Lundi
21 février 2003, la commission exécutive du Syndicat CFDT
Santé Sociaux 68 décide, à l’unanimité des présents, de
retirer à Annette Walter le mandat de déléguée syndicale qu’elle
exerçait depuis 1983 auprès du même employeur, l’Association
d’Aide aux Personnes âgées du Haut-Rhin. Derrière le plus
sordide des prétextes - retard dans le paiement de sa cotisation(1)
– l’Exécutif du syndicat sanctionne le travail militant d’une
syndicaliste marquée par son indépendance d’action. C’est la
défense des intérêts individuels et collectifs concrets de ses
collègues qui la préoccupe, non l’obéissance docile à
d’obscures considérations institutionnelles ou à une quelconque
ligne confédérale. C’est d’ailleurs bien ce qui motive son
exclusion et qui lui est explicitement reproché par la secrétaire
générale, dans des termes et selon des méthodes caractéristiques
des organisations staliniennes :
“A
la CFDT, nous pratiquons le débat en interne mais non la démolition
en externe (…)Une déléguée syndicale CFDT se doit de défendre
et diffuser les positions de l’organisation(…)Le Syndicat te
retire le mandat de déléguée syndicale à dater de ce jour et
nommera un nouveau délégué syndical lorsque fonctionnera une
section syndicale digne de ce nom. Nous ne te permettons plus de
t’exprimer au nom de la CFDT.”
Une
anecdote personnel. Lorsque j'étais à la CGT, j'étais aussi
adhérent de la CNT, et lorsque je faisais des tracts je mettais les
deux étiquettes et je me servais du panneau syndical CGT pour
afficher la CGT mais aussi la CNT. Lorsque l'on connaît les
accointances entre la CGT et le parti communiste ; et les
guerres entre les anarchistes et ces mêmes communistes, il était
hors de question pour la CGT de permettre l'affichage des tracts de
la CNT à ses côtés. La direction de la CGT PTT a alors écrit au
directeur de mon bureau pour lui dire que la CGT ne soutenait pas ce
que faisait son « militant » sur le site. En bref, si le
directeur avait envie de sanctionner le militant, il n'aurait rien eu
à craindre de l'organisation. C'est d'ailleurs ce qui se passa, et
les seuls qui sont venus à mon secours, ce sont les militants de
SUD. Et comme je ne suis pas un ingrat...
Une
CFDT plus patronale que les patrons :
“Le
débat en interne”! Quel débat en interne? Annette s’est vue
retirer son mandat et a été exclue de fait de la CFDT sans autre
forme de procès. Par simple courrier de notification. Sans avoir été
prévenue de ce qui se tramait, sans avoir pu défendre son point de
vue. Bel exemple de démocratie interne pour une confédération qui
se prétend démocratique du travail!!! Un patron qui licencie est
obligé de prendre beaucoup plus d'égards...
“Une
déléguée syndicale se doit de diffuser les positions de
l’organisation”! Quelles positions ? Celles diverses et
(parfois) contradictoires qui s’expriment à la base, ou celles
monolithiques et dogmatiques définies au sommet ? Et, là, comme aux
belles années du stalinisme, qu’ils soient d’accord ou non –
et surtout s’ils ne sont pas d’accord – les cadres de
l’organisation doivent défendre vis à vis de l’extérieur la
ligne qui a été définie par le Chérèqueburo. Car à la CFDT il
ne doit y avoir qu’une seule voix, une seule ligne, une seule tête
qui pense, celle de la direction. Cela va de pair avec le dénigrement
et le mépris pour la base : “Une section syndicale digne de ce
nom”! Digne de ce nom? Mais, en 20 ans, depuis 1983 date à
laquelle d’autres militants d’une autre CFDT étaient venus la
chercher, Annette a effectué un travail de terrain incomparable,
reconnue par ses collègues. Un travail de base qui n’est pas près
d’être repris par d’autres militantes. Mais la CFDT préfère
désormais la paix de cimetières syndicaux bien remplis plutôt
qu'une activité contestatrice. C’est bien dans l’esprit d'une
organisation bien en accord avec le système capitaliste qu’elle
défend: celle de faire du chiffre. Des adhérents oui, mais passifs,
dociles, fantoches, des adhérents dont certains sont ouvertement de
droite et d’autres un peu moins ouvertement… d’extrême-droite.
Tous unis dans une même soumission à la direction. Des adhérents
donc, mais surtout pas des militants !
Censure
et exclusion
Qu’est-ce
qui, en réalité, a déclenché la sanction ? Avec une poignée
d’autres camarades, Annette a diffusé à Mulhouse, lors de la
manifestation sur les retraites le 1er février dernier, un document
édité par ACC qui reprenait, entre autres, en les citant comme
tels, les éléments d’un tract de l’UD CFDT de Savoie qui
avançait des revendications correctes sur les retraites en posant
clairement le problème de la répartition des richesses dans notre
société (Une retraite à taux plein après 37,5 ans de
cotisation
maximum pour tous, retour sur le calcul des 10 meilleures années
dans le privé, indexation des pensions sur les salaires, relèvement
des basses pensions, augmentation des salaires, nécessité du plein
emploi, prise en compte de la pénibilité des travaux, intégration
de certaines périodes aujourd'hui exclues du décompte de la durée,
etc.). Bref, un tract si clair et si bien construit qu’il a choqué
quelques apparatchiks CFDT. Si Annette a été sanctionnée, les
auteurs du tract initial (des responsables de l’UD CFDT Savoie) ont
été mis en demeure par l'appareil de ne pas le diffuser le 1er
février. Il est vrai que les positions qui y étaient défendues
n’étaient pas celles de la centrale confédérale, qui concède
tout, par avance, au patronat et au gouvernement: allongement de la
durée de cotisation, augmentation des cotisations, baisse du niveau
des pensions. On le sait depuis malheureusement bien trop longtemps:
la CFDT, c’est l’autre nom du MEDEF, c’est le faux nez des
patrons, c’est la voix de son baron !
Refuser
de se soumettre
La
sanction qui frappe Annette est un nouvel exemple des pratiques
d’épuration internes de la CFDT contre ses membres les plus
actifs; ces maudits “moutons noirs” et ces maudites brebis
enragées qui ont fait la CFDT des années 70 et 80 et qui lui ont
donné son visage combatif, qui ont animé son esprit subversif, qui
y ont fait l’expérience de pratiques autogestionnaires. L’appareil
a très rapidement engagé une répression interne, en imposant
simultanément ses compromissions gestionnaires. Mais l’esprit
autogestionnaire ne disparaît pas facilement et c’est contre une
telle dérive que résistait Annette au sein de sa section – comme
quelques autres encore à la CFDT. C’est pour cela qu’elle a été
exclue. Pourquoi maintenant ? Car à l’heure où s’organise la
mobilisation des salariés pour défendre leurs conquêtes sociales
et exiger un renversement du rapport entre le Capital et le Travail,
la direction de la Confédération doit contrôler ses troupes avant
de les emmener, comme le patronat l’attend d’elle, à l’abattoir.
Ainsi qu’ACC l’avait écrit à propos du PARE en 2000, «il
faut toujours une main dévouée pour signer, jusque dans leurs
clauses les plus infâmes, les diktats et traités de capitulation.
C’est cette main que se propose systématiquement d’offrir au
patronat la CFDT»
Il
est toujours possible aux syndicalistes exclus de rejoindre l’une
ou l’autre organisation syndicale provisoirement plus combative
(CGT, FO…) ou, sur le terrain, créer la section d’une
organisation nouvelle (SUD par exemple, même si dans un premier
temps cela peut poser quelques problèmes concrets de reconnaissance
de représentativité). Mais cela ne doit pas conduire à éviter
d’affronter les problèmes qui se posent à une action syndicale
revendicative : le parasitage nuisible des appareils qui se
félicitent de cogérer avec les directions patronales et
administratives la domination capitaliste; et les difficultés à
défendre durablement, dans un climat social
marqué
par l’opportunisme de quelques uns et le fatalisme de beaucoup
d’autres, des positions revendicatives fortes !
A
la CFDT ou ailleurs, Annette continuera à lutter pour la défense de
ses camarades et refusera de se soumettre à quelque direction que ce
soit : patronale, politique ou syndicale.
1
Annette n'avait pas été informée par son syndicat de ce retard. Et
quand elle a proposé de payer, son chèque a été refusé, bien
sûr...
A
contre courant mars 2003
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