Bien
que le mot légitime veuille dire : « Ce qui a les qualités
requises par la loi », dans le langage courant, il est employé
comme synonyme de « juste » et de « équitable ». et il ne faut
pas confondre, par conséquent, ce que l’on appelle « la légitime
défense » avec la défense légitime. Le droit de légitime défense
est consacré par l’article 328 du Code pénal qui dit : « II n’y
a ni crime ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les coups
étaient commandés par la nécessité actuelle de légitime défense
de soi-même ou d’autrui ». Tout en reconnaissant à chaque
individu le droit de se défendre lorsqu’il est attaqué, il ne
peut être ignoré cependant, que ce droit de légitime défense
qu’accorde la loi, est surtout une arme entre les mains des forces
répressives. Il est tout naturel, et cela n’a pas besoin d’être
consacré par un article du code, que l’individu qui se trouve en
danger, use de tous les moyens a sa portée pour sauver sa vie, mais
ce que nous savons, c’est que le droit de légitime défense est
exploité avantageusement, par le policier qui a, de ce fait, droit
de vie et de mort sur la personne qu’il est chargé d’arrêter,
par le mari « trompé » qui n’hésite pas à se prétendre en
droit de .légitime défense lorsqu’il abat le « complice » de sa
femme, enfin par tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre,
attentent à 1a vie ou à la liberté de leurs semblables, il est
remarquable que ce soit toujours la même catégorie d’individus
qui légalement bénéficie du droit légal de légitime défense.
Lorsque, arrêté au cours d’une manifestation, le manifestant est
brutalement frappé par le policier, chargé, dit-on, de maintenir
l’ordre, le policier est considéré comme étant en état de
légitime défense ; il n’est donc pas excessif de prétendre que
lorsque le manifestant se défend contre les violences policières,
il est en état de défense légitime. Naturellement, le droit de
défense légitime n’est pas reconnu par la loi, au contraire. La
magistrature sévit, sans aucune indulgence contre ceux qui ont le
courage de résister à l’oppression de l’ordre établi, et c’est
ce qui explique le nombre incalculable de malheureux qui gémissent
dans les prisons et les bagnes capitalistes. On peut considérer
comme étant en état de défense légitime, tout ce qui s’oppose à
l’arbitraire et à l’injustice. La société moderne n’est ni
juste ni équitable, et tous les gestes, tous les actes qui ont pour
but d’amoindrir les effets néfastes de l’injustice, engendrée
par l’organisation sociale actuelle, sont des gestes et des actes
de défense légitime. Le travailleur qui pour améliorer son sort,
abandonne l’atelier et se met en grève afin d’obtenir une
augmentation de salaire, ou une diminution d’heures de travail, est
en état de défense légitime, contre son patron qui se refuse à
répondre favorablement à ses revendications légitimes ; et lorsque
le Gouvernement afin de soutenir le capitaliste contre le prolétaire,
met son armée au service de la richesse, le travailleur n’est-il
pas en état de défense légitime, lorsqu’il oppose la révolte et
la violence à l’intervention gouvernementale ? La défense
légitime se manifeste selon les périodes et les événements de
différentes façons ; elle est parfois collective, et parfois
individuelle. Lorsqu’elle est individuelle, c’est que la
collectivité reste passive devant l’attaque de ses oppresseurs, et
il se produit alors qu’à la suite d’un crime social ou encore
pour éviter une injustice, un homme se dresse hors du troupeau pour
supprimer les responsables de mesures qu’il juge arbitraires et
dangereuses pour ses semblables. Il ne nous appartient pas de
démontrer l’efficacité ou l’inefficacité de ces gestes, mais
ce que l’on peut affirmer c’est qu’ils .sont déterminés par
l’attaque continue d’une partie la plus puissante de la
collectivité humaine et qu’en conséquence, il doit être
considéré comme un acte de défense légitime.
Nous
disons plus haut que la défense légitime est tout ce qui s’oppose
à l’arbitraire et à. l’injustice, et l’on peut donc classer,
comme étant en état de défense légitime tous ceux qui se refusent
à servir de matière à champ de bataille durant les guerres,
celles-ci étant un véritable crime envers l’humanité. Il faut se
défendre. La vie est une lutte constante et celui qui ne se défend
pas est écrasé. Ce qui fait la faiblesse du peuple, c’est sa
naïveté à croire qu’il est garanti durant toute sa vie par la
législation qui, en vérité, loin de le défendre, l’opprime. Il
lui faut donc s’il veut triompher lutter contre la loi, lutter
contre ceux qui la font et ceux qui l’appliquent, lutter contre
tous les rouages d’une société mal faite, en un mot, se défendre
contre tout l’organisme capitaliste qui nous dirige et nous
étreint. Ce n’est ni la vengeance ni la haine qui nous guident,
nous, anarchistes, dans notre conception de la défense légitime. «
Ce qui est grand et beau se suffit à soi-même, et porte en soi sa
lumière et sa flamme », a dit J.-M. Guyau ; c’est parce que nous
savons que l’humanité ne sera régénérée que par la défense,
que nous opposons aux forces coalisées du capital, que nous nous
révoltons contre les crimes monstrueux d’un régime périmé et
que nous trouvons une force suffisante pour résister à tous les
assauts de nos adversaires. Nous sommes en état de défense légitime
et nous y resterons jusqu’au jour où le capitalisme et ses
rouages, fatigués de la lutte, nous permettront de prendre
l’offensive pour élaborer sur leurs ruines une société de
douceur et de fraternité.
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