35
Filières est un mot qu'on avait employé communément jusqu'alors pour désigner d'autres formes de circulations des biens et des corps au sujet desquels on ne s'émouvait ni aussi volontiers ni aussi spontanément: armes, drogues, corps -enlevés-vendus-prostitué. Peut-être parce qu'aucune contagion n'était à en redouter.
Les corps des travailleurs clandestins, venant des pays d'Afrique ou d'Asie, ceux des jeunes filles entrées dans les grands trafics prostitutionnels internationaux, charriés vers leurs nouveaux lieux d'"emploi" par des maffias dont on dit en effet qu'elles formaient des filières aussi.
Et le fait est que leur transport s'est aussitôt apparenté à celui des bêtes. Qui s'y est si fort apparenté que la première fois qu'on s'en est un peu ému, une cinquantaine de Chinois avait été trouvée morts, non pas dans un fourgon-camion-train, etc, mais dans un "camion frigorifique", ce qui correspond en effet aux conditions dans lesquelles on sait que c'est ce qu'on mange qui est transporté de pays en pays, mort et dépecé ( "bétaillère" eut mieux convenu pour l'ignominie des conditions de leur transport vers les lieux où le capital les exploiterait à discrétion).
Ces notations appellent ces précisions: le trafic des êtres humains est la troisième activité illicite la plus rentable après le trafic de drogue et celui des armes. Le chiffre d'affaires de la traite des êtres humains s'élevait alors, il y a une quinzaine d'années, à sept milliards de dollars par an.
Précisions encore: le trafic des êtres, humains et non-humains, est déjà de loin l'activité la plus rentable, qu'on l'opère eux vivants ou eux morts. On n'aura rien mesuré de l'exploitation par le capital tant qu'on distinguera entre le vivant encore et l'encore pas déjà mort - des hommes et des bêtes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire