Dans
le langage philosophique le mot démon indique le génie familier
duquel Socrate se disait inspiré. Sur sa nature exacte persiste la
controverse. Selon certains, Xénophon, le disciple le plus direct de
Socrate, donnait à ce mot la même signification que le mot Dieu ;
selon d’autres, Socrate croyait à l’existence de génies
familiers ; selon d’autres encore, Socrate se servait de ce terme
pour indiquer l’analogie entre ses pressentiments que la divinité
lui inspirait, et les démons de la mythologie grecque. Les
psychiatres retiennent que Socrate fut en butte à des hallucinations
visuelles et auditives et qu’il imagina de parler avec un esprit.
D’après de plus récents et modernes psychologues, Socrate
entendait par le mot démon l’inspiration avertie dans les
suggestions subconscientes qui, chez tous les mystiques, assument une
notable vivacité et se présentent à l’introspection sous la
forme d’une individualité extrinsèque, de laquelle ils sentent la
présence dans le profond de leur esprit. Dans le sens courant, démon
se réfère à l’anti-Dieu, en qui la croyance perpétue le
dualisme religieux.
DÉMON
Dans
les pays qui ont été touchés par le progrès et où la science et
la philosophie exercent une bienfaisante influence, le démon n’est
plus qu’une figure servant à caractériser une personne animée de
sentiments bons ou mauvais, mais dont les inspirations et les
impulsions sont plus particulièrement orientées vers le mal. Etre
possédé par le démon du jeu, de la jalousie, de la guerre,
signifie : avoir la passion du jeu, souffrir ou faire souffrir de la
jalousie, aimer la guerre. « Le démon de la discorde et de la
calomnie souffle terriblement sur la littérature. » (Voltaire.) «
Quel démon vous irrite et vous porte à médire ? » (Boileau.) Chez
les chrétiens, le démon est un esprit malin, l’esprit du diable,
de Satan qui cherche à s’introduire dans le corps des humains afin
de les corrompre et de les conduire en enfer à leur mort. On leur
oppose l’esprit des anges qui incarne le bien alors que le démon
incarne le mal. La démonolâtrie, c’est-à-dire le culte et
l’adoration des démons était pratiquée chez les anciens et, même
de nos jours, de grandes contrées de l’Asie et de l’Afrique
prêtent encore aux démons une puissance colossale. Socrate disait :
« Tout homme est conduit après sa mort, par le démon auquel il a
appartenu pendant sa vie, vers un endroit où les morts rassemblés
subissent le jugement, et d’où ils partent pour les enfers sous un
guide chargé d’y conduire ceux d’ici-bas. » Platon, le célèbre
philosophe de l’Antiquité, développait cette théorie : que les
démons étaient des intermédiaires entre les mortels et Dieu car «
Dieu ne se mêle pas aux hommes et c’est par cet intermédiaire
qu’a lieu tout commerce et tout colloque entre les dieux et Ies
hommes ».
La
croyance aux démons remonte donc à la plus haute antiquité et, si
l’on peut concevoir le démonisme des anciens, il est difficile de
comprendre les démoniaques modernes, êtres stupides et ridicules
qui se laissent troubler par des absurdités d’un autre âge. Car
il se trouve encore des sectaires assez incohérents qui se croient
ou croient les autres possédés par des démons, et qui se livrent
alors sur eux-mêmes, ou sur leurs semblables, à des brutalités
odieuses pour le chasser de leur corps. Ces malheureux doivent être
considérés comme des demi-fous, tristes victimes de l’éducation
religieuse, et il serait plus sensé. de les livrer au psychiatre
qu’au geôlier, lorsqu’ils se livrent à des excès qui troublent
la vie de leurs semblables.
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