Action
qui consiste à abandonner un parti, une lutte, une bataille. Le mot
est employé surtout dans le langage courant, pour qualifier l'acte
du militaire qui abandonne sans en avoir obtenu l'autorisation, le
poste qui lui a été confié. En période de guerre et dans tous les
pays, la désertion devant l'ennemi est punie de la peine de mort ;
en temps de paix les peines sont un peu plus légères, mais la
désertion est toujours réprimée avec férocité par les tribunaux
militaires. Toute répression est arbitraire et inopérante mais on
ne peut concevoir une condamnation plus illogique que celle qui
frappe le déserteur. Il y a en effet peu de jeunes gens qui soient
attirés par la carrière des armes, en conséquence, c'est par la
contrainte qu'on les oblige, dès qu'ils ont atteint un certain âge,
d'accomplir une période de service militaire. Comment s'étonner
que, parmi eux, il s'en trouve qui, au bout d'un certain temps,
abandonnent la caserne pour recouvrer leur liberté? C'est sans leur
volonté qu'on les a embrigadés dans les régiments ; c'est sans
tenir compte de leurs opinions, de leurs désirs, de leurs
aspirations qu'on les a emprisonnés à la caserne ; ils n'ont rien
promis, on ne leur a rien demandé. Est-ce vraiment « déserter »
que de se refuser à accomplir un acte, un geste qui nous répugne,
que de ne pas se prêter à un travail que l'on juge inutile, à une
fonction que l'on estime criminelle? Celui qui de sa propre volonté,
en pleine possession de ses facultés, conscient de ce qu'il fait,
embrasse une carrière et abandonne celle-ci au moment du danger, est
méprisable, et, en vertu de la morale et des lois bourgeoises, on
comprendrait encore la répression qui s'exercerait contre lui. Mais
le malheureux que l'on numérote comme du bétail sans tenir compte
de sa être blâmable lorsqu'il quitte un poste qu'il n'a pas
demandé. Même dans les pays où le service militaire n'est pas
obligatoire et où le recrutement est volontaire, le soldat est
excusable lorsqu'il déserte. Il est excessivement rare qu'un homme
s'engage par amour de l'armée ; très souvent il y est poussé par
la misère et la famine ; on fait miroiter à ses yeux le bien-être
dont il sera entouré lorsqu'il aura revêtu l'uniforme et ce n'est
qu'à l'expérience qu'il se rend compte de son erreur. Déserter est
un crime, lorsque librement on a décidé de participer à une lutte
que l'on juge noble et belle, ce n'en est plus un lorsque l'on est
entraîné dans une organisation qui est une plaie sociale et qui
concourt à la ruine de l'humanité. Il n'appartient cependant à
personne de conseiller à un jeune homme de déserter. La désertion
n'est du reste qu'un pis-aller et le déserteur un accident ; ce
n'est pas cela qui peut transformer la société. La désertion est
un geste de révolte individuelle et la société ne peut être
transformée que par la révolte collective. Refuser collectivement
de se prêter à la sinistre comédie du militarisme peut seul
produire des effets. Mais cela suppose un certain degré d’éducation
sociale à laquelle les hommes ne sont pas encore arrivés. L'action
de déserter, lorsqu' elle est déterminée par des raisons d'ordre
social, suppose une énergie et un courage incontestable car le
déserteur s'expose à une vie de souffrance et de misère. L'exil
est loin d'être une
source
de joies et l'homme qui accepte cette extrémité se prépare bien
des ennuis. De nos jours, les diverses nations du monde s'entendent à
merveille sur la question des déserteurs et à la moindre incartade
ils sont reconduits à la frontière et livrés à la police de leur
propre pays. Il est cependant des jeunes gens qui aiment mieux
affronter les risques et les difficultés de la désertion plutôt
que de se courber durant un temps déterminé devant les volontés
ridicules du militarisme. Il n'y a qu'un remède, un seul, pour se
libérer de toutes ces contraintes qui empoisonnent l'existence
humaine. Il y aura des déserteurs, tant qu'il y aura des armées et
des armées tant que le capitalisme ne sera pas aboli. C'est 1a cause
du mal qu'il faut attaquer si nous voulons en détruire les effets.
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