vendredi 2 mars 2018

Wilhelm Reich 8 Partie




Et toi, petite femme, tu es devenue une éducatrice par pur hasard, sans la moindre qualification, comme tu n'avais pas d'enfants et qu'un pédagogue avait besoin d'une aide, tu as pu faire beaucoup de mal. Ta tâche consiste à former et à éduquer des enfants. Prendre au sérieux sa tâche d'éducateur, c'est former correctement la sexualité infantile. Or, si l'on veut former la sexualité infantile, il faut avoir soi-même connu l'amour. Mais si tu es grassouillette, gauche et physiquement répugnante ! Pour cette seule raison déjà tu détestes profondément tout corps vivant et bien fait. Je ne te reproche pas, bien entendu, d'être grasse et peu attrayante, de n'avoir aucune expérience de l'amour (aucun homme bien portant ne te la donnerait), de ne pas comprendre les besoins amoureux des enfants. Je te reproche de faire une vertu de ta laideur et de ton inaptitude à l'amour, d'étouffer, poussée par ton amertume et par ta haine, tout amour dans les enfants, si par hasard tu travailles dans une "école moderne" ; c'est là ton crime, vilaine petite femme ! Ton existence est nuisible, parce que tu aliènes des enfants bien portants à leurs pères bien portants, parce que tu considères comme un symptôme pathologique l'amour enfantin. Elle est nuisible, parce que tu ressembles à un tonneau, tu te promènes comme un tonneau, tu penses comme un tonneau, tu éduques comme un tonneau. Au lieu de te retirer modestement dans un coin tranquille, tu t'efforces d'imposer à cette vie ta laideur, ton hypocrisie, ta haine farouche que tu dissimules sous un sourire papelard.
Et toi, petit homme, tu es ce que tu es, tu vis comme tu vis, tu penses comme tu penses, tu habites un monde comme le tien, parce que tu permets à une telle femme de s'occuper de tes enfants bien portants, de baver son amertume et son poison sur leurs âmes bien portantes. Et voici un autre exemple, petit homme : tu es venu à moi pour prendre connaissance des fruits de mon labeur infatigable, que j'ai défendus dans d'âpres combats. Sans moi, tu serais aujourd'hui un petit docteur en médecine générale, dans une petite ville ou dans un village. J'ai fait de toi un grand homme, grâce à mon savoir et à ma technique thérapeutique. Je t'ai montré comment la liberté est étranglée chaque jour, comment l'esprit servile se perpétue. Puis, on t'a confié une position importante dans quelque pays étranger pour que tu y exposes mes théories. Tu es libre au sens plein du terme. Je fais confiance à ton honnêteté. Mais dans ton for intérieur, tu te sens tributaire de moi, car tu es incapable de tirer grand-chose de toi. Tu as besoin de moi, de ma science, pour ne pas désespérer de toi-même, de l'avenir, et surtout de ton développement personnel. Tout cela, je te le dis généreusement, petit homme. Je ne demande rien en retour. Puis, un jour, tu déclares que je t'ai fait "violence". Tu emploies un langage insolent en t'imaginant que c'est une preuve de liberté. Mais confondre liberté et insolence a toujours été la marque d'un esprit servile. En t'autorisant ta "liberté" tu refuses de m'envoyer des rapports sur ton activité. Tu te sens enfin libre... libre de l'obligation de coopérer et d'assumer des responsabilités. Voilà pourquoi tu es ce que tu es, petit homme, voilà pourquoi le monde est ce qu'il est. Sais-tu, petit homme, ce que ressent un aigle qui a couvé des oeufs de poule ? Tout d'abord, il pense qu'il va faire éclore de petits aigles qu'il élèvera et dont il fera de grands aigles. Mais les petits aigles se révèlent bientôt de petits poussins. L'aigle, désespéré, veut néanmoins en faire des aigles.
Mais il ne voit autour de lui que des poules qui caquettent. Alors, l'aigle a beaucoup de peine à réprimer son désir de dévorer tous ces poussins, toutes ces poules. Ce qui te retient, c'est le faible espoir que parmi tous ces poussins se trouvera peut-être un petit aigle qui, en grandissant, deviendra un grand aigle comme lui-même, explorant à partir de son aire de nouveaux mondes, de nouvelles idées, de nouvelles formes de vie. C'est ce faible espoir qui empêche l'aigle triste et solitaire de dévorer les poussins et les poules. Mais ces derniers ne se rendent même pas compte que c'est un aigle qui les élève. Ils ne remarquent même pas qu'il vit sur une aiguille de rocher, au dessus des vallées brumeuses et sombres. Ils se contentent de manger ce que l'aigle leur apporte au nid. Ils se réchauffent et se mettent à l'abri sous ses ailes chaudes quand sévissent l'orage et la tempête qu'il brave sans la moindre protection. Quand l'ouragan souffle trop fort, ils se sauvent et lui lancent de loin de petits cailloux aigus pour le blesser. Quand l'aigle voit cette méchanceté, son premier réflexe est de les anéantir. Mais en réfléchissant il finit par les prendre en pitié. Il ne perd pas l'espoir que parmi les poussins caquetants, picorants et myopes, il se trouvera un petit aigle capable de devenir un jour un grand aigle comme lui.
L'aigle solitaire n'a jamais abandonné cet espoir. Et il continue de couver de petits poussins. Tu refuses d'être un aigle, petit homme, c'est pourquoi tu es la proie des vautours. Tu as peur des aigles, tu préfères le grand troupeau ; c'est pourquoi tu te fais manger avec le grand troupeau. Car quelques-unes de tes poules ont couvé des oeufs de vautour. Les vautours deviennent tes Führer s'acharnant contre les aigles qui voulaient te conduire vers un avenir meilleur. Les vautours t'apprennent à te contenter de charognes et de quelques rares grains de blé. Ils t'apprennent en outre à crier "Heil, grand Vautour !" Et voilà que toi et ceux qui te ressemblent meurent, et tu as toujours
peur des aigles qui couvent tes poussins. Toi, petit homme, tu as tout construit sur le sable : ta maison, ta vie, ta culture, ta civilisation, ta science, ta technique, ton amour et l'éducation de tes enfants. Tu ne le sais pas, tu ne veux pas le savoir, tu tues le grand homme qui te dit la vérité. Puis, accablé et miséreux, tu poses sans arrêt les mêmes questions :
"Mon enfant est entêté, il casse tout, il a des cauchemars, il manque de concentration à l'école, il souffre de constipation, il est pâle, il est cruel. Que faire ? Aide-moi !"
Ou bien : "Ma femme est frigide, elle ne me donne pas d'amour. Elle me tourmente, elle est prise d'accès d'hystérie, elle se promène avec une douzaine d'étrangers. Dis-moi ce que je dois faire !"
Ou bien : "Une nouvelle et terrible guerre a éclaté, et cela peu de temps après la "der' des der'". Que pouvons-nous faire ?"
Ou bien : "Cette civilisation dont je suis si fier s'écroule à cause de l'inflation. Des millions de personnes n'ont rien à manger, meurent de faim, assassinent, volent, détruisent, mènent une vie dissolue et abandonnent tout espoir. Que faire ?"
C'est toujours la même question qui traverse les siècles : "Que faire ? Que faire ?"
C'est le sort des grandes réalisations nées d'une mentalité qui place la vérité avant la sécurité, d'être mangées par toi et de te quitter ensuite sous forme d'excréments.

Beaucoup de grands hommes solitaires n'ont cessé de te répéter ce que tu dois faire ! Tu as sans cesse déformé leurs doctrines, tu les as réduites en miettes et anéanties. Tu les as prises par le mauvais bout, tu t'es accroché à de minces erreurs et tu les as adoptées comme règles de vie. C'est ainsi que tu as malmené le christianisme, le socialisme, la théorie de la souveraineté du peuple, et tout et tout, petit homme. Tu me demandes pourquoi tu fais cela ? Je ne pense pas que tu poses cette question sérieusement. Si je te disais la vérité, tu tirerais ton revolver : Tu as construit ta maison sur le sable et tu agis ainsi parce que tu es incapable de sentir la vie en toi, parce que tu tues l'amour dans chaque enfant avant même qu'il naisse, parce que tu ne supportes aucune manifestation de la vie, aucun mouvement libre et naturel. Tu t'effraies et tu demandes:
"Que dira Madame Jones, que dira Monsieur Meier ?"
Tu n'as pas le courage de penser, petit homme, parce que toute pensée réelle s'accompagne de sensations somatiques et que tu as peur de ton corps. Beaucoup de grands hommes t'ont dit : Retourne à tes origines, écoute la voix qui parle au fond de toi-même, suis tes sensations authentiques, aime l'amour ! Mais tu fais la sourde oreille, parce que tu ne peux plus percevoir de tels appels : ils se perdent dans le désert et ceux qui les lancent dans le désert périssent dans les étendues arides, petit homme. Tu avais le choix entre la montée aux cimes pour devenir le "surhomme" de Nietzsche et la descente pour devenir le "sous-homme" d'Hitler. Tu as crié "Heil" et tu as choisi l'"Untermensch". Tu avais le choix entre les institutions vraiment démocratiques de Lénine et la dictature de Staline. Tu as choisi la dictature de Staline. Tu avais le choix entre l'explication sexuelle de ton mal émotionnel donnée par Freud, ou la théorie de l'adaptation culturelle. Tu as choisi la philosophie culturaliste qui ne t'a pas fourni le moindre appui et tu as oublié la théorie sexuelle.
Tu avais le choix entre la simplicité grandiose de Jésus et le célibat de Paul pour ses prêtres et le mariage obligatoire pour toi. Tu as choisi le célibat et le mariage obligatoire alors que la mère de Jésus a mis au monde un fils qui devait sa vie seulement à l'amour. Tu avais le choix entre la théorie de Marx sur la productivité de la force vivante de ton travail qui seul crée la valeur des biens, et l'idée de l'Etat. Tu as oublié l'énergie vivante de ton travail et tu as choisi l'idée de l'Etat.
Pendant la Révolution française, tu avais le choix entre le cruel Robespierre et le grand Danton. Tu as choisi la cruauté en envoyant la grandeur et la bonté au gibet.
En Allemagne, tu avais le choix entre Goering et Himmler d'un côté, Liebknecht, Landau et Mühsam de l'autre. Tu as fait de Himmler ton chef de la Police et tu as assassiné tes vrais amis. Tu avais le choix entre Julius Streicher et Rathenau. Tu as tué Rathenau.
Tu avais le choix entre Lodge et Wilson. Tu as assassiné Wilson.
Tu avais le choix entre la meurtrière Inquisition et la vérité de Galilée. Tu as torturé à mort le grand Galilée ; tu as tiré profit de ses inventions après l'avoir humilié et offensé. En ce XXème siècle, tu as remis en honneur les méthodes de l'Inquisition.
Tu avais le choix entre le traitement humain des malades mentaux et l'électrochoc. Tu as choisi la thérapeutique de choc, pour ne pas voir l'étendue de ta propre misère, continuant à fermer les yeux là où seule une vision claire et lumineuse peut apporter le salut. Tu avais le choix entre l'énergie destructive de l'atome et l'énergie constructive de l'orgone. Tu es resté borné et tu as choisi l'énergie de l'atome.
Tu as le choix entre ton ignorance de la cellule cancéreuse et la lumière que j'ai projetée sur ses secrets, une lumière qui pourrait sauver la vie de millions d'humains ! Tu continues à débiter les mêmes âneries sur le cancer dans les revues et les journaux et tu fais le silence sur des connaissances qui sauveraient ton enfant, ta femme et ta mère. Tu meurs de faim par millions, petit Indien, mais tu continues à te disputer avec les Musulmans à propos de la sainteté des vaches. Tu te promènes en loques, petit Italien, petit Yougoslave de Trieste, mais ton seul souci est de savoir si Trieste est "italienne" ou "yougoslave". Je croyais que Trieste était un port accueillant les bateaux du monde entier. Tu pends les hitlériens parce qu'ils ont assassiné des millions de gens. Mais qu'as-tu fait avant que ces assassinats ne s'accomplissent ? La vue de quelques douzaines de cadavres ne t'émeut pas. En faut-il des millions pour que tes sentiments humanitaires s'éveillent ? Chacune de ces défaillances révèle la grande misère de l'animal humain. Tu dis : "Pourquoi prendre tout ça au tragique ? Est-ce que tu te sens responsable de tous ces maux ?" En parlant ainsi, tu te condamnes toi-même. Si tu assumais seulement une fraction de la responsabilité qui t'incombe, le monde ne serait pas ce qu'il est, et tu ne tuerais pas tes grands amis par tes petites bassesses. C'est parce que tu rejettes ta responsabilité que ta maison est construite sur du sable. Le plafond s'écroule, mais tu as ton "honneur de prolétaire" ou ton "honneur national". Le plancher cède sous tes pieds, mais tu ne cesses de hurler: "Heil, vive le Führer, vive l'honneur allemand, russe, juif !"
La tuyauterie éclate, ton enfant est sur le point de se noyer, mais tu continues à préconiser la manière forte en matière d'éducation. Ta femme est alitée, atteinte de pneumonie, mais toi, petit homme, tu rejettes comme une "invention juive" l'idée de construire ta maison sur du roc. Tu arrives au galop et tu me demandes : "Cher grand docteur ! Que dois-je faire ? Ma maison s'écroule, le vent la traverse, mon enfant et ma femme sont malades, je suis malade. Que dois-je faire ?"

La réponse, la voici : il faut construire ta maison sur du rocher. Ce rocher c'est ta propre nature que tu as tuée en toi, l'amour physique de ton enfant, le rêve d'amour de ta femme, le rêve de ta propre vie quand tu avais seize ans. Troque donc tes illusions contre quelques grains de vérité. Envoie au diable tes politiciens et tes diplomates. Ne te soucie pas de ton voisin mais écoute la voix qui est au fond de toi-même. Au lieu d'assister à l'exécution de tes bourreaux et de tes pendus, fais promulguer une loi pour la sauvegarde de la vie humaine et des biens des hommes. Une telle loi serait une partie du rocher sur lequel tu pourrais construire ta maison. Protège l'amour de tes petits enfants contre les attaques d'hommes et de femmes insatisfaits et lascifs. Poursuis en justice la vieille fille médisante, mets-la au pilori ou envoie-la, à la place des jeunes garçons et des jeunes filles coupables d'aimer, dans un établissement d'éducation surveillée. Renonce à dépasser ton exploiteur dans l'art d'exploiter les gens si tu as la chance d'occuper une position de cadre. Jette ton habit de cérémonie et ton huit-reflets aux orties et étreins ta femme sans demander un certificat t'y autorisant. Va voir d'autres gens dans d'autres pays, car ils vivent comme toi, ils ont comme toi des qualités et des défauts. Laisse pousser ton enfant tel que la nature (ou "Dieu") l'a fait ! N'essaie pas de faire mieux que la nature. Efforce-toi plutôt de la comprendre et de la protéger. Va à la bibliothèque plutôt qu'à un combat de boxe, visite des pays étrangers plutôt que Coney Island. Et surtout, RAISONNE D'UNE MANIERE CORRECTE, écoute ta voix intérieure qui te guide en douceur. Tu es le maître de ta vie. Ne fais confiance à personne, et moins encore aux leaders que tu as élus. SOIS TOI-MÊME ! Beaucoup de grands hommes t'ont donné ce conseil.
" Ecoutez-moi ce petit-bourgeois réactionnaire et individualiste ! Il ignore la marche inexorable de l'histoire. Il dit: "Connais-toi toi-même !" Quelle sottise petite-bourgeoise ! Le prolétariat révolutionnaire du monde conduit par son Führer bien aimé, le père des peuples, le maître de toutes les Russies, de tous les Slaves, libérera le peuple ! A bas les individualistes et les anarchistes !"
Vivent les Pères des peuples et des Slaves, petit homme ! Ecoute un peu, j'ai quelques pronostics sérieux à formuler : Tu vas assumer le gouvernement du monde et cette idée te fait trembler de peur. Pendant des siècles, tu assassineras tes amis et tu porteras aux nues les Führer de tous les peuples, de tous les prolétaires et de tous les Russes. Des jours durant, des semaines durant, des années durant, tu salueras un maître après l'autre ; tu n'entendras pas le vagissement de tes bébés, tu ne te soucieras
pas de la misère de tes adolescents, de la nostalgie de tes hommes et femmes, et si jamais tu entends leurs plaintes, tu les traiteras de bourgeois individualistes. Pendant des siècles, tu verseras du sang là où il faudrait protéger la vie, et tu t'imagineras que tu instaures la liberté en te faisant aider par tes bourreaux ; par conséquent, tu ne sortiras jamais du bourbier. Pendant des siècles, tu suivras le rodomont, tu seras sourd et aveugle quand LA VIE, quand TA VIE fera appel à toi. Car tu as peur de la vie, petit homme, très peur. Tu l'assassineras au nom du "socialisme", de l'Etat, de "l'honneur national" , de la "gloire de Dieu". Mais il y a une chose que tu ne sauras pas, que tu ne voudras pas savoir: que tu es le propre artisan de ton malheur, que tu le produis tous les jours, que tu ne comprends pas tes enfants, que tu leur brises les reins avant même qu'ils aient la force de se tenir debout ; que tu voles l'amour ; que tu prends un chien pour être toi aussi le "maître" de quelqu'un.
Ainsi, tu feras fausse route pendant des siècles, en attendant de mourir de misère sociale avec les masses, et cela jusqu'à ce que la première lueur de compréhension se fasse jour en toi-même. Et en tâtonnant, tu te mettras enfin en quête de ton ami, de l'homme vivant d'amour, de travail et de connaissance, et tu commenceras à le comprendre et à le respecter. Tu finiras par te rendre compte que pour ta vie, une bibliothèque a plus d'importance qu'un combat de boxe, qu'il vaut mieux se promener dans les bois pour réfléchir que parader, qu'il vaut mieux guérir que tuer ; qu'il est préférable d'afficher une saine confiance en soi que des "sentiments nationaux", que la modestie l'emporte sur les hurlements patriotiques et autres. Tu es d'avis que la fin justifie les moyens, même des moyens les plus infâmes. Tu as tort : la fin est contenue dans la route qui y mène. Chacun de tes pas d'aujourd'hui est ta vie de demain. Aucun grand objectif ne saurait être atteint par des moyens immoraux. La preuve en a été administrée dans toutes les révolutions sociales. Si la route qui doit te conduire vers un but est vile et inhumaine, tu deviens toi-même vil et inhumain, et tu n'atteindras jamais ton but. Tu objectes : "Mais comment faire alors pour atteindre le but de la charité chrétienne, du socialisme, de la constitution américaine ?" Ta charité chrétienne, ton socialisme, ta constitution américaine s'expriment dans ce que tu fais et penses tous les jours, dans ta manière d'étreindre ton partenaire, de sentir ton enfant, de considérer ton travail COMME TA RESPONSABILITE SOCIALE, dans les soins que tu prends à ne pas réprimer ta vie.
Mais toi, petit homme, tu abuses des libertés que t'accorde la constitution pour la supprimer, au lieu d'en faire le principe de ton existence quotidienne.
En Suède, j'ai vu des réfugiés allemands abuser de l'hospitalité suédoise. A cette époque tu étais le Führer en herbe de tous les peuples opprimés de la terre. Tu as sans doute gardé le souvenir de la coutume du "smörgasbord" suédois ? Tu sais ce que je veux dire. Je vais te l'expliquer. On présente aux invités un buffet couvert de toutes sortes de friandises : pour toi, cette coutume était nouvelle ; tu ne comprenais pas comment on pouvait faire ainsi confiance à ses invités. Et tu m'as raconté sur un ton malicieux comment tu as jeûné pendant toute la journée afin de pouvoir te bourrer, le soir venu, de victuailles.
"Enfant, j'ai eu faim !", me disais-tu.
Je le sais, petit homme, car je t'ai vu affamé et je connais la faim. Mais tu ne sais pas que tu multiplies par mille la faim de tous les enfante du monde quand tu voles du "smörgasbord", toi qui te dis le sauveur futur de l'humanité. Il y a un certain nombre de choses que l'on ne fait pas : on ne porte pas la main sur les cuillers d'argent, sur la maîtresse de céans, sur le smörgasbord quand on est accueilli dans une maison hospitalière. Après la débâcle allemande, je t'ai trouvé à moitié mort de faim dans un parc. Tu me disais que le "Secours Rouge" de ton parti avait refusé de t'aider, parce que tu avais perdu ta carte de membre. Vos Führer de tous les gens affamés distinguent donc entre des affamés rouges, blancs et noirs. Or, l'organisme affamé est toujours le même. Voilà comment tu agis dans les petites choses.

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