D'après les théologiens et
les philosophes qui sont à leur remorque, l'omniscience serait un attribut de
Dieu lui permettant de tout connaître : présent, passé, futur. Impossible, en
effet, d'admettre que Dieu soit parfait si ses connaissances peuvent
s'accroître au cours des temps ; car son intelligence, discursive comme celle
de l'homme, serait capable de plus et de moins, elle serait perfectible, ce qui
ne peut être le propre que d'un esprit fini, limité, soumis aux contingences du
devenir. Et comme, par définition, Dieu est l'être que rien ne borne dans
l'espace ni le temps, dont la connaissance est parfaite comme ses autres
qualités, il faut admettre qu'il connaît l'avenir aussi clairement que le
passé. La Bible nous montre une multitude de farceurs qui s'intitulent
prophètes et dont les prédictions restent assez vagues, assez équivoques pour
que, avec un peu de bonne volonté, et quelques coups de pouce au texte, les
prêtres puissent toujours prétendre qu'elles sont accomplies. Il serait inutile
d'insister sur l'omniscience d'un Dieu inexistant, si cet attribut ne contenait
en lui-même une contradiction capable de nous édifier sur la vanité des
spéculations théologiques. Les mêmes qui affirment que Dieu connaît l'avenir
prétendent aussi que l'homme est libre. Or si l'homme est libre, s'il peut
accomplir ou non telle action, s'il peut faire ou ne pas faire ce qui lui
convient, comment admettre que Dieu connaisse une conduite encore non
déterminée, une action dont la réalisation dépend du bon vouloir humain. Dieu
sait, paraît-il, qui doit aller au ciel, qui doit aller en enfer, et cela de
toute éternité. Il sait, de plus, pour quelle faute librement accomplie, un tel
doit rôtir à jamais, pour quelle bonne action un autre doit se pâmer sans fin
au ciel. Et, malgré cela, le malheureux destiné à l'enfer, le saint qui ira
dans le paradis, ce que Dieu sait de toute éternité, restent libres, absolument
libres d'accomplir le péché qui doit damner le premier, la pénitence ou
l'aumône au clergé qui sauvera le second, toujours d'après l'infaillible
prescience du tout-puissant. Contradiction si insoluble que les théologiens et
les philosophes spiritualistes ont renoncé à la résoudre et même à l'expliquer
en déclarant qu'il s'agit là d'un mystère inaccessible à la faible raison
humaine et qu'il faut croire sans chercher à comprendre. Moyen singulièrement
commode d'en imposer à la sottise populaire, mais dont l'homme réfléchi ne peut
que sourire.
On a parfois employé le
terme omniscience pour désigner une connaissance très étendue qui embrasse
l'ensemble du savoir humain. C'est ainsi que, à la Renaissance, Pic de la
Mirandole acceptait de discuter de tout ce qu'on pouvait connaître. Aujourd'hui
les sciences expérimentales, les mathématiques, l'histoire, les arts, la
philosophie, etc.., ont pris un développement trop considérable pour qu'un même
individu puisse tout approfondir. Mais constatons qu'une spécialisation poussée
à l'extrême présente de sérieux dangers. Il est bon, à notre époque, comme par
le passé, sans prétendre à l'omniscience, de ne rester étranger à rien de ce qui
est vraiment humain.
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