Le dilemme des "Révisionnistes" Polonais:
Renaissance de la gauche dans le monde communiste post-Stalinien
par Constantin Jelensky ( 1922 - 1987 ) écrivain, traducteur, essayiste polonais émigré en France.
"Rejetés par le parti, calomniés et accusés de trahison, les intellectuels communistes occidentaux ont généralement suivi à partir de leur rupture, une évolution qui les éloignait de plus en plus du communisme. Révoltés par Staline, ils découvraient que c'est le léninisme qui a permis l'établissement de la tyrannie, et finissaient par rejeter le marxisme parce qu'il s'était incarné ainsi dans l'histoire."
"Tout en considérant que le matérialisme historique, le marxisme est le courant le plus fécond dans les sciences sociales, nous considérons comme un non-sens l'attitude sectaire selon laquelle on devait faire fi de toutes les découvertes - souvent capitales- d'autres écoles de pensée...Nous considérons que le marxisme doit être soumis aux mêmes méthodes de contrôle et de vérifications scientifiques <que n'importe quelle autre discipline de pensée. Il faut sans cesse le confronter avec les faits, procéder à des révisions, à des développements."
"Même le terme de socialisme a été tellement défiguré par le stalinisme que nous en étions venus à croire que tout ce que ce terme impliquait était un système violent et extrêmement coûteux d'industrialisation de pays économiquement sous-développés."
"Et voilà qu'à la suite de la révolution, les moyens de production se trouvèrent entre les mains de l'état populaire. Mais voilà, c'était entre les mains de l'état, et pas entre les mains du peuple. Les capitalistes ont été expropriés mais cela n'a nullement amené les conditions socialistes de production."
L'auteur cite Marcel Péju dans les Temps Modernes "
"Pour construire le socialisme, le socialisme dont nous rêvions, il eût fallu s'opposer à tout le monde, au conservatisme traditionnel, et au nouveau conservatisme, c'est-à-dire, à la bureaucratie du parti. On a préféré se concilier la réaction de droite et la réaction stalinienne, mais on a sacrifié le socialisme".
"Le droit à l'avortement, la propagande du "birth control" qui s'impose dans un pays pauvre et surpeuplé comme la Pologne, était combattu hier, au nom d'un anti-malthusianisme marxiste et l'est aujourd'hui par toutes les forces du catholicisme. Hier, c'était la censure qui interdisait toute expression de l’érotisme, tout réalisme sexuel, dans l'art et la littérature - aujourd'hui ce sont les lecteurs qui protestent au nom de leur dignité de mères et pères de familles polonaises".
L'auteur cite Kolakowski:
"'Dire que l'attitude de la gauche doit être définie par rapport aux intérêts de la classe ouvrière n'est pas une affirmation d'application facile. D'une part, l'un des traits de la gauche est de souhaiter que l'on ne réalise pas les intérêts des hommes contre leur volonté et qu'on ne les contraigne pas par la violence à accepter les bienfaits qu'ils ne désirent pas. D'autre part, il peut se faire que, dans un pays, la classe ouvrière soit fortement influencé par le nationalisme - or la gauche ne saurait soutenir des revendications nationalistes; que dans un autre pays, la classe ouvrière reste profondément sous l'emprise de l'église - or la gauche est un mouvement laïc. Bien plus, les véritables intérêts immédiats de la classe ouvrière peuvent être en conflit avec les exigences de la gauche: la classe ouvrière anglaise a longtemps profité de l'exploitation coloniale - or la gauche est ennemie du colonialisme".
"Ici et là, la gauche aspire à fonder ses perspectives sur les expériences de l'histoire et les tendances de son développement, alors que la droite est l'expression de la capitulation devant la situation du moment: c'est pourquoi la gauche peut avoir une idéologie politique alors que la droite n'a qu'une tactique".
"Il me semble pourtant que la source n'en réside pas dans le seul fait de l'accession de la gauche au pouvoir; autrement dit, il ne semble pas que la gauche ne puisse exister que dans l'opposition et que la détention du pouvoir soit contraire à sa nature et la conduise inéluctablement à sa dégénérescence."
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