samedi 3 mars 2018

Wilhelm Reich 9 Partie




Et dans les grandes ?
Tu pars en campagne pour mettre un terme à l'exploitation capitaliste, au mépris de la vie humaine, et pour assurer ton droit à l'existence. Car il y a cent ans, on exploitait et on méprisait la vie humaine, on ignorait la gratitude. Mais on respectait aussi les grandes réalisations, on témoignait de la loyauté à ceux qui accomplissaient de grandes choses, on reconnaissait le talent.

Qu'est-ce que tu as fait, petit homme ?

Partout où tu as installé tes petits Führer, on exploite mieux qu'il y a cent ans tes forces vives, on pousse plus loin le mépris brutal de ta vie, on fait fi de tous tes droits ! Et là où tu continues à mettre en place tes propres Führer, on ne respecte plus aucun travail, on se contente de voler les fruits du travail de tes grands amis. Tu ne rends plus honneur au talent, car tu crois cesser d'être Américain, Russe ou Chinois libre si tu fais preuve de respect ou de reconnaissance. Ce que tu comptais détruire prospère plus que jamais, ce que tu comptais préserver et protéger comme ta propre vie, tu l'as détruit. Tu considères la loyauté comme une manifestation de "sentimentalisme" ou comme une habitude "bourgeoise" , le respect du travail de l'autre comme de la "flagornerie". Tu ne sais pas que tu es obséquieux quand tu devrais faire preuve d'indépendance d'esprit, que tu es ingrat quand tu devrais être loyal. Tu te tiens sur la tête et tu t'imagines que tu avances en dansant vers le royaume de la liberté. Tu te réveilleras de ce rêve trop haut, petit homme, et tu te retrouveras impuissant, étendu à même le sol.
Tu voles là où l'on donne, tu donnes là où l'on vole. Tu as confondu la liberté d'opinion et de critique avec le droit de tenir des propos irresponsables, de faire de mauvaises plaisanteries. Tu veux critiquer, mais tu n'admets pas qu'on te critique : c'est pourquoi on te houspille et on te canarde. Tu veux toujours attaquer sans t'exposer toi-même aux attaques des autres. C'est pourquoi tu te tiens toujours en embuscade. "Police ! Police ! Est-ce que son passeport est en règle ? Est-il vraiment docteur en médecine ? Son nom ne figure pas dans le "Who's Who" et l'Ordre des Médecins lui fait la guerre". La police ne saurait te tirer d'affaire petit homme. Elle peut appréhender des voleurs ou régler la circulation, mais elle ne peut conquérir la liberté pour toi. Tu as détruit toi-même ta liberté et tu continues à le faire, avec une logique implacable. Avant la "Première Guerre Mondiale" on n'avait pas besoin de passeport pour aller d'un pays a l'autre. Après la guerre "pour la liberté et la paix", on
a créé des passeports et ils te suivent comme des poux. Si tu veux faire quelque trois cents kilomètres en Europe, tu dois demander des visas auprès des consulats d'une dizaine de pays. Il en est toujours ainsi, plusieurs années après la deuxième et "dernière" guerre mondiale. Il en sera ainsi après la troisième, la quatrième et la nième.
"Ecoutez ! Le voilà qui salit mon patriotisme et la gloire de la nation !"

Ne t'énerve pas, petit homme ! Il existe deux sortes de bruits : celui de la tempête sur les hautes cimes et celui de tes pets. Tu n'es qu'un pet et tu t'imagines sentir la violette. Je guéris la plaie de ton âme et tu demandes si je figure au "Who's Who". Je perce le secret de ton cancer et ton Service de la Santé m'interdit de poursuivre mes expériences sur les souris. J'ai appris à tes médecins à pratiquer la médecine et ton Ordre des Médecins me dénonce à la police. Tu souffres de troubles mentaux et ils t'administrent des électrochocs comme ils administraient au moyen âge les fers et le fouet. Tais-toi, petit homme. Ta vie est trop misérable. Je n'ai pas l'intention de te sauver, mais je terminerai mon discours, même si tu approches, revêtu de la chemise et du masque du bourreau, une corde dans ta main sanglante, pour me pendre. Tu ne peux me pendre, petit homme, sans te pendre toi-même haut et court. Car je suis ta vie, ta sensation du monde, ton humanité, ton amour, ta joie créatrice. Non, tu ne peux m'assassiner, petit homme ! Autrefois, j'avais peur de toi, de même que j'étais à ton égard trop confiant. Mais je me suis élevé au-dessus de toi, et je te vois dans la perspective des millénaires, en avançant et en reculant dans l'ordre du temps. Je veux que tu perdes la peur de toi-même. Je veux que tu mènes une vie plus décente et plus heureuse. Je veux que ton corps soit vivant et non rigide, je veux que tu aimes tes enfants au lieu de les détester, je veux que tu aies une femme heureuse au lieu d'une victime torturée du mariage. Je suis ton médecin, et comme tu habites ce globe, je suis un médecin planétaire. Je ne suis ni Allemand, ni Juif, ni Chrétien, ni Italien, je suis un citoyen du monde. Mais pour toi, il n'y a que des anges américains et des diables japonais.
"Arrêtez-le ! Examinez-le ! A-t-il le droit d'exercer la médecine ? Publiez un décret royal aux termes duquel il ne peut ouvrir un cabinet sans l'accord du roi de notre pays libre ! Il fait des recherches sur nos fonctions de plaisir. Jetez-le en prison ! Expulsez-le de notre pays !" Le droit d'exercer mes activités, je l'ai conquis de haute lutte. Personne d'autre ne saurait me le conférer. J'ai fondé une science nouvelle qui a abouti à la compréhension de la vie. Tu y recourras dans dix, cent ou mille ans, quand, après avoir gobé toutes sortes de doctrines, tu seras au bout de ton rouleau. Ton Ministre de la Santé n'a aucun pouvoir sur moi, petit homme. Il serait aujourd'hui
un homme influent s'il avait eu le courage de reconnaître ma vérité. Mais il n'en a pas eu le courage ! Ainsi, il retourne dans son pays et y répand le bruit que je suis en traitement, aux Etats- Unis, dans un hôpital psychiatrique. Et il a nommé inspecteur général des Hôpitaux un petit homme de rien qui falsifie mes expériences pour tenter de réfuter la fonction de plaisir. Pendant ce temps, j'écris ces lignes à ton intention, petit homme. Veux-tu d'autres preuves de l'impuissance de tes puissants ? Tes cancérologues, tes conseillers de santé, tes professeurs n'ont pu faire respecter leur interdiction de percer le secret du cancer. J'ai poursuivi mes recherches en dépit de leur interdiction formelle. Leurs voyages en France et en Grande-Bretagne pour saper mon oeuvre ont été en pure perte. Partout, ils se sont embourbés dans la pathologie. Mais moi, petit homme, je t'ai souvent sauvé la vie !
"Lorsque j'aurai porté au pouvoir en Allemagne le Führer de tous les prolétaires, je le ferai passer par les armes ! Il pervertit notre jeunesse prolétarienne ! Il affirme que le prolétariat souffre autant que la bourgeoisie d'inaptitude à l'amour. Il transforme nos organisations de jeunesse en bordels. Il prétend que je suis un animal. Il détruit notre conscience d'appartenir à la classe ouvrière !" Oui, je détruis tes idéaux qui te font perdre la vie et la raison aussi, petit homme. Tu veux voir ton "grand espoir éternel" dans la glace, où tu ne peux t'en emparer. Mais il faut prendre la vérité à bras-le-corps si tu veux devenir le maître de ce monde.

"Chassez-le hors du pays ! Il trouble l'ordre public. Il espionne pour le compte de mon ennemi de toujours. Il a acheté une maison avec l'argent de Moscou (à moins que ce ne soit celui de Berlin) !"
Tu n'as pas l'air de comprendre, petit homme. Une vieille femme avait peur des souris. Elle habitait une maison à côté de la mienne et savait que j'élevais des souris blanches dans ma cave. Elle craignait que les souris ne puissent s'introduire dans sa chemise et entre ses jambes. Si elle avait connu l'amour, elle n'aurait pas eu peur des souris. Or, c'est grâce à ces souris que j'ai compris le mécanisme de ta dégénérescence cancéreuse, petit homme. Tu étais, par hasard, le propriétaire de ma maison et la bonne femme te demanda de me donner congé. Et toi, homme courageux, bourré d'idéaux et de morale, tu m'as jeté dehors. Il m'a fallu acheter une maison pour continuer mes recherches, loin de toi et de ta couardise. Qu'as-tu fait ensuite, petit homme ? En ta qualité de petit représentant du Ministère public, tu voulais faire carrière en affrontant cette célébrité dangereuse. Tu as donc affirmé que j'étais un espion allemand ou russe, et tu m'as fait jeter en prison. Mais ça valait la peine de te voir là, misérable petit procureur de l'état. Tes agents secrets ne parlaient pas très bien de toi, quand ils ont perquisitionné chez moi, à la recherche de "matériel d'espionnage". Un peu plus tard, je t'ai rencontré encore sous les traits d'un petit juge du Bronx ; tu n'avais jamais pu réaliser ton rêve d'être nommé à un poste plus intéressant. Tu m'as reproché d'avoir des livres de Lénine et de Trotsky dans ma bibliothèque. Tu ne savais pas, petit homme, à quoi ça sert, une bibliothèque. Je t'ai expliqué que j'avais aussi Hitler, Bouddha, Jésus, Goethe, Napoléon et Casanova dans ma bibliothèque. Je t'ai dit que pour bien connaître la peste émotionnelle il faut l'étudier sous tous ses aspects. C'était là du nouveau pour toi, petit juge !
"En prison ! C'est un fasciste. Il méprise le peuple !"
Tu n'es pas le peuple petit juge ; c'est toi qui méprises le peuple, car tu ne songes même pas à défendre les droits du peuple; ce qui seul t'intéresse, c'est ta carrière. Cela, beaucoup de grands hommes l'ont dit ; mais évidemment tu ne les as jamais lus. Je respecte le peuple, car je prends d'énormes risques en lui disant la vérité. Je pourrais jouer au bridge avec toi ou raconter des plaisanteries "populaires". Mais je ne m'assieds pas avec toi à la même table. Car tu es un mauvais défenseur de la "Déclaration des Droits du Citoyen".

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