De sa prison, il écrivit :
« Le préau où je me
promène ressemble à s’y méprendre à l’une des fosses à fauves du jardin des
plantes. C’est amusant. Et puis je vois de bien belles choses : des
pierres, de la terre, des légumes et enfin quelques arbres fruitiers qui font
pitié tant ils sont étiques. J’éprouve le même sentiment en faveur de quatre ou
cinq petites plantes dont j’ignore et l’espèce et la famille, qui végètent
mesquinement sous la protection d’une cloche en verre. Je vois ce qui leur
manque : quelques années de travaux forcés fraient leur affaire. Elles
jouiraient d’une température plus clémente. Mais ne va pas au bagne qui veut…Je
pense à toutes les sortes de cataclysmes qui menacent les mortels vivant en
liberté et moi, captif, je me trouve heureux. Je mange, bois, dors, respire,
pense, que veux-tu de plus ? Voilà qui fait mieux comprendre la vocation
de capucin…Le monde est un composé de dupes et de fripons ou, pour me servir
d’une figure plus propre à notre situation, de chasseurs et de lapins. Or, pour
l’instant, nous sommes lapins et il ne nous reste qu’à manœuvrer pour que l’on
ne nous mette pas en civet…Comme par le passé, je te conseille de demeurer
ferme et hautaine. Ne demande ni grâce, ni libération conditionnelle. N’ayant
rien fait, tu n’as rien à solliciter. De même, une fois libérée, je ne te
conseille pas de faire réviser ton jugement : la révision te rendrait-elle
les années de liberté que la société t’a escamotées ?... »
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