La
Centralisation est une des nombreuses plaies dont sont victimes les
populations modernes et, malheureusement, loin de s’améliorer, le
mal ne va qu'en s'aggravant. La décentralisation est devenue une
nécessité absolue et, cependant, on ne remarque pas que les hommes
qui président aux destinées des peuples soient enclins à
s'imprégner de cette vérité que la centralisation est néfaste et
qu'elle ne peut produire que des erreurs et les abus. La
décentralisation est le facteur le plus important de la liberté
collective et individuelle. Politiquement et économiquement aucune
évolution ne sera possible tant que subsistera cette autorité
brutale qu'exerce le centralisme. Tous les rouages sociaux sont
corrompus par la centralisation industrielle, commerciale, politique
et administrative des états modernes. En France, le législateur a
cru, en votant la loi du 10 août 1871 sur les Conseils Généraux et
celle du 5 avril1884 sur l'organisation communale, donner une
certaine autonomie aux communes et décentraliser administrativement
les institutions secondaires du pays. Nous savons trop qu'aucune loi
n'est opérante en cette matière, que les difficultés de
décentralisation ont des causes profondes, et que ce n'est pas dans
les Parlements qu'il faut chercher les remèdes propices à résoudre
cette question. Francis Delaisi dans son ouvrage de vulgarisation «
La Démocratie et les Financiers », nous montre que le monde est
dirigé par une poignée d'hommes tout puissants qui sont à la tête
de tous les grands organismes financiers et industriels. Ce sont ces
quelques individualités qui contrôlent tous les rouages des
sociétés et ce sont eux qui tiennent entre leurs mains la vie et la
mort des peuples. Or la décentralisation ne pourra devenir effective
que lorsque l'on aura détruit la puissance de ces ploutocrates. La
décentralisation ne peut être que le fruit de la Révolution.
Au
lendemain de la catastrophe qui entraînera la chute du régime
capitaliste, il faut se garder de tomber dans les mêmes erreurs
révolutionnaires précédentes et ne pas pousser à la
centralisation mais à la décentralisation. Décentralisation ne
veut pas dire désordre, et les anarchistes comprennent qu'il est
indispensable à une Société de s'organiser sur des bases solides
pour être viable. Or l'exemple démontre que la centralisation a
toujours été un facteur de désagrégation et non pas
d'organisation et, d'autre part, qu'elle a été incapable d'assurer
le bonheur des peuples. Par décentralisation nous entendons
l'organisation sociale de la base au faîte, et non pas du faîte à
la base. La liberté absolue des peuples ne peut pas venir d'en haut,
mais d'en bas et elle ne peut se maintenir et se perpétuer que si
les hommes, conscients de leurs devoirs et de leur force, refusent
d'abdiquer en faveur d'une minorité qui dirige tout l'organisme
social. Décentralisation économiquement et politiquement, telle est
la tâche à laquelle doivent se livrer les travailleurs. Ils doivent
acquérir les compétences indispensables pour diriger, chacun dans
sa branche respective, le monde de demain. Lorsque la richesse
n'appartiendra plus à quelques-uns, mais à tous, lorsque la terre
et la machine auront été reprises par les travailleurs, et que la
décentralisation se sera opérée par la révolte des opprimés
contre leurs oppresseurs, la liberté et l'égalité se réaliseront
dans une société fraternelle.
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