jeudi 25 octobre 2018

Deuxième gauche réformisme et lutte de classes de Daniel Poncet


Discussion sur l'autogestion



L’introduction de « changer de cap » est signé de Georges Marchais. Dans le passage concernant « Notre but : le socialisme » page 12, Marchais précise :
« Mais parlant de socialisme, il faut être clair. Il ne s’agit pas, en effet, de présenter comme du socialisme de pseudo réformes qui ne visent qu’à aménager le capitalisme, ou bien de bavarder sur un prétendu « socialisme autogestionnaire » tout en refusant de s’attaquer réellement à la domination du grand capital financier.».

Juin 1972 : Le programme Commun de gouvernement du PCF et du PS est signé. Dans le chapitre 1 de la deuxième partie à la page 111 « L’extension des pouvoirs des travailleurs », il y est noté : « Lorsque les travailleurs de l’entreprise en exprimeront la volonté et lorsque la structure de l’entreprise en indiquera la possibilité, l’intervention des travailleurs dans et la direction de l’entreprise prendra des formes nouvelles –que le Parti socialiste inscrit dans la perspective de l’autogestion et le Parti communiste français dans le développement permanent de la gestion démocratique- déterminée par accord entre le pouvoir démocratique, la direction de l’entreprise concernée et les syndicats. » .
En 1973, dans son livre « Le Défi démocratique » G. Marchais écrit page 182 : « Par exemple la conception que nous avons de la gestion démocratique montre dès aujourd’hui que l’économie socialiste en France connaîtra des formes d’autogestion
nouvelles et originales. » En 1973, dans son livre « Le Défi démocratique » G. Marchais écrit : « Si l’autogestion veut dire démocratie dans l’entreprise, dans les communes, dans la société, alors nous ne sommes pas contre. Mais si cela signifie prétendre apporter des changements dans la gestion des entreprises, sans les modifications structurelles nécessaires, sans poser le problème de la propriété, alors l’autogestion n’a pas de sens. »
-Paul Laurent membre du secrétariat du PCF, déclare dans L’Humanité du 15 février 1974 : « Les communistes ne craignent personne sur le terrain de la perspective autogestionnaire. »

Georges Marchais aborde une nouvelle fois le sujet de l’autogestion. L’Unité pose la question suivante à Marchais : « Pour employer un mot qui fait encore problème au sein de la gauche, le mot autogestion, des débats et des colloques sont organisés sur ce thème. Le Parti communiste se déclare prêt à y prendre part. Sur quelles bases ? » Georges Marchais fait la réponse suivante :
« Tout d’abord, je trouve curieux que les partisans de l’autogestion, c’est-à-dire de la participation de tout le peuple à la gestion des affaires, aient exclu de la discussion sur ce problème le Parti communiste français, qui représente plus de cinq millions d’électeurs. C’est une singulière façon de s’affirmer pour l’autogestion. Cela dit, nous n’avons pas le fétichisme des mots. Et à partir du moment où l’on admet qu’il ne peut y avoir d’autogestion réelle sans l’exercice du pouvoir politique par la classe ouvrière alliée aux autres couches laborieuses, sans la propriété collective des grands moyens de production et d’échange, sans une planification démocratique, à partir du moment où ces principes fondamentaux sont admis, de quoi s’agit-il ? De déterminer les formes de gestion démocratique ? Les formes d’organisation de cette gestion ? Nous sommes prêts à en discuter avec tout le monde. Nous avons d’ailleurs publié des documents sur cette question. Et nous aurions pu apporter dans la discussion une expérience, puisque les municipalités communistes, sur la base du contrat municipal adopté lors des dernières élections, ont commencé à mettre en pratique des formes de participation directe de la population à la gestion. »

Dans l’introduction de ce chapitre page 373, Frank Georgi indique l’existence de l’ouvrage de l’OCI « Les marxistes contre l’autogestion » publié en 1974.

« La “théorie” de “l'autogestion” a été formulée et introduite au sein du mouvement ouvrier par les agents de cette institution réactionnaire, grande puissance spirituelle, mais très attachée aux biens de ce monde : l'Eglise. » (…) « En tant que “théorie”, “l'autogestion” est un bricolage idéologique qui ramasse toute une série de vieilleries pré-marxistes, pour étayer cette nouvelle forme de la doctrine sociale de l'Eglise, dont la logique conduit au corporatisme. En vérité, “l'autogestion” est une rouerie politique, une machine de guerre construite pour mettre en cause l'indépendance de classe du prolétariat et tenter de détruire le mouvement ouvrier. Il s'agit de détourner la classe ouvrière de l'accomplissement de ses tâches historiques qui consistent à s'emparer du pouvoir politique, à se constituer en classe dominante, organisée et centralisée au moyen des conseils ouvriers, des soviets, à instaurer la dictature du prolétariat ». Toujours dans ce livre de l’OCI, au chapitre « Intérêt et limite des coopératives ouvrières. » l’analyse suivante, qui ne manque pas d’intérêt : « Pour mieux mettre en lumière le contenu de “ l'autogestion ”, les rédacteurs de cet ensemble de textes et d'articles ont insisté sur le véritable sens et la véritable importance des coopératives ouvrières. L'expérience des coopératives ouvrières prouve que les prolétaires peuvent très facilement se passer des patrons et gérer leurs propres affaires. Mais les coopératives n'émancipent pas la classe ouvrière des rapports de production capitaliste. Elles sont soumises aux lois du marché, à l'ensemble des lois du mode de production capitaliste. Elles ne peuvent être le point de départ d'un nouveau mode de production. Inévitablement, à l'intérieur de l'entreprise coopérative resurgissent les vieux rapports, les anciennes différenciations et, plus ou moins rapidement, ils transforment la coopérative en une entreprise capitaliste comme les autres, à moins qu'elle ne disparaisse purement et simplement. Si exceptions il y a, elles se rapportent aux coopératives contrôlées par les syndicats ou les partis ouvriers. Celles-ci aussi sont obligées de se soumettre aux lois du marché, mais elles parviennent à se maintenir comme coopératives authentiques parce qu'elles sont soumises en contrepartie à une volonté politique qui émane des organisations de classe du prolétariat. Cette volonté politique s'oppose au mouvement spontané qui tend à transformer les coopératives en sociétés capitalistes n'ayant d'autre but que la production de la plus-value et la réalisation du profit. Il n'en est ainsi que parce que la gestion coopérative est alors subordonnée aux objectifs politiques généraux et fondamentaux du mouvement ouvrier. A y regarder de près, l'exemple des coopératives confirme que le prolétariat ne peut s'insérer à l'intérieur du mode de production capitaliste et y faire son trou. Seule la lutte politique et finalement la prise du pouvoir politique lui permet de marcher vers son émancipation. »

Quand « la Gueule Ouverte » se pose des bonnes questions sur l’autogestion !
La GO, de par son imprégnation des idées de la deuxième gauche est favorable à l’autogestion, à la CFDT et au PSU (avec certaines nuances au sein du comité de rédaction). Le n°252 de la GO du 14 mars 1979, annonce un entretien avec Patrick Viveret et Pierre Rosanvallon sous le titre : « Espaces d’autogestion ». L’entretien avec Viveret et Rosanvallon est publié en deux parties. L’une est intitulée « Ruptures et transitions » -pages 10-11-, l’autre : « Autosuffisance et protectionnisme » -pages 11-12-. La première question posée au nom de la GO est très intéressante elle indique une certaine clairvoyance et une évolution vis-à-vis de l’autogestion et des deux auteurs interviewés :
« GO : Est-ce que l’autogestion n’est pas un concept ambigu ? Dans un système qui reste marchand, et dans un contexte de compétition économique et international, l’autogestion d’unités de production autonomes risque de ne rien changer à la logique de la marchandise. Est-ce qu’une décentralisation des initiatives et des décisions ne permettra pas au capitalisme de mieux fonctionner ? Il en va de même pour les îlots d’expérimentation sociale qui peuvent très bien entrer dans la stratégie actuelle du capitalisme. Chez quelqu’un comme Rocard, dont vous êtes proches, est-ce qu’on ne peut pas dire qu’il n’y a même plus d’ambiguité dans la mesure où il reconnaît l’impossibilité d’une rupture. Nous ne pensons pas la rupture uniquement à travers la question de l’importance et du nombre des nationalisations, mais plutôt vis à vis d’un mode de développement, vis à vis du nucléaire civil et militaire, et plus globalement vis à vis de la compétitivité. »

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