Ce mot nous vient de
l'Eglise catholique. Les papes avaient pris l'habitude de mettre à la tête de
l'administration de l'Eglise leurs neveux - nepos - ou leurs illégitimes
rejetons, ou leurs parents. Par extension, le terme désigne ce qui est devenu
une coutume universelle - dans le temps et dans l'espace - dans le monde des
gouvernants. Dès qu'un personnage détient l'autorité, suprême ou partielle, il
en profite pour caser aux bonnes places ses parents, ses fidèles, ses amis et
les amis des parents ou amis. C'est cc qu'on appelle le népotisme.
Les papes n'ont pas été les
premiers, ni les derniers, à pratiquer le népotisme. On peut dire que cette
pratique est aussi vieille que l'autorité elle-même et qu'elle durera autant
qu'elle. Il est tout à fait naturel, humain et logique que quiconque détenant
tout ou partie de la puissance, morale, politique ou économique, en profite le
plus largement possible, tout le premier, et qu'il en fasse bénéficier les
siens ensuite.
On dit. souvent aux
anarchistes : « Pour que votre société libertaire puisse vivre, il faudrait que
tous les humains soient parfaits, qu'ils n'aient ni défauts, ni vices, ni
ambition ». Ce qui est stupide d'ailleurs, puisque l'équilibre et l'harmonie
doivent naturellement s'établir par la force des choses, lorsque ces forces
sont à égalité de puissance. Nous pourrions riposter, avec plus de justesse : «
pour qu'une société, basée sur l'autorité, soit bonne, il faudrait que les
chefs n'aient ni défauts, ni vices, ni ambition, qu'ils soient parfaits, qu'ils
ne soient plus des hommes comme vous et moi ; autrement, ils useront et
abuseront de l'autorité que vous leur donnez, à leur avantage, et contre le
vôtre. »
La pratique, si courante et
si universelle du népotisme, vient nous démontrer que, non seulement l'autorité
est néfaste parce qu'elle profite surtout à qui l'exerce, mais qu'elle est
condamnable également parce que le chef en fait partager les privilèges et
bénéfices à ses amis et parents. Ce qui, somme toute, est naturel. Celui qui
parvient au sommet de la hiérarchie sociale ne peut s'y hisser, et s'y
maintenir, qu'en ayant des appuis. Il lui faut une cour pour l'aduler, des
lieutenants pour l'aider et des parasites gravitant autour de lui, et ayant
intérêt à la continuation de sa puissance. Les papes et autres chefs de
religion ont pratiqué le népotisme. Les rois, empereurs, et autres monarques en
ont fait un rouage de leur pouvoir. Les présidents de république et les
ministres démocrates se maintiennent grâce au népotisme. Ils font tomber les
sinécures grassement rétribuées, les commandes et les subventions, les pensions
et les décorations sur les personnes de leur entourage.
S'ils omettaient de faire
cela, ils se créeraient des ennemis dans leur milieu, dans leur famille.
Critiques, attaques et déplaisantes vérités pourraient surgir de leur
entourage, et on évite cela il tout prix. Les sénateurs, députés, conseillers
généraux ou municipaux pratiquent le népotisme, Leurs parents, amis et agents
électoraux reçoivent leur part de la manne du pouvoir : petits profits,
démarches, procès enlevés, décorations, etc ... Le politicien qui veut se
pousser au pouvoir a besoin d'une bande qui l'entoure, qui lie ses intérêts aux
siens propres et le pousse là où il veut aller, toujours plus haut. Le patron,
le directeur d'usine, le contre-maître, toute personne qui commande, en grand
ou en petit, met en usage le népotisme pour les mêmes raisons.
Il y a les familles de
banquiers, les familles de gros magnats, les familles de directeurs et
administrateurs de société, les familles et les bandes d'amis.
Voyez les sociétés, même
ouvrières, qui prospèrent dans les méthodes hiérarchiques : dès qu'elles ont à
leur tête un parvenu, le fils, la fille, le neveu, le cousin, l'ami, se
faufilent dans les bonnes places. La hiérarchie porte en son sein le népotisme
aussi inexorablement que le nuage porte la pluie.
Des esprits critiques ont
déploré le népotisme, lutté contre lui et demandé sa disparition de nos mœurs.
Peine perdue, car le
népotisme est une des faces de l'autorité. Il est né avec elle, et il mourra
avec elle.
- Georges BASTIEN
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