Article
de Arturo labriola
«Et
le parti socialiste devint un parti démocratique comme les autres,
uniquement préoccupé de luttes parlementaires et de cuisine
électorale, et ne menant la lutte économique que dans la mesure où
elle pouvait servir à fortifier sa situation électorale. La
coopération elle-même, si prosaïque et si froidement économique
qu'elle apparaisse, fut considérée comme une simple roue du char
électoral du parti. Le socialisme devint une démocratie sociale,
c'est-à-dire un phénomène qui n'a pas laissé que d'exciter bien
souvent la douce hilarité de ce prosaïque économiste qui
s'appelait Karl Marx ».
« Et
c'est ainsi qu'il est arrivé à la littérature socialiste de
devenir une chose aussi peu intéressante. Le socialisme, comme
mouvement, est devenu, par suite de ces faits, une simple machinerie
parlementaire au service de quelques politiciens ».
« A
quoi aboutirent les apostasies, les compromissions et les
transactions ministérialistes du socialisme ? Jamais la société
socialiste ne parut aussi éloignée de sa réalisation que lorsque
les socialistes s'approchèrent du pouvoir. Si la conquête du
pouvoir, c'est le fait pour quelques socialistes de mettre les pieds
là où il n'y avait à rencontrer auparavant que des bourgeois, il
faut dire sans ambages que la conquête du pouvoir est une
réjouissante turlupinade » .
« Le
parti, étant un organe exclusivement politique, devait
nécessairement incliner au compromis, aux transactions. Nous
comprimes que le socialisme ne peut conserver son esprit de classe
qu'à la condition de se renfermer dans des organisations de classe.
Nous ne vîmes plus qu'un organe accessoire et subordonné de la
lutte de classe, utile pour certaines besognes déterminées, mais
incapable d'incarner les aspirations révolutionnaires du
prolétariat. Les intérêts du parti ne coïncidant pas avec ceux de
la classe, nous comprîmes comment le parti pouvait devenir, à un
certain moment, un obstacle au développement de la classe
elle-même ».
« Je
conclurai rapidement. Nous, syndicalistes, nous nous proclamons
volontiers les héritiers du socialisme officiel, non; bien entendu,
dans ce sens que nous voulions nous substituer au parti socialiste ou
lui enlever sa clientèle électorale (nous savons bien que plus il
deviendra un parti démocratique, plus grands seront ses succès
politiques), mais dans ce sens que nous en avons conservé l'esprit,
la tendance originale et les traditions. Nous n'avons ni dogmes ni
idéaux tout prêts à réaliser. L'unique réalité que nous
reconnaissions est l'existence de la lutte de classe. Le seul but que
nous nous proposions est d'approfondir cette réalité autant que
nous pourrons. Les méthodes tactiques dont nous nous servons dans
les différents pays sont précisément inspirées par la nécessité
d'approfondir la lutte de classe. Du choix et de l'application de ces
méthodes, c'est l'expérience locale et l'habileté des conducteurs
du prolétariat qui doivent seuls en décider.
Le
développement de la lutte de classe porte en germe la constitution
autonome de la classe ouvrière, comme classe distincte de toutes les
autres. Or, constitution autonome de la classe ouvrière veut dire
pour nous une classe ouvrière qui se suffise à elle même,
c'est-à-dire une classe ouvrière qui n'ait pas besoin de chercher
hors d'elle la règle de la production et de l'échange et le
principe de la conduite sociale. Notre idéal de l'atelier autonome
dérive du fait même de la lutte de classe, qui sépare l'ouvrier du
reste de la société et fait de lui le mettre de son propre destin.
Ce n'est donc pas une « cité future » que nous édifions, mais
nous nous contentons de prévoir le résultat final d'un mouvement
qui s'actualise dès aujourd'hui. Naturellement,peu nous importe de
savoir comment cet idéal se réalisera.
Dans
le syndicalisme, il n'y a pas place pour les querelles byzantines au
sujet de la concentration de la propriété, de l'accroissement de la
misère, de la fin des crises catastrophiques ou non. Nous nous
bornons à dire que là où il y a fabrique capitaliste, il y a
possibilité de syndicalisme et possibilité d'ateliers sans maîtres.
Mais nous ajoutons que cet idéal ne pourra être atteint que lorsque
la classe ouvrière sera assez forte moralement et intellectuellement
pour assumer les fonctions accomplies jusqu'ici par la classe
bourgeoise, et assez puissante matériellement pour renverser cette
organisation de la force qui protège la fabrique capitaliste et qui
s'appelle l'Etat ».
« Le
Parti socialiste, dans la mesure où il participe à la vie des
institutions présentes, devient pour ces institutions, un élément
de conservation. Il ne peut entrer dans les ministères ou faire
partie des majorités parlementaires sans défendre l’État. Du
reste, l'expérience montre qu'il n'y a pas de pires réactionnaires
que les socialistes, dès que ceux-ci arrivent au pouvoir ».
« Mais
il est indiscutable aussi que plus l'action démocratique du parti
socialiste ira se développant, et plus elle entrera en contradiction
avec les exigences révolutionnaires du mouvement ouvrier,
c'est-à-dire avec ses propres principes théoriques. Notre œuvre, à
nous, c'est, en transfusant ces « principes » au sein des syndicats
ouvriers, transformés en organes de l'intégrale lutte de classe, de
les faire passer dans la pratique quotidienne et de les sauver de
l'inévitable putréfaction à laquelle les condamne le socialisme
officiel ».
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