vendredi 30 mars 2018

Syndicalisme et Socialisme Partie IV



Le Syndicalisme et le Socialisme en France

Par HUBERT LAGARDELLE

III

J'avoue d'ailleurs que, même si les rêves d'avenir du socialisme syndicaliste ne se réalisent jamais et nul de nous n'a le secret de l'histoire il me suffirait, pour lui donner toute mon adhésion, de constater qu'il est, au moment où je parle, l'agent essentiel de la civilisation dans le monde. C'est lui qui porte le progrès économique, en jetant le capitalisme dans les voies du plus haut perfectionnement possible.
Plus les exigences de la classe ouvrière sont pressantes, plus ses injonctions deviennent hardies, et plus le développement technique s'accélère et s'intensifie. Les conquêtes du prolétariat ne supportent pas une industrie routinière, attardée aux vieilles méthodes,sans initiative ni audace. Mais elles sont l'aiguillon qui stimule, qui empêche l'arrêt, qui pousse toujours en avant.
Heureux le capitalisme qui trouve devant lui un prolétariat combatif et exigeant Il ne connaîtra jamais le sommeil, la stagnation ni le marasme. Car de lui on peut dire qu'il entendra toujours, comme dans la prosopopée classique, une voix qui lui crie Marche Marche !
Or s'il est vrai que le progrès matériel du monde soit lié à la plus intensive production, le rôle du prolétariat révolutionnaire prend encore une plus haute signification. Il est dès lors prouvé que ce n'est point seulement ses propres intérêts que lèse une classe ouvrière craintive, n'attendant rien que du bon vouloir de ses maîtres ou de l'intervention tutélaire de l'État, mais aussi les intérêts généraux de la société. Non, ce n'est pas l'atmosphère débilitante de la paix sociale, mais l'air salubre de la lutte des classes, qui peut surexciter l'ardeur des maîtres de la production. Et il n'est pas un socialiste qui puisse y contredire, si vraiment, comme le veut le socialisme, le capitalisme ne peut être emporté que par un débordement des forces productives.
Mais le mouvement syndicaliste est plus encore un agent de progrès moral que de progrès économique. Dans un monde où le goût de la liberté est perdu, dans un temps qui n'a plus le sentiment de la dignité, il fait appel aux forces vives de la personne humaine et donné un exemple permanent de courage et d'énergie. C'est en ce sens qu'il fait l'éducation de la société. Il est comme un foyer ardent dont la chaleur rayonne dans l'ensemble du corps social. Quel prodige que celui d'avoir restauré le principe de l'initiative collective, du groupement social, par opposition aux déprimantes pratiques de l'intervention étatique ! Songez que même les hommes les plus façonnés pour l'autorité, pour la servitude, les fonctionnaires, tous ceux qui dépendent de l'administration et de la politique, ont esquissé le geste de la révolte et affirmé la souveraineté du travail libre ! Vraiment, au souffle de l'action prolétarienne, il y a quelque chose de changé, et là où l'on ne trouvait hier que des êtres asservis commencent à se lever des hommes.
Tout le socialisme est là. Qu'importent les vaines prophéties, si les idées socialistes agissent et vivent sous nos yeux, si par elles un peu plus de révolte germe au cœur des masses, si la liberté se réveille, si la personnalité humaine s'affranchit !

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