Mettre
au rang des dieux. Prêter à un animal ou à un objet, une puissance
surnaturelle. La déification est un signe d’ignorance et il est
compréhensible qu’aux âges reculés de l’humanité, lorsque
l’homme n’avait pas encore percé les mystères de la nature, il
fût enclin à déifier ce qu’il ne comprenait pas. C’est ainsi
que, par ignorance et par terreur, les premiers hommes adorèrent le
tonnerre et que pour manifester leur joie ou leur reconnaissance, ils
glorifièrent le soleil et les astres qui leur apportaient la
lumière. Par la suite, lorsque l’humanité sortit de l’obscurité
dans laquelle elle était plongée et que l’homme, par la
recherche, arriva à déterminer les causes de certains phénomènes,
il s’éleva de la déification des objets, des choses, à la
déification de ses semblables. Il considéra comme des Dieux les
grands hommes de sa génération, les rois, les inventeurs et ceux
qui se signalaient par leurs découvertes. En un mot, l’homme,
durant des siècles, crut infailliblement en la puissance de forces
extérieures et divinisa ceux qu’il considérait comme des
bienfaiteurs ou capables d’exercer une influence favorable sur la
vie de la collectivité humaine. Bien que les progrès de la science
et de la philosophie aient, dans une large mesure, aboli les
pratiques auxquelles se livraient les populations des vieilles
sociétés, la déification subsiste encore et nous assistons
fréquemment à l’adoration d’un peuple pour une personnalité
marquante de son époque. De même que les anciens mettaient
au-dessus de tout, et adoraient après leur mort et même parfois de
leur vivant, certains de leurs grands hommes, les populations
modernes exaltent, à l’égal des dieux, des êtres dont la valeur
peut ne pas être à dédaigner, mais qui ne furent que des hommes,
rien que des hommes. N’a-t-on pas, en France, fait de Jaurès un
véritable Dieu et n’agit-on pas de même en Russie à l’égard
de Lénine ? Certes, on ne pousse pas le ridicule jusqu’à adresser
des prières à ces hommes déifiés, mais cependant la croyance du
peuple est telle, que durant les périodes de difficulté il
s’imagine que seule la présence de ces individus serait capable de
résoudre une crise matérielle ou morale. De pieux pèlerinages sont
organisés sur la tombe de ces nouveaux dieux et le culte qu’on
leur porte est tel, qu’il n’est permis à personne de douter de
leur puissance passée, présente et future. « Les choses les plus
ignorées sont les plus propres à être déifiées », a dit
Montaigne, et c’est parce que les humains n’ont pas confiance en
leur propre force qu’ils se réfugient toujours dans une croyance
quelconque et qu’ils espèrent que
d’autres
feront ce qui leur semble impossible à eux-mêmes. Il n’y a aucune
Providence et rien ne peut être modifié par des moyens ou des
forces surnaturelles. N’ayons confiance qu’en nous-mêmes ;
unissons nos efforts, rien n’est supérieur à l’être vivant !
supprimons les dieux, tous les dieux ; conservons le souvenir des
hommes qui, par leur volonté, leur clair voyance ou leur courage,
ont apporté leur tribut à l’humanité, mais gardons-nous de les
déifier si nous ne voulons pas retomber dans les erreurs qui furent
si néfastes à l’évolution de l’humanité.
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