Rétrograder,
perdre de sa valeur, de sa force physique ou morale, se modifier en
mal... S’applique aux individus et aux sociétés. Une race en
dégénérescence, c’està- dire une race qui est prête à
disparaître. Il y a en effet des corps organisés qui disparaissent
sous l’influence du climat, de la nourriture, des maladies
héréditaires, etc... La race indienne est en pleine dégénérescence
; il ne reste plus de nos jours que quelques tribus de race rouge au
Nord des Etats-Unis d’Amérique, mais avant peu elles auront
disparu. Si les optimistes ont tort de se déclarer satisfaits en
affirmant que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, les
pessimistes n’ont peut-être pas raison de voir tout en noir, et
d’affirmer que nous sommes en pleine période de dégénérescence.
En vérité, une portion de l’humanité, peut « dégénérer » et
même disparaître, l’humanité toute entière ne le peut pas. Une
nation à la suite d’un cataclysme, d’une catastrophe, tombe
endégénérescence, mais l’ensemble des habitants de la terre
continue sa vie, sélectionnant les éléments favorables à son
existence et rejetant ce qui semble nuire à son évolution. Les
Sociétés comme les individus, naissent, vivent et meurent ; tout
corps organisé arrive à se désagréger, à se désorganiser, à
dégénérer, si on le considère dans le temps et dans l’espace ;
mais la vie, elle, est éternelle dans le temps et dans l’espace,
et « même en se donnant, la vie se retrouve, même en mourant elle
a conscience de sa plénitude, qui reparaîtra ailleurs,
indestructible, sous d’autres formes, puisque dans le inonde rien
ne se perd » (Guyau). Il serait donc erroné de penser que le monde
est en complète dégénérescence. S’il est vrai que les sociétés
occidentales, que la vieille Europe, se débattent dans un chaos
indescriptible, déterminé par les erreurs accumulées du passé, il
est vrai également que tous les progrès réalisés durant ces
derniers siècles nous permettent d’espérer pour le futur une
période de régénération. Que les principes qui dirigent les
formes de sociétés modernes soient périmées, que ces sociétés
se meurent de vieillesse, et qu’elles disparaîtront demain ; cela
ne fait aucun doute ; c’est la loi intangible de l’évolution
historique, scientifique et sociale. Mais des forces neuves se
signalent, à l’horizon troublé, les nuages se dissipent
fatalement devant la puissance créatrice de la jeunesse qui bâtira
un monde nouveau sur les ruines fumantes des anciennes organisations.
Le monde ancien dégénère et le monde nouveau apparaît. Nous
traverserons encore bien des phases progressives avant, d’arriver
au but que poursuit l’humanité - si toutefois l’humanité a un
but - ne nous laissons pas accaparer par un pessimisme aveugle, ni
par un optimisme absolu ; nous portons en nous le germe des sociétés
futures ; avançons toujours sans espérer l’intervention de forces
surnaturelles pour régénérer le monde, et agissons pour que la
dégénérescence d’une portion ou d’une fraction de l’humanité,
profite à l’autre fraction qui a le devoir de réaliser demain la
fraternité entre les humains.
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