samedi 17 mars 2018

Bourse du travail 2 Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Origine des Bourses du Travail. Politiquement, dit Pelloutier, les Bourses du Travail datent d’un siècle. C’est-à-dire du jour (2 mars 1790), où un rapport (devenu introuvable), de M. de Corcelles, en agita le projet devant la Constituante, au moment même où Le Chapelier proscrivait les corporations mais mettait, en fait, les syndicats, qu’il sentait venir déjà, hors la loi.
Ce projet fut enterré par le département des Travaux publics.
Il ne revoit le jour qu’en 1845, c’est-à-dire 55 ans après. M. de Molinari, rédacteur en chef du Journal des Économistes, conçut l’idée d’une Bourse ouvrière. Il la définit dans son célèbre ouvrage les Bourses du Travail (1 vol. in-18). Pour la réaliser, il se mit en rapport avec les associations populaires et les entrepreneurs publics parisiens.Il ne fut compris ni par les uns ni par les autres. Après 7 années d’efforts et un essai de publication d’un Bulletin de la Bourse du Travail, il dut abandonner ses efforts.
Pourtant, dans cette époque la question de la Bourse des Travailleurs fut agitée tant à l’Assemblée législative qu’au Conseil Municipal où M. Ducoux, alors Préfet de Police, soumit, en 1848, un projet très complet. Le 3 février 1857, le même M. Ducoux, devenu Représentant du Peuple, disait à l’Assemblée, par allusion à la Bourse des valeurs : « Que nos agioteurs se promènent dans un palais somptueux, peu m’importe, mais accordez-moi un modeste asile, un lieu de réunion pour les travailleurs. »
Langage subversif dans une telle bouche, et que ne tiendraient point ses successeurs d’aujourd’hui.
Il n’obtint pas satisfaction, bien qu’il eût à nouveau reposé la question le 12 août suivant.
Vingt-quatre années s’écoulèrent avant qu’il fût question de la Bourse du Travail au Conseil Municipal. C’est le 24 février 1875 qu’il fut de nouveau présenté un projet de construire deux salles : l’une rue de Flandre, l’autre avenue Laumière, « afin de pouvoir abriter les groupes d’ouvriers, qui se réunissent chaque matin pour l’embauche », disait ce projet.
Cet essai n’eut pas plus de succès que les précédents. Ce n’est qu’en 1886, le 5 novembre, que M. Mesureur déposa son rapport au Conseil Municipal de Paris, concluant à la création d’une Bourse du Travail à Paris. On trouvera rapport et statuts pages 126 et 127 de l’Histoire des Bourses du Travail.
Cette fois la cause fut gagnée et le 3 février 1887, le Conseil Municipal remettait solennellement aux Syndicats, l’immeuble de la rue Jean-Jacques Rousseau, auquel il ajoutait, en 1892, celui de la rue du Château-d’Eau.
Désormais l’immeuble existait. Il s’agissait d’en faire une oeuvre syndicale, de la développer, de l’étendre au reste du pays. Ce fut le rôle du Congrès de Saint Etienne en 1892 et dès 1894, les Bourses du Travail repoussaient, sous quelque forme que ce soit, l’ingérence, dans leur administration, des autorités gouvernementales et communales. En juin 1895, la Fédération des Bourses comptait déjà 34 Bourses avec 606 Syndicats ; en 1896, 46 Bourses et 862 Syndicats ; en 1900, 57 Bourses et 1.065 Syndicats.
Cette progression continue, l’affirmation d’indépendance formulée dès 1894, montrent mieux qu’on ne pourrait le faire aujourd’hui, la grande vitalité et le caractère de classe de ce mouvement économique de la classe ouvrière exerçant son action hors de toute tutelle politique. En 1901, le 30 juin, il y avait 74 Bourses et près de 1.200 Syndicats. C’était la forte ossature de la C. G. T. à la veille du Congrès de Montpellier (1902).

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