jeudi 3 février 2022

Matériologies V: Principes pour une littérature qui empeste Par Michel Surya

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Théodor W. Adorno, à propos précisément de la culture:


"Celui qui parviendrait à se rappeler ce qui s'empara de lui lorsqu'il entendit les mots fosse à charogne et chemins aux porcs, serait certainement plus près du savoir absolu de Hegel...Ce qu'il faudrait désavouer théoriquement, c'est l'intégration de la mort physique dans la culture, non pas au nom de la pure essence ontologique de la mort, mais au nom de ce que la puanteur des cadavres exprime et sur quoi trompe leur transfiguration en dépouille mortelle. Le propriétaire d'un hôtel qui s'appelait Adam tuait à coups de gourdin, et sous les yeux de l'enfant qui l'aimait bien, des rats qui, par des trous, dévalaient dans la cour; c'est à son image que l'enfant s'est forgé celle du premier homme. Que ce soit oublié, qu'on ne comprenne pas ce qu'on a jadis éprouvé devant la voiture de la fourrière, est le triomphe de la culture et de son échec. Elle ne peut supporter le souvenir de cette zone parce qu'elle ne cesse d'imiter le vieil Adam, et c'est là justement ce qui incompatible avec le concept qu'elle a d'elle-même. Elle abhorre la puanteur parce qu'elle pue, parce que, comme le dit Brecht dans un extraordinaire passage, son palais est construit en merde chien...Auschwitz a prouvé de façon irréfutable l'échec de la culture...

La " culture " qui fait valoir pour elle des droits qu'à le commerce ne sait en effet pas qu'elle a échoué, et pue. Qu'elle n'est plus qu'un commerce comme n'importe lequel d'entre eux.

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