Pouvoir
d'un despote. Exercice absolu et arbitraire du pouvoir. Forme de
gouvernement où tous les pouvoirs sont abandonnés entre les mains
d'un seul individu. Le despotisme de Louis XIV. Le despotisme de
Napoléon 1er. Ayant rappelé que de Jules César à Vespasien «
aucun empereur ne mourut que de mort violente », que depuis la
ruine de la liberté romaine jusqu'à Charlemagne, trente empereurs
furent massacrés, Mirabeau ajoute: « Il faudrait bien du courage
aux despotes s'ils réfléchissaient sur les suites du despotisme ».
Il serait, certes, préférable que les despotes réfléchissent. Ce
serait un bienfait pour le peuple et avantage pour eux. Mais
malheureusement, l'exemple du passé, la fin tragique de certains de
leurs prédécesseurs n'arrêtent pas le despotisme des tyrans qui
gouvernent le monde par la violence et la brutalité. Ce n'est pas le
courage qui anime le despote, mais la lâcheté. Quelle piètre
figure que celle de ce Néron qui, après une vie de débordements,
de cruautés et de débauches hésita à se donner la mort, lorsqu'il
apprit que le Sénat l'avait déclaré « ennemi de la patrie » et
qu'il allait expier les crimes commis durant son règne! Et Louis XI,
monarque méchant et vicieux, qui, après avoir terrorisé son
royaume par sa barbarie, trembla devant la mort, et se livra durant
des années à ses dévotions superstitieuses dans son château de
Plessis-Lès- Tours! Et la fin du roi Soleil, du grand roi, qui
pendant 60 ans, appauvrit la France, affama ses sujets, martyrisa le
peuple, et fut effrayé lorsqu'à 77 ans, il dut quitter cette vie
qu'il combla de son luxe et de ses crimes! Comme tous les maux qui
ravagent l'humanité, le despotisme découle du principe d'autorité
et nous avons constamment dénoncé les méfaits déterminés par
l'application de ce principe. Tout être auquel on abandonne une
parcelle d'autorité est enclin à abuser des pouvoirs qui lui sont
conférés ; il n'y a donc pas lieu de s'étonner qu'un homme auquel
on donne toute licence pour diriger une Nation, un Etat, qui n'est
soumis à aucun contrôle, qui n'a à répondre devant personne de
ses gestes, de ses actions, abuse de ce pouvoir. L'histoire nous a
suffisamment édifiés sur les désastres causés par le despotisme
et il semble cependant que les peuples n'ont pas appris grand chose à
son étude. Ils se laissent encore, de nos jours, mener par les
despotes qui poursuivent l’oeuvre de destruction sociale. On peut
comprendre que dans le passé - l'ignorance étant un facteur de
despotisme - les hommes se soient laissé gouverner aveuglément par
des tyrans ; mais comment admettre, qu'en notre siècle de progrès
et de science, où le peuple a, malgré tout, la possibilité de se
livrer à certaines recherches, où la lecture lui fournit un bagage
de connaissances que ne possédaient pas ses aînés, il consente
encore à être conduit comme un vil bétail, et s'agenouille devant
ses bergers qui l'exploitent et le tuent. C'est inconcevable, et
cette passivité ne peut être mise que sur le compte de sa lâcheté
et de sa paresse politique. Comme tout ce qui est abusif, le
despotisme n'a qu'un temps, et détermine une réaction, toujours
violente. C'est ce qui explique que, dans les pays où il s'exerce on
assiste fréquemment à des attentats ou à des complots. Nous savons
que ni le complot, ni l'attentat, ne peuvent être considérés comme
un but, et que seule la révolution sociale peut libérer l'humanité
et permettre l'éclosion d'une société meilleure. Nous avons
signalé que le despotisme ne s'exerce que favorisé par la lâcheté
de la grande majorité du peuple et nous avons déjà dit que dans
les pays où
la
liberté la plus élémentaire est férocement brimée, où il est
impossible aux travailleurs de s'exprimer librement par l'organe de
la presse, où le droit de réunion est interdit, où la dictature
règne en maîtresse ; partout où tous les autres moyens se sont
manifestés inopérants, et où il est indispensable que la
Révolution vienne, de son souffle énergique et puissant, balayer
l'air, pour en chasser les miasmes du despotisme, on ne voit pas
quels autres procédés que le complot, signe avant coureur des
révoltes fécondes, peuvent être employées. (Voir Complot, page
380). On trouvera en outre à la page 178, la liste de certains
attentats qui ont été déterminés par le despotisme. Pourtant le
despotisme a évolué, il évolue chaque jour et n'emprunte pas à
présent les mêmes formes que dans le passé. Le peuple qui s'est
nourri depuis quelques années du lait démocratique, accepte d'être
gouverné, mais se refuse à admettre qu'il est un esclave à la
merci de ses maîtres. Il subit la main de fer à condition cependant
qu'elle soit recouverte du gant de velours. Et les maîtres font
cette concession au peuple, Ils portent le gant. Le résultat reste
le même, si les formes ont changé. Le despotisme d'un Bonaparte
apparaît mesquin et petit à côté de celui des gouvernants
modernes. Les ruines accumulées durant le premier empire ne sont
rien à côté de celles engendrées par la folie furieuse des chefs
d'Etat, républicains ou royalistes, qui déclenchèrent la grande
tuerie de 1914. Il est évident que si l'on avait dit au peuple qu'il
devait se battre, pour Guillaume II ou pour Poincaré, il eût sans
doute refusé. Il eût hésité à abandonner sa terre, son foyer, sa
famille, pour défendre l'honneur d'un quelconque tyran ; mais le
despotisme s'est modernisé, avons-nous dit, et les hommes du monde
entier sont partis au massacre, parfois en chantant, avec la douce
illusion de se sacrifier pour une cause juste, alors qu'en réalité
ils allaient se faire tuer pour un despote occulte, resté dans
l'ombre, caché dans les plis du drapeau démocratique, pour un
despote plus cruel, plus meurtrier, plus barbare, que tous ceux du
passé : le capital. Pendant quatre années, les maîtres invisibles
du monde exerçant leur despotisme, jetèrent en pâture au Dieu de
la guerre, des millions et des millions de jeunes êtres virils, ils
livrèrent à la dévastation des millions d'hectares de terre
cultivable, ils arrêtèrent toute la production utile du monde, et
cependant l'exemple n'est pas encore suffisant, et l'expérience
tragique n'a pas su inspirer à la collectivité une haine farouche
contre l'autorité qui, fatalement, devient abusive et se transforme
petit à petit en despotisme. Nous pouvons dire aujourd'hui que le
despotisme, n'est pas la manifestation du pouvoir absolu abandonné
entre les mains d'un seul individu, mais d'une minorité qui exerce
son pouvoir, par l'intermédiaire d'un homme de paille,
placé
à la tête d'un Gouvernement. Mussolini est un despote, mais il
n'est pas le despotisme, il est un agent du despotisme ; son autorité
est subordonnée à celle d'une catégorie de dirigeants obscurs :
banquiers, financiers, industriels, qui tirent les ficelles et
dirigent toute la politique intérieure et extérieure de la Nation.
Est-ce à dire qu'il est irresponsable? Non pas. Il porte, au
contraire, une grosse part de responsabilité dans les actes
criminels du despotisme, mais sa disparition ne marquerait pas la fin
du despotisme et, derrière lui, apparaîtrait immédiatement un
autre pantin qui se livrerait aux mêmes inconséquences et aux mêmes
abus. Il en est de même, pour le fantoche espagnol, qui mène son
pays à la ruine. Primo de Rivera peut s'effacer, les ravages du
despotisme ne populaire. Ne confondons donc pas les effets et les
causes. C'est à la source qu'il faut remonter pour trouver une
solution logique et raisonnable, et c'est parce que toutes les écoles
politiques ct sociales s'y refusent, qu'elles sont incapables de
résoudre le problème posé depuis si longtemps devant l'humanité.
A quoi bon s'élever contre la tyrannie d'un despote, contre
l'exercice arbitraire d'un pouvoir si les remèdes que l'on apporte
ne sont pas susceptibles d'arrêter le mal ? A quoi bon protester
contre les abus, contre les crimes du despotisme, si toutes les
formes de gouvernement qu'on lui oppose, renferment également le
virus malfaisant oui inévitablement, engendrera, en évoluant, les
mêmes méfaits? La politique du moindre mal est à nos yeux ridicule
et dangereuse, car elle donne au peuple une espérance stérile, qui
ne se traduit en fin de compte que par la désillusion et le
découragement. « A quoi bon changer, dit le peuple, c'est toujours
la même chose !» C'est toujours la même chose, parce qu’il le
veut ainsi ; c'est toujours la même chose parce qu'il se refuse à
écouter la voix de la raison ; c'est toujours la même chose, parce
que après avoir été trompé par Pierre, il consent à être trompé
par Paul et ne veut pas trouver en lui la force et l'énergie de
détruire les causes déterminantes de sa souffrance et de sa
misère. C'est toujours la même chose parce qu'il ne veut pasque ça
change. Le despotisme peut disparaître, doit disparaître. Il peut
céder la place à une forme d'organisation répondant au désir de
liberté de la collectivité, mais il ne suffit pas pour cela du
courage et de l'héroïsme de quelques individus qui, se sacrifiant,
débarrassent de temps à autre l'humanité d'un despote, car le
despotisme survit au despote. Il faut la force coalisée de tous les
opprimés, de tous les parias, la révolte consciente de tous les
hommes nouveaux et d'avenir, pour monter à l'assaut du Capital et de
l'Autorité qui en sont les causes déterminantes. Alors, le
despotisme aura vécu.
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