lundi 27 février 2023

Lignes N° 70 : ecosophie ou barbarie

 Lignes est une collection dirigée par Michel Surya

Article: Ecosophie du survivant ou barbarie    par François-David Sebbah




"S'assumer survivant, n'est-ce pas d'emblée ne plus pouvoir adhérer sans distance à la folie incrédule -bêtise anesthésiée des conduites et modèles socio-économiques dominants - qui mène dans le mur - le "mur", ce qui nous reste de "la fin de l'histoire"? Et pourtant, n'est-ce pas ne pas plus pouvoir adhérer à quelque messianisme dégradé attendant le "pire", le hâtant même, dans l'espoir qu'il donne jour à quelque apocalypse, à l'aube d'un nouveau monde - désespoir désespéré se vomissant en espérance décuplée? Et encore: n'est-ce pas ne pas pouvoir sombrer dans les colères extrêmes (si nombreuses et diverses aujourd'hui), ce que l'on nomme la "radicalisation violente" -malgré qu'on en ait, de la colère ( et contre soi-même!), devant tant d'inertie et d'aveuglement  - et malgré qu'il en faille, dans une certaine sorte et à une certaine dose, de la colère, pour sortir de la torpeur?

Le survivant se sait, d'un savoir immanent à la vie, au bord du gouffre - sait l'équilibre précaire à préserver entre nous pour que le monde soit habitable...

De fait, le pire viendra à certains être humains d'autres êtres humains - et ce sans attendre les effets massifs des destructions des milieux naturels sur notre espèce. La fiction ( se voudrait-elle d'anticipation!) du "dernier humain" agonisant sur une Terre devenue définitivement invivable pour son espèce - ou toutes ou presque toutes les espèces de vivants - sera de toute manière précédée, dans les faits, des violences terribles que des êtres humains feront subir à d'autres - cela commence déjà: par exemple, les déplacements de populations devant l'immersion des Terres et/ou le manque d'eau...Nous le savons. (Et d'ailleurs, si bien sûr quelque chose de singulier de ce point de vue "commence déjà", nous savons aussi, d'un savoir profond, que cela n'a jamais cessé, que cela a "toujours déjà" commencé). La violence et la mort ne sont véritablement accomplies dans leur essence que comme le meurtre (dans toutes ses dimensions certes, et souvent "de masse"): violence et mort venant depuis et par des êtres humains et s'exerçant contre les vivants vulnérables en général - exemplairement contre d'autres êtres humains (il faut le rappeler -quitte à se faire, à  tort, soupçonner d'"anthropocentrisme"). 

Aucun commentaire: