Action
de se débrouiller, de se tirer facilement d'affaires, de sortir
d'embarras, etc., etc…Si on le considère au point de vue social
comme moyen d'existence, le débrouillage est un pis-aller ; il peut
donner des résultats positifs à l'individu, mais il ne saurait
résoudre le problème du collectif. Les débrouillards sont nombreux
dans la société bourgeoise et il est facile à comprendre que dans
une organisation sociale où le capital est tout-puissant et où le
travail est un esclavage, quantité d'individus refusent de se
soumettre à la terrible loi et aux effets de l'exploitation et
cherchent à se « débrouiller » pour subvenir à leurs besoins. Il
ne nous appartient pas de rechercher et de juger les formes diverses
du débrouillage et de critiques...possibilités de vie supérieures
à celles des ouvriers, qu'il ne libère pas l'individu des
contraintes sociales et qu'il n'est nullement un facteur d'évolution
ou de révolution. En tenant compte des exceptions, nous ne croyons
pas nous tromper en affirmant que le « débrouillage » ne nourrit
pas son homme, surtout dans la classe ouvrière. Dans la bourgeoisie,
c'est différent ; la bourse, la banque, le commerce, l'industrie,
sont des terrains propices à être exploités par les débrouillards
; mais il faut alors se livrer à des spéculations malpropres et
user de procédés que combattent les Anarchistes.
En
un mot, il n'est pas plus anarchiste de vivre du « débrouillage »
que de vivre en travaillant et ce serait une grave erreur de croire
que l'on se soustrait à l'exploitation et à l'autorité en se
débrouillant. A condition de ne pas nuire à son prochain, chacun
organise sa vie comme il l'entend, mais une société libre ne peut
être bâtie que par le travail de tous et nous avons la ferme
conviction que le débrouillage disparaîtra avec le capitalisme qui
l'engendre.
DEBROUILLAGE
Des
bourgeois qui défendent leurs privilèges et des pseudo-bourgeois
qui se croient à l'avant-garde du mouvement social parce qu'ils
parlent dans des « meetings » ou écrivent dans des feuilles
avancées, ont reproché ou reprochent encore à des individualistes
anarchistes de chercher à « se débrouiller », autrement dit à
retirer le plus qu'ils peuvent du milieu humain actuel, en lui
laissant le moins possible de leur effort. Ceux qui font de tels
reproches oublient de quelle façon est cimentée la « société ».
Ils oublient qu'elle repose sur un contrat social imposé et
unilatéral, qui noie l'unité constituante, forcée de le subir,
dans un océan de réglementations et de vexations contradictoires et
insupportables. Reprocher à un anarchiste de « se débrouiller »
dans un pareil conglomérat, c'est comme si on reprochait au serpent
d'échapper à qui le poursuit en se raidissant et en prenant
l'apparence d'une branche d'arbre, ou à la seiche de s'entourer d'un
nuage d'encre noire pour désorienter ses ennemis. Qu'on se rende
compte de la situation de l'anarchiste dans le milieu humain actuel :
antiautoritaire, il est entouré de tous côtés par toutes sortes de
membres de partis politiques ou économiques qui ne croient pas
possible que les hommes s'entendent sans lois et sans maîtres. A ces
partis se rattachent force miséreux et déshérités du sort, dont
la mentalité ne diffère pas de celle des possédants et des
monopoleurs. On comprend que des camarades se refusent à donner tout
leur effort à perpétuer un tel milieu et qu'ils s'insoucient de sa
prospérité, de son équilibre économique, etc... Dans aucun cas,
un anarchiste ne peut avoir intérêt à ce que vive un milieu où le
« contrat social » est imposé par un autocrate, un groupe, une
majorité ou le plus grand nombre, sans possibilité de résiliation
pour l'unité individuelle. C'est un cercle infernal dont
l'individualiste cherchera à s'évader au plus tôt, relativement
tout au moins. C'est un milieu dont il faut hâter au plus tôt la
décomposition, la démoralisation, la pourriture, la crevaison
enfin. Vouloir se préoccuper du bon fonctionnement d'une société
pareille, participer à son existence régulière, c'est tout
bonnement - affirment les « débrouillards » - faire gestes de
dupes ou actions de complices. Il y a donc des camarades qui se
débrouillent et donnent le moins de leur soi au milieu humain
actuel, se livrant à une besogne irrégulière, sanctionnée ou non
par l'autorité, pour se tirer d'affaires économiquement, refusant
de faire, des heures durant, acte de présence dans un chantier, une
usine ou ailleurs pour concourir à une production souvent inutile,
dont ils ne profitent pas dans la majorité des cas. Qui peut
sérieusement les en blâmer ? Reste la question de la « dignité »
personnelle dans le choix du procédé de « débrouillage ». Mais
c'est là affaire d'appréciation personnelle, qui regarde
l'anarchiste qui se débrouille personnellement, et nul autre. Il est
parfois comique de rencontrer chez certains anarchistes des scrupules
quand il s'agit de s'en prendre aux bourgeois, alors que ceux-ci en
montrent si peu quand on menace de toucher à leurs privilèges ou à
leur coffre-fort. Peut-être est-ce plus désespérant que comique,
après tout.
-
E. ARMAND.
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