Il n'est pas possible de
rencontrer dans la langue médicale un mot plus imprécis, ni plus difficile à
définir, dans ses origines et dans son objet. Une telle appréciation est
toujours un indice d'ignorance. Le médecin, dans son langage courant qui ne tarde
pas à déborder du côté profane, use de termes très généraux pour étiqueter des
tiroirs où il emmagasine au petit bonheur dans l'attente de mieux faire tout ce
qui reste en deçà de sa connaissance.
Il ne faut pas en vouloir
aux sciences expérimentales d'être imparfaites. Ne pouvant bénéficier de
l'intuition ni surtout de la révélation réservée aux mystiques, elles regardent
fatalement l'avenir et leurs précisions sont en proportion de leurs conquêtes
sur l'inconnu.
Tout cc qui touche au
fonctionnement normal ou pathologique du système nerveux sort à peine des
limbes. Ce système, qui est à coup sûr le plus compliqué de ceux qui
constituent les organismes animaux dont il représente le perfectionnement
maximum actuel est assez bien connu dans son anatomie, mais sa physiologie
laisse encore grandement à désirer. Quant à sa pathologie, elle est plus vague
encore. Physiologie et pathologie sont corrélatifs. C'est par le morbide que
l'on accède le plus souvent au physiologique et l'on sait que ce fut le cas
dans la sphère nerveuse. Un grand progrès vit le jour quand Charcot tenta de
jeter un peu de lumière sur la vie de la Psyché en partant des observations
cliniques recueillies dans le vaste laboratoire de la Salpêtrière. C'est par la
lésion cérébrale qu'il parvint à la découverte des localisations. Encore est-il
qu'aujourd'hui nombre d'entre-elles sont contestées. Le célèbre centre de Broca
relatif au langage articulé, localisation dont on fut longtemps si fier,
n'est-il pas aujourd'hui battu en brèche ? Tout semble à recommencer. Et il
s'agissait là de cas ou l'objet observé tombait, en quelque sorte, sous les
sens. Que dire alors du domaine de la folie ou de ces névroses que nous allons
rencontrer plus loin ?
Ici n'existe aucun point
d'appui matériel dans la plupart des cas. C'est le triomphe de ce qu'on a
appelé les maladies sine materia, ce qui est logiquement une absurdité, mais
c'est tout au moins l'aveu d'une profonde ignorance.
Nous abordons en conséquence
un chapitre où, tant du point de vue physiologique que du point de vue
pathologique, nous serons obligé de disserter dans l'inconnu. Mais une
encyclopédie est une étape et non pas une conclusion : une étape dans la marche
à l'étoile de vérité ; c'est malgré tout quelque chose.
*
* *
Dans le langage banal le mot
névropathe désigne un sujet qui souffre des nerfs. Névropathie englobera tous
les états pathologiques frappant le système nerveux. C'est formidable et cela
demande tout de même à être un peu délimité.
Le système nerveux comprend
trois parties : 1° centre, lequel comporte luimême l'écorce cérébrale, la
moelle et ce qui les relie, le mésencéphale ;
2° les nerfs périphériques
ou voies de communications. centrifuges et centripètes entre le centre et le
dehors.
3° le système sympathique
qui tend à jouer un rôle de plus en plus prépondérant dans la compréhension de
la vie nerveuse. C'est le système de la vie végétative ; ce sera le vaste
territoire des émotions, celui que sous la dénomination de névropathie nous
étudions surtout ici.
Eliminons d'emblée les
affections des nerfs périphériques en tant qu'elles se traduisent par des
désordres anatomiques connus, telles que les névrites (toxiques, syphilitiques,
etc.), les névralgies (sciatique). Ces nerfs pourront être mêlés à l'histoire
des névropathies, mais à titre secondaire.
Eliminons ensuite les
maladies du système nerveux central dont les lésions anatomiques sont connues
ou en voie de l'être, comme l'ataxie locomotrice, la sclérose en plaques, les
hémorragies cérébrales, la paralysie générale. Cantonnées dans la moelle
(myélopathie) ou dans le cerveau (cérébropathie), elles forment un ensemble
assez délimité par l'existence même d'une base matérielle.
Tout le reste, comprenant
les affections centrales sans lésions connues, par conséquent simplement
fonctionnelles jusqu'à nouvel ordre, et tout ce qui rentre dans le territoire
du sympathique, constituera le domaine de la névropathie. Ce sont, autrement
dit, des états morbides atteignant le système nerveux dans son ensemble. Bien
que le mot de névropathie indique que l'élément morbide principal est le « nerf
» il apparaît déjà clairement qu'il s'agit d'états ressortissant par essence au
fonctionnement psychique et que le terme qui conviendrait mieux serait celui de
cérébropathie.
Disons que, si nous
envisageons l'élément purement nerveux, il s'agira ici de ce qu'on a appelé
nécroses et, si nous visons aussi le cerveau, il s'agira de ce qu'on a appelé
psychonévroses et cérébropsychoses, états essentiellement chroniques où cerveau
et sympathique sont intéressés ensemble.
C'est tout ce que nous
pouvons dire en l'état de la science neuro psychiatirique.
Pour' objectiver
pratiquement le sujet, je passerai en revue les plus communs de ces états.
*
* *
Les nerveux. - Rien
n'exprime mieux que ce mot qui fait partie du langage courant l'état
névropathique dans sa forme impalpable, état qui se sent qui se devine, mieux
qu'il ne se définit. Le flair et l'observation populaire suffisent à bien des
cas. A nous de préciser si faire se peut.
Ce qu'entend le vulgaire par
nerveux est l'état de celui qui réagit en toutes circonstances par des
manifestations où les fonctions nerveuses jouent le principal rôle. Acceptons
comme antonyme l'apathique, l'homme mou, naturellement inactif, l'insensible,
le difficile à ébranler. Le nerveux sera vif, impétueux, susceptible,
irritable, violent, bavard, désordonné, déséquilibré, ultra-sensible.
L'un et l'autre état
évoquent, des tableaux très nets du point de vue intellectuel. Le premier sera
l'état de l'individu équilibré, réfléchi, mais parfois aussi d'une intelligence
peu vive ; l'apathique est souvent un esprit inerte et pauvre.
Le second donne l'impression
de l'agité, parfois insupportable, mais dont la nervosité le dispose, comme
tous les expansifs, à des opérations cérébrales d'une envergure importante, à
des sensations d'art, à des sentiments exaltés, On se représente mal un génie
apathique. La nervosité le caractérise plutôt.
On pressent qu'il est fort
difficile de décrire ici le type parfait tenant le milieu entre les deux
extrêmes. Mais on conçoit que la nervosité est déjà quelque chose de morbide.
Elle constitue en fait la prédisposition, le tempérament.
Il y a un tempérament
nerveux dont les manifestations exagérées seront précisément la névropathie.
Celle-ci aura comme signes essentiels des troubles de l' humeur et du
caractère, de la sensibilité morale, un déterminisme reposant presque
exclusivement sur des facteurs d'ordre sentimental, passionnels on sensitifs et
beaucoup moins le raisonnement et la logique, La vie moderne, entraînant par
ses excès multiples un détraquement du système nerveux, est justement l'âge
d'or de la névropathie. Rien n'escompte plus que le surmenage les divers modes
de la sensibilité. La névropathie sera, par essence, la grande névrose de la
sensibilité. Le commerce avec le névropathe, continuons à dire le nerveux, est
l'une des conjonctures les plus pénibles de la vie en commun. La nervosité est
un état qui se multiplie de jour en jour. Il est un humus sur lequel viendront
germer d'autres états aux contours cliniquement plus déterminés, déjà étiquetés
soit par le médecin soit par le profane.
La névropathie n'est donc
pas le fait de quelques victimes seulement ; on peut dire qu'elle est une
maladie collective et caractéristique de la régression des masses. Ce qu'on a
appelé dégénérescence et qui existe sans conteste, a pour syndrome dominant la
névropathie, prélude, on le conçoit, des grandes névroses cérébrales qui sont
sur le chemin de la démence, laquelle démence équivaut à la mort. Sociale.
Toutes les complications de
la vie sociale qui rendent celle-ci insupportable parce qu'elle traduisent une
impuissance absolue d'adaptation, ont pour terrain commun un système nerveux
spécifiquement irritable. Ce qu'on y voit dominer, c'est la puissance exagérée
du réflexe : d'abord des centres sensitifs presque douloureusement
hyper-esthésiques, puis un temps de réaction très court qui donne l'impression
de l'impulsivité où l'inhibition volontaire n'a pas le temps d'intervenir ou
intervient trop tard..
Ces sensibilités morbides
sont à la base de tous les états passionnels qui défraient les chroniques de la
vie journalière. C'est le terrain où germent tous les attentats à la paix
publics ou privés. Que Ile situations internationales, nationales, familiales,
dépendent des nerfs de ceux qui tiennent le volant de notre char !
La névropathie est une
complication des civilisations ou de ce que l'on désigne sous ce nom. C'est
dire qu'elle engendre les situations les plus contraires : splendides dans le
cadre des arts et des sciences ; absurdes clans le cadre des créations de
l'imagination ; magnanimes ou atroces dans le cadre de la vie sociale. De
l'exaltation charitable de certains mystiques aux atrocités de la guerre il y a
toute une gamme, vers le milieu de laquelle trouvera place l'homme moyen,
conventionnellement normal. Il y a des héros dans tous les sens.
La névropathie, alliée
fréquemment à d'autres manifestations d'une biologie morbide est bien une
maladie héréditaire, constitutionnelle. La famille névropathique compte tous
les ralentis et déséquilibres de la nutrition, tous les sujets à métabolisme
perturbé : les arthritiques (mot aussi vague que névropathie), obèses,
goutteux, diabétiques, eczémateux, lithiasiques, etc., etc.
Où localiser un tel mal ?
Partout et nulle part. C'est toute la mécanique qui souffre, sous l'empire
cependant d'un système nerveux central qui souffre davantage. Plus spécialement
le système sympathique semble devoir être l'irrégulateur de cette
désorganisation.
La cause ? Elle est
lointaine et polymorphe, car elle ressortit à toute les influence pernicieuses
qui s'abattent sur l'ensemble de la population : tuberculose, syphilis ;
surtout les grandes intoxications alimentaires ou autres.
Les alcooliques, les
nicotinisés, les coktailisés, les opiomanes, les carnivores font souche de
névropathes.
*
* *
Emotivité. - Le terrain
commun étant déblayé, voyons quelques végétations.
Les émotifs forment un
groupe à part. La constitution émotive si joliment décrite par le docteur Dupré
après le docteur Morel qui a fait en 1860 du délire émotif une maladie
autonome, dont il localisa même l'origine, en vertu d'une intuition clinique
tout à fait géniale, dans le système des ganglions sympathiques viscéraux,
cette constitution est une des formes les plus répandue de la névropathie. Elle
est essentiellement caractérisée par une prédominance des états émotionnels qui
gouvernent tout le psychisme.
On sait le rôle énorme que
jouent les les émotions dans la vie morale. Normalement subjuguées, sauf rares
exceptions, par la raison qui les canalise, les règle, les inhibe et les
maintient dans un juste équilibre. Les émotions peuvent inversement devenir
tyranniques. Autant elle pimentent et charment la vie quand elles sont le
reflet d'un bonne santé morale, autant leur dérèglement peut devenir une
torture. Ce n'est pas seulement dans les circonstances solennelles de la vie
qu'elles débordent et qu'elles déchaînent les passions les plus redoutables,
mais il advient qu'elles empoisonnent la vie mentale pour des futilités. Elles
prennent très vite la forme très pénible de l'obsession. On sait combien ce
phénomène est tyrannique. Il est justement harmonie avec l'état de la
conscience dont la lucidité permet au sujet, à son grand désarroi, de se sentir
en quelque sorte dédoublé. Il assiste impuissant à la répétition automatique de
l'obsession (voir ce mot), qu'il ne saurait vaincre de par sa volonté libre et
dont il est obligé, haletant, d'attendre l'épuisement.
Le nombre des servitudes que
les névropathes se créent ainsi est fabuleux. L'obsession est un tic mental
dont très peu de sujets sont affranchis. Ils résistent de façon variable :
c'est entre tous les hommes la seule différence. En temps normal, l'obsédé ne
fait que sourire de ce phénomène qui le possède quelques instants sans le faire
souffrir ; mais, dès que le terrain émotif existe, la lutte devient fatale avec
son corollaire, la souffrance physique et morale, et la blessure d'amour-propre
née de la défaite.
Certains obsédés ont la vie
littéralement hachée par des troubles de cet ordre, au point qu'ils n'ont plus
de répit, hantent les consultations des charlatans, car les émotifs sont, par
surcroît, des superstitieux. Leurs pratiques ne font, en général, qu'aggraver
leur cas et la névropathie sous toutes ses formes est une vraie infirmité.
L'émotivité minimum se
traduit par la disposition qu'offrent les sujets à sentir violemment et à être
profondément affectés par des conjonctures d'importance minuscule. Les
impressions sont de longue durée ; joies ou peines prennent des proportions
exagérées et les sujets ne sont préoccupés que de se tenir en garde contre
eux-mêmes.
L'émotion morbide a des
signes physiques qui accusent nettement la participation du sympathique. Ces
signes sont l'exagération des signes normaux de l'émotion ; pâleur, rougeur de
la face, tachycardie, sentiment d'oppression, sentiment d'inquiétude,
affolement, rires et pleurs faciles, etc ...
L'exagération peut aller
jusqu'à produire l'angoisse. Les anxieux sont des surémotifs. Il suffit d'
avoir, dans une circonstance dramatique quelconque, éprouvé la sensation de
l'angoisse pour imaginer les souffrances du névropathe émotif, voué par nature
à l'anxiété.
Les terreurs morbides, le
trac des artistes et des orateurs, troubles émotionnels parfois insurmontables,
brisent certaines carrières.
*
* *
Les mélancoliques et les
hypocondriaques forment une autre catégorie de névropathes qui, unis aux
précédents, constituent le grand groupe de ce que le vulgaire englobe sous la
rubrique de neurasthénie ou de psychasthénie.
La surémotivité, le
déséquilibre émotionnel, si coquettement porté par une rare collection de
nerveux, dissimulant sous le terme avoué de neurasthénie de véritables
psychoses, peuvent aller jusqu'à produire un état, habituel ou périodique, de
tristesse invincible. Il est même admis aujourd'hui que cette dépression
morale, expression d'une fonction sympathique déviée, préexiste à la
mélancolie. Cette psychonévrose ne serait point primitive, mais secondaire. On
ne pleure pas parce qu'on voit les choses en noir ; on pleure d'abord et c'est
parce qu'on pleure qu'on voit les choses en noir. Ainsi en va-t-il de l'émotion
contraire, celle de la joie : on rit d'abord, on est joyeux ensuite.
La mélancolie est un état
objectivement psychique, mais subjectivement sensitif. Le triste échafaude tout
un délire de misère physique et morale sur un fond d'émotivité et sur des
troubles de l'innervation sympathique. La mélancolie est volontiers périodique,
alternant même avec des états d'expansion euphorique. Cela constitue la folie à
double forme et la folie circulaire.
Mais une mention toute
spéciale doit être accordée à la mélancolie affectant la forme de
l'hypocondrie. Cette forme de l'émotivité basée sur des états morbides
imaginaires des différentes parties du corps nous fournit le tableau bien connu
du malade imaginaire. On le rencontre à tous les coins de rue, chez tous ces
malades de salon qui, n'ayant rien à faire, tournent sans cesse leur attention
du côté de leur organisation physique, pensent y découvrir maintes irrégularités
à la moindre sensation qui leur paraîtra anormale et, désormais, deviennent les
esclaves du moindre bobo, dont la manie encourage les réclames pharmaceutiques,
peuple les officines de tous les diseurs de bonne aventure et de tous les
rebouteurs.
*
* *
La grande hystérie. - C'est
le triomphe de la névropathie. Elle a occupé dans l'histoire une place
phénoménale par son immixtion dans la vie politique ou religieuse. Elle a été
la psychonévrose des grands drames du Moyen âge, Elle a valu le supplice et la
mort à une foule de malheureux surcroyants, mystiques dans le sens précaire du
mot (voir Mysticisme).
L'hystérie est, en fait, une
maladie mentale à manifestations extérieures protéiformes, relevant toutes de
la suggestion, de l'auto-suggestion et de l'imitation ; Elle suppose, par
conséquent, une sensibilité physique tout à fait anormale et une imagination
désordonnée, disons même délirante. La mythomanie résume toute l'histoire
clinique de l'hystérie, ainsi que le besoin de mentir, de tromper et de se
tromper soi-même, avec croyance folle à ce que l'on dit et fait.
L'hystérie s'exprime par des
crises convulsives à grand spectacle, excentricités en grande partie combinées
pour intéresser la galerie. Elles cessent quand la galerie disparaît. On éduque
un hystérique à volonté et tout hystérique est prêt à la représentation
théâtrale. C'est une maladie suggérée qui suppose une suggestivité anormale et
une passivité démesurée. La Salpétrière ressuscita, pendant le règne de
Charcot, les grands drames du Moyen âge. Quand cette école d'entraînement ferma
ses portes, la grande hystérie disparut comme par enchantement.
Convulsions, somnambulisme,
attitudes passionnelles, léthargie, catalepsie, dédoublement de la
personnalité, délire hallucinatoire, voilà pour le mental ; paralysies
diverses, sensorielles ou autres, contractures, hyperesthésies, voilà pour le
côté physique. Le programme est vaste et l'on pourrait dire an gré de
l'opérateur.
Greffons sur ce paragraphe
de l'hystérie tout ce qui ressortit à l'hypnotisme, au magnétisme, à la
suggestion physiologique ou morbide, et nous aurons facilement grossi le bagage
de la névropathie, car tous ces phénomènes sont amplement favorisés par le
terrain foncier décrit plus haut.
*
* *
Hystéro-traumatisme,
sinistrose. - Sans prétendre être complet, il faut toutefois greffer sur cette
description une des manifestations les plus modernes de la névropathie, qui
donne bien la preuve que cette maladie git tout entière dans un terrain spécial
d'où l'on voit sortir des végétations multiples, richement variées.
Elles n'existeraient pas
sans ce terrain.
Je vise ici maints incidents
morbides nés du machinisme moderne, maints accidents professionnels et plus
spécialement les traumatismes issus de là grande guerre.
Qui dit machinisme dit
multiplication de circonstances où se rencontrent fortuitement une possibilité
de traumatismes et un sujet traumatisable, qui sera, dans l'espèce, le
travailleur. Cette rencontre sera l'accident, avec ses suites ordinaires, mais
aussi avec ses suites extraordinaires, s'il advient que l'accident affecte un
sujet prédisposé, un nerveux, un névropathe.
Tout accident produit un
choc matériel, mais aussi un choc moral, une émotion-choc. D'importance
négligeable chez un sujet bien équilibré et quasi normal, cette émotion produit
des désordres inattendus chez le prédisposé, désordres qui entraînent chaque
jour des conflits entre blessés, assureurs, médecins, magistrats et qu'on a
dénommés hyétro-traumatisme ou sinistrose.
A l'occasion d'une blessure,
voici un malade nerveux, réagissant par des symptômes qui n'ont aucun rapport
direct avec la blessure, mais qui sont l'œuvre d'un psychisme malade.
traumatisé lui-même. puisque l'émotion est un choc. Ces séquelles,
complications inusitées du traumatisme sont toutes à porter au compte de la
névropathie. Elles sont du domaine exclusif de l'auto-suggestion et des
maladies imaginaires, Méconnues comme telles, elles entraînent des conséquences
déplorables et coûteuses tant pour le blessé que pour son assurance. Démasquées,
au contraire, elles guérissent comme au souffle du vent, au grand ébahissement
de la foule, aussi naïve ici qu'elle l'est à Lourdes.
J'en dirai autant des
séquelles imaginaires. des traumatismes de guerre qui, par milliers, sont,
venus encombrer la clinique nerveuse et chirurgicale. Souvent prises pour des
faits de simulation intentionnelle pour échapper aux affres du front. elles
furent le plus souvent sincères et filles de terribles circonstances qui
exaltèrent bien naturellement une grande émotivité congénitale que les blessés
eux-mêmes ignoraient de bonne foi.
*
* *
CONCLUSION. - On le voit ;
la névropathie est un vaste domaine. On peut dire que, en général, quand elle
est bien diagnostiquée, elle n'est grave que par ses manifestations toujours
récidivantes et par sa signification dégénérative.
On pourrait compliquer ce
chapitre en mentionnant bien d'autres syndromes nettement étiquetés déjà, comme
l'épilepsie, la chorée, où fourmillent les névropathes, mais il est mieux de
renvoyer le lecteur aux articles de cette Encyclopédie, où ces sujets sont
traités.
Je ne puis clore cette
monographie sans signaler les rapports, tout récemment découverts entre la
névropathie et l'endocrinologie. La surémotivité, l'anxiété, les obsessions,
etc ..., en fonction des troubles des glandes à sécrétions internes, telles que
les glandes génitales, la surrénale, la thyroïde. la pituitaire. etc ... , ont
ouvert un vaste champ à la thérapeutique et il est certain que beaucoup d'états
névropathiques cèdent en tout ou partie à une opothérapie bien dirigée.
Mais n'oublions pas que le
vrai moyen de guérir les infirmités de cet ordre est encore de les prévenir et
de suivre, à cet effet, les prescriptions rigoureuses de l'hygiène nerveuse et
mentale que la science tout à fait moderne a tracées (naturisme, élimination de
tous les poisons du système nerveux, hydro et héliothérapie, etc .. .).
Prévenir, c'est ici guérir.
- Dr LEGRAIN
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