jeudi 29 mars 2018

Syndicalisme et Socialisme Partie II




Article de Arturo labriola

«Et le parti socialiste devint un parti démocratique comme les autres, uniquement préoccupé de luttes parlementaires et de cuisine électorale, et ne menant la lutte économique que dans la mesure où elle pouvait servir à fortifier sa situation électorale. La coopération elle-même, si prosaïque et si froidement économique qu'elle apparaisse, fut considérée comme une simple roue du char électoral du parti. Le socialisme devint une démocratie sociale, c'est-à-dire un phénomène qui n'a pas laissé que d'exciter bien souvent la douce hilarité de ce prosaïque économiste qui s'appelait Karl Marx ».


« Et c'est ainsi qu'il est arrivé à la littérature socialiste de devenir une chose aussi peu intéressante. Le socialisme, comme mouvement, est devenu, par suite de ces faits, une simple machinerie parlementaire au service de quelques politiciens ».

« A quoi aboutirent les apostasies, les compromissions et les transactions ministérialistes du socialisme ? Jamais la société socialiste ne parut aussi éloignée de sa réalisation que lorsque les socialistes s'approchèrent du pouvoir. Si la conquête du pouvoir, c'est le fait pour quelques socialistes de mettre les pieds là où il n'y avait à rencontrer auparavant que des bourgeois, il faut dire sans ambages que la conquête du pouvoir est une réjouissante turlupinade » .

« Le parti, étant un organe exclusivement politique, devait nécessairement incliner au compromis, aux transactions. Nous comprimes que le socialisme ne peut conserver son esprit de classe qu'à la condition de se renfermer dans des organisations de classe. Nous ne vîmes plus qu'un organe accessoire et subordonné de la lutte de classe, utile pour certaines besognes déterminées, mais incapable d'incarner les aspirations révolutionnaires du prolétariat. Les intérêts du parti ne coïncidant pas avec ceux de la classe, nous comprîmes comment le parti pouvait devenir, à un certain moment, un obstacle au développement de la classe elle-même ».

« Je conclurai rapidement. Nous, syndicalistes, nous nous proclamons volontiers les héritiers du socialisme officiel, non; bien entendu, dans ce sens que nous voulions nous substituer au parti socialiste ou lui enlever sa clientèle électorale (nous savons bien que plus il deviendra un parti démocratique, plus grands seront ses succès politiques), mais dans ce sens que nous en avons conservé l'esprit, la tendance originale et les traditions. Nous n'avons ni dogmes ni idéaux tout prêts à réaliser. L'unique réalité que nous reconnaissions est l'existence de la lutte de classe. Le seul but que nous nous proposions est d'approfondir cette réalité autant que nous pourrons. Les méthodes tactiques dont nous nous servons dans les différents pays sont précisément inspirées par la nécessité d'approfondir la lutte de classe. Du choix et de l'application de ces méthodes, c'est l'expérience locale et l'habileté des conducteurs du prolétariat qui doivent seuls en décider.
Le développement de la lutte de classe porte en germe la constitution autonome de la classe ouvrière, comme classe distincte de toutes les autres. Or, constitution autonome de la classe ouvrière veut dire pour nous une classe ouvrière qui se suffise à elle même, c'est-à-dire une classe ouvrière qui n'ait pas besoin de chercher hors d'elle la règle de la production et de l'échange et le principe de la conduite sociale. Notre idéal de l'atelier autonome dérive du fait même de la lutte de classe, qui sépare l'ouvrier du reste de la société et fait de lui le mettre de son propre destin. Ce n'est donc pas une « cité future » que nous édifions, mais nous nous contentons de prévoir le résultat final d'un mouvement qui s'actualise dès aujourd'hui. Naturellement,peu nous importe de savoir comment cet idéal se réalisera.
Dans le syndicalisme, il n'y a pas place pour les querelles byzantines au sujet de la concentration de la propriété, de l'accroissement de la misère, de la fin des crises catastrophiques ou non. Nous nous bornons à dire que là où il y a fabrique capitaliste, il y a possibilité de syndicalisme et possibilité d'ateliers sans maîtres. Mais nous ajoutons que cet idéal ne pourra être atteint que lorsque la classe ouvrière sera assez forte moralement et intellectuellement pour assumer les fonctions accomplies jusqu'ici par la classe bourgeoise, et assez puissante matériellement pour renverser cette organisation de la force qui protège la fabrique capitaliste et qui s'appelle l'Etat ».

« Le Parti socialiste, dans la mesure où il participe à la vie des institutions présentes, devient pour ces institutions, un élément de conservation. Il ne peut entrer dans les ministères ou faire partie des majorités parlementaires sans défendre l’État. Du reste, l'expérience montre qu'il n'y a pas de pires réactionnaires que les socialistes, dès que ceux-ci arrivent au pouvoir ».

« Mais il est indiscutable aussi que plus l'action démocratique du parti socialiste ira se développant, et plus elle entrera en contradiction avec les exigences révolutionnaires du mouvement ouvrier, c'est-à-dire avec ses propres principes théoriques. Notre œuvre, à nous, c'est, en transfusant ces « principes » au sein des syndicats ouvriers, transformés en organes de l'intégrale lutte de classe, de les faire passer dans la pratique quotidienne et de les sauver de l'inévitable putréfaction à laquelle les condamne le socialisme officiel ».



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