Action
de se désister, de se départir, de renoncer à quelque chose que
l'on désirait et pour laquelle on a formulé une demande ou commencé
une action. Juridiquement le désistement est l'acte par lequel une
partie, engagée dans un procès, retire la demande qu'elle avait
formée ; elle est dans ce cas, soumise au payement de tous les frais
occasionnés par la procédure. On appelle aussi désistement en
langage électoral, l'action qui consiste à retirer sa candidature
au bénéfice d'un autre candidat. Le désistement électoral donne
lieu à une série de marchandages queue peut supposer l'électeur
naïf qui compte sur son favori pour défendre, dans une Assemblée
quelconque, ses intérêts. Nous savons que, lors des élections, il
faut pour être élu, obtenir une certaine majorité ; or, il est des
candidats qui, après le premier tour de scrutin et d'après le
nombre de voix recueillies perdent tout espoir de décrocher un
mandat ; cependant en maintenant leur candidature pour le deuxième
tour de scrutin (scrutin de ballotage), ils peuvent gêner
profondément un ou plusieurs de leurs adversaires. C'est là que
commence l'ignoble manoeuvre du désistement où les intérêts
économiques, politiques ou sociaux des mandants n’entrent même
pas en jeu, mais où s'échafaudent les combinaisons qui permettront
au « candidat malheureux « de ne rien perdre dans l'affaire.
Il
faut agir avec mesure et doigté, mais les politiciens sont maîtres
en la matière, et l'électeur est si docile et si confiant qu'il
accepte le désistement de son candidat sans même se rendre compte
de l'ignominie et de la bassesse de l'action. Il est, pensons-nous,
inutile de signaler l'insolence qui caractérise la prose électorale
: les affiches qui colorent les murs sont couvertes d'insultes ; on
étale aux yeux du public, les vices, les tares, les travers de
l'adversaire que l'on combat, et c'est un échange entre candidats de
diverses couleurs, d'un lot d'injures, d'offenses et d'outrages. Tout
cela avant le premier tour du scrutin naturellement. Le socialiste a
combattu avec véhémence son adversaire radical, il l'a traîné
dans la boue, il l'a accusé de tous les crimes, de tous les malheurs
qui pèsent sur l'humanité, il a fouillé au plus profond de sa vie
privée et publique, il a découvert toutes ses trahisons et a
affirmé que son élection serait un désastre pour le pays. Le
radical n'a pas été moins farouche, moins violent, et a usé à
l'égard du socialiste des mêmes termes, puisés dans le même
vocabulaire électoral. Et le vote a lieu. Il y a ballotage. Le
socialiste a perdu toutes ses chances. Il ne sera pas élu ; même
s'il maintient sa candidature, il sera battu. Va-t-il purement et
simplement abandonner la lutte et assister, en simple spectateur, à
la bataille qui se continue supposons, entre le radical et le
conservateur? Ce serait mal connaître la cuisine électorale et
prêter une certaine sincérité au politicien. Non. Le socialiste va
se désister en faveur de ce fêlé, de ce vendu, de ce traître, de
ce radical, qu'il a traîné dans la boue et qu'il a déshabillé de
façon si désobligeante. Oh!, mystère des coulisses électorales!
Après ce premier tour de scrutin, quelle transformation dans le
langage, dans le style de notre socialiste! Certes le radical, est
toujours un radical, ce n'est pas un socialiste, oh non! « Mais
pourtant, il faut barrer la route à la réaction, il ne faut pas
permettre au conservateur de gravir les marches du pouvoir, et comme,
entre deux maux il faut choisir le moindre, vous voterez, mes chers
électeurs, pour ce radical, qui, après tout, n'est pas si noir
qu'on le présentait et qui a un programme de
réformes
sociales quelque peu semblable au nôtre ». Et le peuple applaudit,
et il s'empresse, le dimanche suivant, autour des urnes pour y jeter
le morceau de papier « radical », qui lui est remis par son
candidat socialiste, et la pièce est jouée, populo n'a rien vu.
Derrière le rideau, toutes les tractations se sont opérées.
L'électeur a été vendu, comme il l'a été cent fois, comme il le
sera encore mille fois. Son candidat ne s'est pas désisté par
conviction, en vertu d'une idée, d'un principe, mais pour rentrer
dans les frais que lui avait, à lui ou à son parti, occasionnés sa
candidature. Il a vendu ses électeurs mais c'est lui qui a touché
la forte somme, et le peuple souverain est heureux, content et fier
d'avoir rempli son devoir, c'est-à-dire d'avoir servi de tremplin ou
de marchandise à des fantoches et à des crapules. Que de fois
a-t-on cherché à initier le peuple aux dessous de la politique ;
que de fois lui a-t-on dit qu'il était un moyen, un outil entre les
mains d'ambitieux habiles et sans scrupules, que de fois l'écho de
scandales électoraux est arrivé jusqu'à ses oreilles! Mais il ne
veut rien voir, il ne veut rien entendre et il continue, malgré
tout, à servir de jouet aux aventuriers politiques qui ne se cachent
même plus pour accomplir leur basse besogne. En réalité s'il est
quelqu'un qui se désiste, qui abandonne toute sa force et toute sa
puissance, qui renonce à tout ce qu'il aurait le droit d'exiger et
d'avoir, qui se livre pieds et poings liés aux puissants de la terre
: c'est le peuple ignorant et inconscient, livré à l'esclavage
politique et économique et dont la bêtise et la lâcheté est
telle, qu'il se désiste parfois de sa vie au profit de ses
bourreaux. Et combien de temps cela durera-t-il encore?
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