mardi 21 février 2023

Deuxième extrait du nouveau récit 21/02/23

 

Chapitre II

 

J’ai subi une autre naissance depuis maintenant deux ans. Elle fut douloureuse pour ceux qui tentèrent de me suivre, pour ceux qui ne comprennent pas que le bonheur d’écrire fait souffrir celui qui lit. Je ne souffre plus de ce que j’écris, je souffre de ce que les autres souffrent en pensant que je souffre. Ne plus être heureux d’écrire ce que les autres lisent dans la souffrance. Elle n’est donc pas la mienne, elle devient la leur. Mais dois-je y mettre un terme ? Suis-je donc libre d’être heureux d’écrire enfin, finalement pourrais-je dire, alors que le mal que je fais est quelque chose qu’ils ne peuvent concevoir ?

Comme pourrait le dire Blanchot, qui le dit mieux que moi, qui le dit définitivement dans les recherches qui furent les siennes, j’aspire à devenir « Le livre à venir ». Celui qui ne doit s’écrire que parce qu’il se doit d’exister comme une affirmation de l’utilité. J’erre dans « L’espace littéraire » depuis ce temps de la découverte de ce que c’est qu’écrire, que lire.

Mais, êtres le livre à venir c’est arriver au bout de l’écriture. C’est souffrir peut-être délicieusement de ne plus avoir à écrire, ce dire que tout fut fait. Mais, Georges Bataille le dit aussi : cette envie, nous ne devrions plus l’avoir en nous ? Satisfait de ce que l’on a écrit, satisfait d’être parvenu à une fin, une fin de soi véritablement. Comme une mort que l’on a maitrisé, domptée. De celle dont on peut revenir, dont je suis revenu, ou plutôt dont je tente de me dépêtrer.

Je tente de devenir ce que je tente de comprendre de la littérature.

Lorsque nous nous ne savons qu’écrire, nous parlons de la mort. Sujet facile qui ne nécessite aucune connaissance, qui ne nécessite que d’aligner des sensations ou des  sentiments que nous pourrions ressentir à ce moment-là de la vie, de la fin de vie. Ce temps d’avant qui, déjà, ne nous appartient plus en propre mais c’est la part que l’on donne à l’humanité, à la multitude.

Ou alors parler de soi, pareillement ne nécessitant aucune connaissance même pas celle de nous-même. Et là encore, à chacun de parler de soi comme un individu n’est pas non plus se confondre avec la multitude, ceux qui ne cessent de parler d’eux-mêmes ?

 

Lorsque M écrit qu’il veut mettre un terme à certaines activités et que je l’interroge sur ce fait, comme une inquiétude, ne me répond-il pas : « ne prends pas garde aux mots que je dis ». Alors, toi aussi, toi surtout, toi malheureusement, ce que tu écris n’est pas toi, n’est pas la vérité. N’est de cette vérité instantanée qui dès prononcée s’échappe dans le néant. Tu n’écris donc que le néant lorsque tu écris le quotidien, la vie qui te tient. Et moi, alors, je deviens la victime de cette vérité qui déjà est défunte depuis le temps de l’écriture et je subis ce jeu de ton écriture, je suis la victime consentante de ton plaisir. Donc je suis un lecteur lambda et non un confident.

 

Bataille écrit: « J’écris pour qui entrant dans mon livre, y tomberait comme dans un trou, n’en sortirait plus. »

Depuis peu, je sens que je suis dans un trou dans lequel je tourne en rond, retrouvant sans cesse les mêmes noms, les mêmes textes. J’aime les textures, j’aime le chant. J’aime les chants et je passe de l’un à l’autre parce que tellement envie de les lire que je me dois de les oublier. Je les oublie et les relis. Lire n’est pas réciter. Réciter, apprendre à réciter, ce n’est pas lire. Je lis comme un chant qui coule; réciter/apprendre est un travail c’est une souffrance de se forcer à ce texte qui coule de moi vers les autres. Je lis pour moi, je ne veux pas réciter pour les autres. Et je ne peux lire pour les autres. Je ne peux chanter dans ma lecture à haute voix comme je peux danser dans le texte que je lis pour moi en silence, en souriant, en pleurant, en chantant que je pleure parce que je lis. Je lis que je pleure quand je lis. Tout cela est une ronde, une ronde dans laquelle j’aime me laisser porter. Je ne suis plus ce poids. Je suis le poids des mots légers que je lis dans le creux de ma tête. Comme une couette que je me remets sur les épaules, comme ce monde que je ne veux pas fuir. Je lis pour ne pas fuir, je lis pour fuir la fuite.

 

 

 

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