samedi 5 février 2022

Socialisme ou Barbarie, "L ouvrier américain" par Paul Romano Partie 4

 Il doit y avoir une meilleure façon de gagner sa vie

On constate, aujourd'hui, chez les ouvriers, une attitude qu'on n'observait pas avant-guerre. C'est celle que les ouvriers expriment de la manière suivante: " Il doit exister une meilleure manière de gagner sa vie". Cela représente un changement notable. On lance successivement plusieurs idées: ouvrir un bistrot, un comptoir de marchand de glaces, une petite blanchisserie. Aucun des ouvriers n'était capable de réunir à lui seul les fonds nécessaires, aussi il fut beaucoup question d'associations à plusieurs. Finalement, tous renoncèrent à leurs projets , ils avaient conscience que leurs ressources financières leur permettaient tout juste de vivre.

J'ai remarqué que les ouvriers avaient de plus en plus tendance à parler en termes de sécurité. Comment peut-on se la procurer etc etc... Le sentiment prévaut fortement que les ouvriers sont trop déplacés de droite et de gauche. Ils ne pensent plus à leur métier actuel que dans des termes d'une année ou deux :" lorsque la production sera vraiment lancée, les entrepôts de stockage ne tarderont pas à être pleins". En bref, ils s'attendent au krach. Chaque fois que la semaine de 4 jours est appliquée , les ouvriers parlent comme si la crise était déjà là. Par contre, lorsque l'on est assuré de travailler toute la semaine, certains ouvriers prendront un jour de sortie.

L'ouvrier, qui a une femme et des enfants, considère que le célibataire , qui n' a personne à sa charge, a toujours tous les torts de son côté. Voici comment il arrive à cette conclusion: la vie à l'usine est abrutissante. Quiconque n'est pas forcé de la supporter par nécessité économique risque à tout moment de tout laisser tomber ou de faire preuve d'irresponsabilité dans le travail. Il est courant d'entendre un ouvrier dire à un autre : "Pourquoi restes-tu à l'usine? Si j'étais célibataire il y a longtemps que j'en serai sorti."

Un des contrôleurs me déclare un jour qu'il va se mettre dans les affaires. Jour après jour il se lève à la même heure exécute le même travail et rentre chez lui. Il dit qu'il refuse de supporter plus longtemps cette existence. Cette monotonie l'use. Il ne veut pas gaspiller sa vie de cette manière. Autant changer, dit-il avant qu'il ne soit trop vieux. Cela lui est égal de perdre ainsi toutes ses économies au moins il sera libre pendant quelques temps. Il était dans les fusiller-marins pendant la guerre et il a participé aux piquets durant la grève. Je lui dit qu'il était condamné à rester à l'usine quoi qu'il fasse et il en fut très affecté. Il prit quand même un mois de congé, échoua dans sa tentative et finit par revenir.

Les ouvriers changent souvent d'usine dans l'espoir de trouver des conditions meilleures dans un autre emploi. Souvent, ils accepteront même d'êtres moins payés si leur nouvelle place semble devoir leur assurer la tranquillité d'esprit. De nos jours il est cependant devenu clair que les conditions de travail sont partout les mêmes. Un changment de travail peut avoir l'attrait de la nouveauté mais cela ne dure pas plus d'une semaine environ.

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