Sevrer la bête par Jean-Loup Amselle
Commençons par la seconde, même si c'est celle qui a été envisagée dans un premier temps, en 2020. Al 'époque, dans les hautes sphères du pouvoir, et comme en Angleterre ou en Suède, on a estimé que l"'immunité de groupe" pouvait être la solution même si elle supposait des pertes considérables. La sélection naturelle jouerait pleinement son rôle, fût-ce au prix de décès considérables parmi les vieillards, les victimes de co-morbidité, bref les plus faibles d'entre nous. Mais Dieu reconnaitrait les siens, à savoir les éléments les plus vigoureux de notre société: les jeunes, les productifs, etc.
Cat il faut être pleinement conscient que cette crise sanitaire ne peut être appréhendée correctement que si on la situe d'emblée dans le cadre du capitalisme triomphant, c'est-à-dire dans sa phase ultralibérale qui ne voit se dresser devant lui, en l'absence de luttes cintre-hégémoniques significatives, que le spectre de son propre effondrement, effondrement présenté exclusivement sous une forme écologique. Même si le mouvement des gilets jaunes a fait vaciller le pouvoir, il reste en définitive que celui-ci grâce à l'appui décisif des forces de l'ordre-depuis intensément cajolées- a réussi à redresser la situation au profit de la classe capitaliste que non seulement il représente mais qu'il incarne aussi directement (Emmanuel Macron en France, Mario Draghi en Italie).
Dans cette logique capitaliste exacerbée, plus que jamais l'enseignement de Marx est irremplaçable, lui qui montrait que tout autant que des acteurs gloutons, les capitalistes étaient avant tout les servants d'un systèmes avide de profit et luttant de façon obstinée contre sa "baisse tendancielle". Il faut donc nourrir la bête et c'est à cette tâche que se consacrent les serviteurs du capital qui viennent sacrifier sur l'autel du "fétichisme de la marchandise".
Le système se moque donc pas mal des déperditions humaines à condition que la machine tourne. Depuis des mois, il est apparu que les "premiers de corvée", qui se rendent au travail à 6H30 du matin en empruntant la ligne 13 du métro parisien ou la ligne B du RER, étaient les plus exposés à la contamination par le covid 19. Car, toutes les enquêtes sérieuses le montrent, le covid 19 est avant tout une maladie de pauvres, entassés dans des logements insalubres, dans les transports en commun ou sur leurs lieux de travail. Ce sont ces catégories sociales qui sont les plus victimes de co-morbidités en raison des conditions de vie qu'on leur impose.
Le système est donc prêt à accepter un certain nombre de pertes humaines, à ceci prêt, que, comme nous vivons dans un système dit démocratique, le gouvernement est obligé de tenir compte de mouvements sociaux comme les gilets jaunes ainsi que des diverses élections, même si ni les uns ou les autres n'entament en rien sa pérennité.
Si la volonté de secouer le cocotier et de se débarrasser des retraités est patente du côté de Bercy, comme on a pu le constater avec la hausse de la CSG sur les retraites, il reste que ce sont essentiellement les anciens qui votent et que, par conséquent, le gouvernement doit composer avec ce vestige de démocratie et ne trop les mécontenter".
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