C'est à évoquer les morts,
pour connaître l'avenir ou découvrir les choses cachées, que visait l'antique
nécromancie. Afin de recevoir les réponses souhaitées, les Thessaliens
arrosaient un cadavre de sang chaud, non sans avoir accompli, au préalable, mes
expiations et le sacrifices requis. Les légendes grecques reviennent souvent sur
l'évocation des morts : Ulysse se rend au pays des Cimmériens pour consulter
l'ombre de Tirésias ; Orphée va en Thesprotie pour rappeler celle d'Eurydice.
Moïse défendit, sous peine de mort, la nécromancie que les Juifs pratiquaient
volontiers. Bien qu'il eût chassé les magiciens de son royaume Saül alla
secrètement consulter la pythonisse d'Endor, la veille de la bataille de
Gelboë. Ce fut, d'après la Bible, pour s'entendre dire par le grand-prêtre
Samuel, mort depuis deux ans : « Demain tu seras avec moi ». Durant tout le
moyen-âge, les nécromanciens jouèrent an grand rôle. Ils n'ont pas disparu ;
spirites et autres évocateurs de trépassés sont leurs modernes successeurs.
Vers 1848, deux jeunes américaines nommées Fox entendirent des coups qu'elles
attribuèrent à un homme décédé dans la maison ; une convention établie par ces
demoiselles permit bientôt des conversations suivies : un coup signifiait « oui
», deux coups « non ». Ce fut le début des tables tournantes et frappantes,
dont la fortune fut considérable dans la seconde moitié du XIXe siècle, aussi
bien en Europe qu'en Amérique. Mais l'on s'aperçut que certaines personnes
jouaient un rôle prépondérant dans la production de ces phénomènes ; on les
appela des médiums. Par leur intermédiaire, nous entrerions en rapport avec les
esprits désincarnés. Après la mort, ces derniers qui vivent d'une existence
transitoire et se décident avec peine, semble-t-il, à quitter les zones
terrestres, rôdent autour de nous. C'est pendant cette période d'errance, où l'âme
reste environnée du perisprit ou corps astral, qu'elle parvient à se manifester
aux vivants. Plus tard, elle devra s'incarner à nouveau, soit sur notre
planète, soit sur une autre, selon son degré d'évolution. Les défunts peuvent
entrer en communication avec nous de bien des manières : certains médiums
écrivent avec un crayon, une planchette, etc., on a alors l'écriture
automatique ; d'autres dessinent ; d'autres parlent et ne peuvent s'empêcher de
prononcer « des paroles dont ils ne soupçonnent pas le sens et qu'ils sont tout
surpris d'entendre » ; d'autres gesticulent ou imitent la voix, les gestes, la
tournure d'un défunt ; d'autres, par leur seule présence, provoquent des
mouvements ou des bruits, etc ... Enfin, toujours grâce aux médiums, on parvient.
dans certains cas, à voir les esprits, à les photographier, à prendre des
moulages de leurs mains ou de leurs pieds. Une mystérieuse substance,
l'ectoplasme, leur permettant de se modeler un corps semblable à celui qu'ils
avaient autrefois, de se matérialiser. D'accord avec les spirites sur
l'ensemble de la doctrine, les théosophes estiment, toutefois, qu'il faut
laisser les morts en paix. En les attirant dans notre ambiance terrestre, nous
leur rendons un très mauvais service en les empêchant d'évoluer. De plus ils
insistent sur les dangers que court le médium. « Si le médium,écrit Aimée
Blech, n'est pas protégé, sa passivité, sa réceptivité habituelle en font une
victime toute prête...Combien 'aliénés ont commencé à n''être que des obsédés !
J'ai eu, pour ma part, tant de confidences poignantes et tragiques, tant de
demandes d'aide parfois tardives, que je ne crois pas trop m'avancer en
affirmant ce danger. » Quant aux occultistes, ils raillent volontiers les
spirites et les manifestations « beaucoup plus matérielles que spirituelles »,
provoquées par les médiums. « Rien de ce que j'ai vu, écrit Oswald Wirth, ne
m'oblige à croire à l'intervention des esprits, dans les phénomènes du
spiritisme. » C'est un spectacle qui devrait faire réfléchir les plus crédules,
que celui des disputes mettant aux prises les modernes explorateurs de
l'au-delà. Chacun prêche pour sa personne, pour sa chapelle : et comme il
néglige d'accorder son violon avec celui du voisin, les auditeurs sont
gratifiés d'un concert où tout est discordance et cacophonie. Rien d'étonnant,
ce domaine étant par excellence celui de la fraude et de l'illusion. Pour nous,
il n'y a pas fraude, les déplacements de table sont dus à des inconscients du
médium ou à des actons inconscientes des personnes présentes. Ajoutons que la
mentalité du médium ou des assistants se retrouve dans toutes les
communications. Home, le célèbre anglais qui mystifia si longtemps Williarm
Crookes, avoua qu'il n'avait invoqué les esprits que pour attirer les badauds.
Si compatir à la sottise n'était risquer de la rendre contagieuse, on
plaindrait les naïfs victimes des spirites professionnels et des mauvais
plaisants. Faut-il ramener toutes les manifestations médiumniques, hypnotiques,
etc ... , à de simples expressions des constatations hypérémotives et
mythomaniaques découvertes par Ernest Dupré ou à la cyclothymie si bien décrite
par Emil Krœpelin ? Je n'ose me prononcer ; en science, il faut de longues
recherches avant d'aboutir à des résultats incontestables. Du moins, il est
hors de doute que les morts n'ont rien à voir avec les manifestations spirites
ou médiumniques. Les expériences mystiques chères à William James sont rentrées
dans le domaine de la physiologie voire de la physiologie sexuelle, d'où et
n'auraient jamais dû sortir. Pour l'édification du lecteur, , rappelons
l'histoire récente du médium Albertine. Le mari de cette dame était l'auteur de
livres fort appréciés dans les milieux spirites : Les Témoins posthumes,
Ecoutons les morts. Après production de phénomènes secondaires : déplacement de
tables à distance, bruit de castagnettes et de tambourin, danse de guéridons,
Albertine provoqua des manifestations ectoplasmiques. A la demande de son mari,
écrivait le Docteur Osty, « un cabinet noir, c'est-à-dire un espace entouré de
rideaux noirs, à été monté dans le laboratoire de l'Institut Métapsychique,
pour se conformer aux habitudes du médium Albertine. M. B... a apporté un sac
d'étoffe de couleur foncée pour que le corps du médium y soit enfermé jusqu'au
cou. Le sac est examiné par plusieurs personnes et par moi. Le fond en est sans
couture, les deux coutures latérales sont solides. L'ouverture est garnie
d'anneaux de cuivre à rideaux. Albertine y est introduite. L'ouverture du sac
est fermée par des lacets réunissant entre eux tous les anneaux de chaque côté
et plombé aux extrémités... Le sac est attaché aux bras et à une traverse du
fauteuil au niveau des hanches et du sol, par des liens plombés passés dans les
anneaux bien cousus à l'étoffe. Les paroles échangées par les spectateurs
expriment l'opinion qu'il est impossible d'imaginer comment on peut sortir et
surtout rentrer dans ce sac, sans briser les liens de clôture et de fixation. »
Ainsi, toutes les précautions sont prises pour que le médium ne fraude pas. Et,
passant sur les séances d'intérêt médiocre, nous arrivons à celles qui
présentaient un caractère vraiment remarquable. Le médium, ficelé dans son sac,
est placé dans le cabinet noir que des rideaux séparent du public. « Une lampe
rouge, continue le Docteur Osly, est allumée à la rampe du plafond du
laboratoire. Dix minutes environ après le début de la séance, des
manifestations commencent. On entend un crayon écrire et tomber. Bientôt une
main et un avant-bras nus passent entre les rideaux. Les rideaux sont rouvert
lentement, une forme humaine apparaît, vêtue clair, tenant un écran lumineux
pour mieux éclairer sa tète entourée d'un voile blanc. Les rideaux retombent.
Ils s'entrouvrent de nouveau et encadrent une forme féminine que quelques
assistants jugent plus petite que celle de l'apparition précédente. La tête est
nue. Les cheveux partagé en deux tombent de chaque côté des joues. Quelqu'un
dit : « C'est ma soeur, je la reconnais ». L'apparition, d'un signe de main,
confirme joyeusement cette reconnaissance. Les rideaux se referment. Quelques
minutes se passent, et une autre forme humaine se montre. La tête est
recouverte de quelque chose de vague et de couleur claire. Quelqu'un dit «
C'est est ma mère ! ». Et la comédie recommença bien des fois ; les apparitions
deviennent de plus en plus nettes. Enfin, voici le récit de la dernière séance
: « Qui me minutes s'écoulent. Les gémissements se précipitent et s'accentuent.
Les anneaux des rideaux grincent sur la tringle. Un visage et une longue forme
claire et imprécise se montrent dans l'intervalle étroit des deux rideaux et
disparaissent. Une forme humaine complète apparaît tôt après. Elle donne
l'impression d'une femme. Timidement elle se montre, puis écarte largement les
rideaux et se met bien en vue. La tète est recouverte d'un voile clair. Le cou
et les bras sont nus. Le corps semble vêtu d'un tissu clair. M. Garçon demande,
le premier, de toucher la main de l'apparition. Il la touche. Les rideaux se
ferment deux fois, et deux fois l'apparition se montre. Il y a maintenant deux
lampes rouges allumées au plafond. Ma demande, plusieurs fois renouvelée, que
l'apparition mette sa main dans la mienne, reste sans succès. Je ne retrouve plus
la complaisance obéissante des séances précédentes. Je prie M. Garçon, mon
voisin de droite, de redemander le toucher d'une main. L'apparition, d'un geste
gracieux, approche sa main droite de celle qu'il lui tend. Je saisis le poignet
de l'être mystérieux et dis : « Lumière ! » Une lampe plafonnière de quelques
centaine de bougies, commandée par M. Sudre, inonde le laboratoire de lumière.
Voici le tableau que les quatorze témoins contemplèrent : Le médium Albertine,
immobilisé de stupeur, est devant nos yeux costumé en apparition. » Un tel
compte-rendu se passe de commentaires. Les histoires de ce genre sont
innombrables ; et l'on dit même que la race des médiums est en voie de
disparition, depuis que l'on prend quelques précautions, pourtant très élémentaires,
contre les charlatans qui prétendent faire parler les morts. On trouvera
d'ailleurs au mot Métapsychie de nombreuses explications complémentaires, ainsi
qu'au mot Spritisme.
- L. BARBEDETTE
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