplées. En France, par exemple, nous assistons au dépeuplement
de la campagne ; cependant que les villes deviennent trop étroites
pour contenir le flot grandissant de la population. Les économistes
bourgeois ont trouvé une explication simpliste à ce phénomène et
prétendent que si la campagne se dépeuple c'est que le campagnard
est attiré par les lumières de la cité et se laisse griser par des
perspectives de vie facile. Pourtant, ce sont d'autres facteurs qui
déterminent l'émigration campagnarde. D'abord, afin de maintenir
ses privilèges, la bourgeoisie met journellement en application ce
principe : « Diviser pour régner » et, par sa propagande
intéressée, a créé un antagonisme entre les populations
campagnardes et citadines. A la ville, on affirme que si le coût de
la vie augmente chaque jour, il faut en rejeter la responsabilité
sur le paysan qui ne livre ses produits qu'à des prix prohibitifs ;
alors qu'à la campagne, on déclare que les charges fiscales
s'élèvent quotidiennement en raison des exigences exagérées du
citadin qui ne veut produire que faiblement pour des salaires
dépassant la norme permise. On conçoit qu'une telle propagande
n'est pas sans porter ses fruits et qu'il en résulte une haine
sourde entre le paysan et le citadin. Le travailleur des champs
s'imagine que celui de la ville est un oisif produisant peu et vivant
bien, et qu'il est plus avantageux d'abandonner la terre et de fouler
le pavé de la grande cité que de continuer à végéter dans des
conditions précaires. Si on ajoute à cette cause la soif de
distraction de la jeunesse et l'attrait des plaisirs factices, on
comprendra peut-être une des raisons qui déterminent le
dépeuplement des campagnes. Mais ce n'est qu'un des facteurs du
dépeuplement de la campagne ; il en est d'autres beaucoup plus
sérieux sur lesquels les économistes bourgeois conservent un
silence tout politique. Le paysan est, et reste attaché à la terre
et s'il l'abandonne, c'est qu’en réalité elle ne lui donne pas
les avantages qu'il était en droit d'espérer. Il est excessif de
déclarer que le paysan possède aujourd’hui la fortune et le
bien-être. S'il est vrai qu'une certaine portion de la paysannerie
bénéficie de certains privilèges, ce serait une erreur de croire
que tous les paysans sont heureux. En réalité l'évolution
économique et industrielle a été moins rapide à la campagne qu'à
la ville et si le propriétaire a bénéficié du désaxage créé
par la guerre de 1914, la situation du travailleur des champs, de
celui qui, ne possédant rien, est obligé de louer ses bras pour
assurer sa pitance, ne s'est guère améliorée, au contraire.
L'ouvrier de la terre est encore courbé sous un régime qui rappelle
la féodalité et les difficultés qu'il rencontre pour s'organiser
rendent plus ardue la lutte pour son émancipation. En vertu de la
centralisation qui s'opère à la campagne comme à la ville, le
petit paysan devient la proie du gros propriétaire, et grossit les
rangs des ouvriers ne possédant rien. Convaincus qu'ils n’arriveront
jamais à conquérir leur indépendance et qu'ils ne peuvent, en
travaillant, arriver à se libérer, ils préfèrent abandonner un
travail fatigant et peu rémunérateur, et c'est ce qui explique la
surpopulation des cités et le dépeuplement des campagnes. Cette
situation présente un réel danger, car en venant s'ajouter à la
population des cités, la population immigrante se jette sur le
marché du travail et les maîtres de l'industrie profitent de cette
concurrence que se font deux catégories de travailleurs également
exploités par le même capitalisme. Pour lutter contre cet état de
chose, il est indispensable que les relations plus étroites soient
nouées entre 1es travailleurs des champs et ceux des villes. Il est
d'une nécessité urgente que l'ouvrier de l'industrie fasse
comprendre à son frère de la campagne, que les mensonges colportés
par les agents de la bourgeoisie ont pour unique but de diviser la
classe ouvrière dans son ensemble et d'arrêter son mouvement
d'émancipation. Et c'est d'autant plus urgent que la révolution,
unique moyen de libération sociale ne peut être efficace que par
l'étroite collaboration du travailleur des villes et de celui de la
campagne, et que, au lendemain d'un mouvement catastrophique, le
ravitaillement des cités est subordonné au degré d'évolution du
prolétariat de la terre. Nous pensons que sur cette question les
organisations syndicales et d'avant-garde ont un rôle tout tracé et
qu'une intense propagande doit être, faite afin d'arrêter le
dépeuplement de la campagne qui détermine de grosses difficultés
pour le présent et une réelle menace pour l'avenir.
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