Il y a beaucoup de panneaux. Jusqu'à midi, il faudra transporter. On revient lentement, on passe devant le block. Fritz est revenu devant la porte. On ne peut toujours pas rentrer. On ne peut aller nulle part. Il faut rester dehors. Sur la route qui longe le camp, des hommes passent, coiffés de passe-montagnes. Parfois, ils tournent la tête, ils voient derrière les barbelés, sur la neige, par petits essaims, ces formes qui se traînent. Eux marchent vite sur la route, ils ont lajambe nerveuse, l'œil vif. Ici, derrière le barbelé, chaque pas compte. Sortir la main de sa poche est une dépense. Chaque mouvement tend à nous ruiner. On voit sur la route l'homme qui marche dégagé malgré le froid, qui fait une série de pas rapides, qui se mouche, balance les bras, tourne la tête par saccades pour rien, qui fait une foule de gestes inutiles, d'une générosité merveilleuse, atroce. Pour nous, le trajet d'un tas de planches à l'autre est un total d'efforts dont chacun à lui seul est une histoire complète, depuis la prévision des risques, du danger, de la dépense sans retour, le refus,jusqu'à l'exécution dans la frayeur et la haine. L'homme de la route ne sait toujours rien; il n'a vu que le barbelé et, de ce qui est derrière, tout au plus des prisonniers.
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