lundi 21 février 2022

Les vies d’Alexandre Jacob de Bernard Thomas

 De sa prison, il écrivit :

 

« Le préau où je me promène ressemble à s’y méprendre à l’une des fosses à fauves du jardin des plantes. C’est amusant. Et puis je vois de bien belles choses : des pierres, de la terre, des légumes et enfin quelques arbres fruitiers qui font pitié tant ils sont étiques. J’éprouve le même sentiment en faveur de quatre ou cinq petites plantes dont j’ignore et l’espèce et la famille, qui végètent mesquinement sous la protection d’une cloche en verre. Je vois ce qui leur manque : quelques années de travaux forcés fraient leur affaire. Elles jouiraient d’une température plus clémente. Mais ne va pas au bagne qui veut…Je pense à toutes les sortes de cataclysmes qui menacent les mortels vivant en liberté et moi, captif, je me trouve heureux. Je mange, bois, dors, respire, pense, que veux-tu de plus ? Voilà qui fait mieux comprendre la vocation de capucin…Le monde est un composé de dupes et de fripons ou, pour me servir d’une figure plus propre à notre situation, de chasseurs et de lapins. Or, pour l’instant, nous sommes lapins et il ne nous reste qu’à manœuvrer pour que l’on ne nous mette pas en civet…Comme par le passé, je te conseille de demeurer ferme et hautaine. Ne demande ni grâce, ni libération conditionnelle. N’ayant rien fait, tu n’as rien à solliciter. De même, une fois libérée, je ne te conseille pas de faire réviser ton jugement : la révision te rendrait-elle les années de liberté que la société t’a escamotées ?... »

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