vendredi 2 mars 2018

Wilhelm Reich 7 Partie



Ainsi, tu ne refuses pas seulement ton concours, mais tu troubles par pure malice un travail qui est accompli dans ton intérêt et à ta place. Est-ce que tu saisis pourquoi le bonheur t'échappe ? Pour posséder le bonheur, il faut travailler, il faut le mériter. Toi, tu ne songes qu'à dévorer ton bonheur ; c'est pourquoi il t'échappe ; il ne tient pas à être dévoré par toi. Peu à peu, le chercheur réussit à convaincre d'autres personnes de la valeur pratique de sa découverte : on finit par croire qu'elle remédie à certaines maladies mentales ; qu'elle guérit des ulcères ; qu'elle permet de hisser des objets lourds, de faire sauter des rochers, de pénétrer, par des rayons, la matière impénétrable. Tu ne crois ces choses que quand tu les lis dans les journaux, car tu te méfies de tes propres sens. Tu respectes ceux qui te méprisent, tu te méprises toi-même ; c'est pourquoi tu ne fais pas confiance à tes propres organes de perception. Mais quand une découverte figure dans les journaux, tu arrives au grand galop. Tu qualifies l'inventeur de "génie" après l'avoir traité hier d'imposteur, de cochon sexuel, de charlatan, de danger pour la morale publique. Maintenant, tu le sacres "génie". Tu ne sais pas définir le "génie". Je sais, moi, que tu ne sais pas ce que c'est que le "Juif" ; pas plus que la "vérité" ou le "bonheur". Je vais te dire, petit homme, ce que Jack London t'a dit dans son Martin Eden. Je sais que tu as lu ce passage des centaines de fois, sans jamais en saisir le sens profond : le "génie" est la marque de fabrique que tu apposes sur tes produits quand tu les mets en vente. Si l'inventeur (qui, pas plus tard qu'hier, était encore un "sale cochon" ou un "fou") est qualifié de "génie", tu peux plus facilement dévorer le bonheur qu'il a fait naître. Car on voit arriver beaucoup de petits hommes de ton espèce crier en choeur avec toi : "Génie, génie !". Ils affluent de tous les côtés pour manger tes produits dans ta main. Si tu es
médecin, tu auras beaucoup plus de patients ; tu peux les aider mieux que naguère et gagner beaucoup plus d'argent. "Eh bien, diras-tu petit homme, il n'y a pas de mal à cela !". Certes, il n'y a pas de mal à gagner honnêtement sa vie en faisant de la bonne ouvrage. Mais il n'est pas normal de ne pas respecter la découverte, de ne pas en prendre soin, de ne faire que l'exploiter. Et c'est là précisément ce que tu fais ! Tu ne fais rien pour promouvoir la découverte. Tu t'en empares d'un geste mécanique, goulu, stupide. Tu n'en aperçois ni les limites ni les possibilités. Ta plate-forme ne te permet pas d'en embrasser les possibilités ; quant à ses limites, tu ne les perçois pas et tu les surestimes. Si tu es médecin ou bactériologiste, tu sais que la fièvre typhoïde et le choléra sont des maladies microbiennes, sans doute, tu chercheras les micro-organismes susceptibles de provoquer le cancer, et tu perdras ainsi des décennies en recherches vaines. Un jour, un grand homme t'a montré que les machines obéissent à certaines lois ; tu construis alors des machines pour tuer et tu t'imagines que la vie est également une machine. Cette erreur, tu l'as traînée non à travers trois décennies, mais à travers trois siècles ; des concepts erronés se sont inévitablement enracinés dans des milliers d'hommes de sciences ; pis, la vie elle-même a été atteinte ; dès lors - à cause de ta dignité, de ta chaire de professeur, de ta religion, de ton compte en banque ou de ta cuirasse caractérielle - tu as persécuté, calomnié, ou intenté un procès ou d'une manière ou d'une autre traumatisé ceux-là mêmes qui s'étaient lancés sur les traces de la fonction vitale. Il est vrai que tu tiens à avoir des "génies" et à les honorer. Mais tes génies doivent être de bons génies, des génies pondérés et officiels, sans idées démesurées - bref des génies convenables, braves, conciliants - et non des génies fougueux et indomptables qui renversent toutes les barrières, tous les obstacles. Tu rêves de génies bornés, aux ailes rognées, à l'allure civilisée, que tu puisses promener sans rougir en triomphe par les rues de ta ville.
Voilà comment tu es, petit homme ! Tu es capable de ramasser, de dévorer et de puiser, mais tu es incapable de créer. C'est pourquoi tu es ce que tu es, c'est pourquoi tu passes ta vie dans un bureau devant une machine à calculer ou devant une planche à dessin, à t'ennuyer à mort, ou affublé d'une camisole de force conjugale, ou à instruire des enfants que tu détestes. Tu es incapable d'évoluer, de concevoir une pensée nouvelle, car tu n'as jamais rien donné, mais fait que prendre ce que d'autres t'ont présenté sur un plateau d'argent. Tu ne sais pas pourquoi il en est ainsi, pourquoi il ne saurait en être autrement ? Je suis à même de t'en dire la raison, parce que je t'ai vu venir à moi, animal rigide, quand tu m'as confié ton vide intérieur, ton impuissance, tes troubles mentaux. Tu ne sais que ramasser et prendre, tu ne sais ni céder, ni donner, car l'attitude fondamentale de ton corps est celle de la retenue, du refus et du dépit ; tu es saisi de panique quand tu sens le mouvement originel de l'AMOUR ou du DON de toi. C'est pourquoi tu as peur de donner. Ton geste d'accaparer n'a qu'une seule signification fondamentale : tu es forcé de te gorger de nourriture, d'argent, de bonheur, de connaissances, car tu te sens vide, affamé, malheureux, sans connaissances authentiques et sans le vrai désir de savoir. C'est pourquoi tu prends la fuite devant la vérité, petit homme. Car tu as peur qu'elle ne déclenche en toi un réflexe d'amour. Elle te montrerait inévitablement ce que je suis en train de te démontrer. C'est cela que tu veux éviter, petit homme. Tu ne désires être qu'un consommateur et un patriote. "Ecoutez-moi ça ! Le voilà qui attaque le patriotisme, rempart de l'Etat et de sa cellule de base, la famille ! Il faut faire quelque chose pour y mettre un terme" Voilà ce que tu hurles quand quelqu'un te fait la démonstration de ta constipation psychique. Tu ne veux pas écouter, tu ne veux pas savoir. Tu veux crier "hourra" ! Fort bien, mais pourquoi ne me permets-tu pas de t'expliquer calmement pourquoi tu es incapable d'être heureux ? Je vois la peur qui vacille dans tes yeux. Cette question semble te préoccuper. Tu te dis partisan de la "tolérance religieuse". Tu réclames pour toi la liberté d'adhérer à ta religion, parfait. Mais tu vas plus loin : tu voudrais que ta religion soit la seule admise. Tu es tolérant pour ta propre religion, tu n'es pas tolérant pour les autres. Tu deviens fou furieux quand quelqu'un, au lieu d'adorer un Dieu personnel, adore la nature et s'efforce de la comprendre. Tu veux qu'un conjoint poursuive l'autre en justice, l'accuse d'immoralité et de brutalité, s'il ne veut plus vivre avec lui. Tu ne reconnais pas le divorce par consentement mutuel, petit descendant de grands révolutionnaires ! Car ta propre obscénité t'effraie. Tu voudrais qu'on te présente la vérité dans un miroir où tu ne puisses t'en saisir. Ton chauvinisme est une conséquence de la rigidité de ton corps, de la constipation psychique, petit homme. Je ne dis pas cela pour te tourner en dérision, mais parce que je suis ton ami. Même si tu tues tes amis quand ils te disent la vérité. Regarde un peu tes patriotes ! Ils n'avancent pas, ils marchent au pas. Ils ne détestent pas l'ennemi ; mais ils ont des "ennemis héréditaires" qu'ils remplacent tous les dix ou douze ans par d'autres; ils en font leurs "amis héréditaires" et puis, après un certain temps, de nouveau leurs "ennemis héréditaires". Ils ne chantent pas des chansons mais des hymnes de guerre. Ils n'étreignent pas leurs femmes, il les "baisent" tant de fois par nuit. Tu ne peux rien faire contre ma vérité, petit homme ! Tout ce que tu peux faire c'est de me tuer, comme tu as tué tes autres amis, Jésus, Rathenau, Karl Liebknecht, Lincoln et j'en passe. Tu peux me "descendre", comme on dit vulgairement. Mais à la fin, c'est toujours toi-même qui "descends". Et cela ne t'empêche pas d'être un "patriote".

Tu aspires à l'amour, tu aimes ton travail, tu en tires ta subsistance ; ton travail se fonde sur mon savoir et sur celui d'autres hommes. L'amour, le travail, la connaissance n'ont pas de patrie, pas de tarifs douaniers, pas d'uniformes. Ils sont internationaux, universels, et tout le monde les comprend. Mais tu préfères rester un petit patriote, car tu as peur d'aimer, d'assumer tes responsabilités, et tu as une peur bleue de connaître. C'est pourquoi tu ne fais qu'exploiter l'amour, le travail et les connaissances des autres : tu es incapable de tout effort créateur personnel. Tu voles le bonheur comme un cambrioleur, la nuit ; tu ne peux voir sans jalousie le bonheur des autres.

"Arrêtez le voleur ! C'est un étranger, un immigré. Moi, je suis Allemand, Américain, Danois, Norvégien !"
Halte-là, petit homme ! Tu es, tu demeureras éternellement un immigré et un émigré. Tu es venu en ce monde par accident, et tu le quitteras sans crier gare. Tu hurles parce que tu as peur. Tu sens ton corps qui se raidit, qui se dessèche. Voilà pourquoi tu as peur et appelles la police. Mais ta police n'a aucune prise sur ma vérité. Même ton policier vient à moi se plaindre de sa femme et de ses enfants malades. Quand il endosse son uniforme, c'est pour cacher l'homme qui est en lui ; mais de moi, il ne peut se cacher ; je l'ai vu nu, lui aussi.

"Est-ce qu'il s'est présenté à la Police ? Est-ce que ses papiers sont en règle ? Est-ce qu'il a payé ses impôts ? Faites une enquête. Il faut protéger l'Etat et l'honneur national !"
Oui, petit homme. J'ai fait ma déclaration à la police, mes papiers sont en règle, j'ai toujours payé mes impôts ! Ce qui te chagrine, ce n'est pas le souci de l'Etat ou de l'honneur de la nation. Tu trembles de peur que je ne puisse révéler ta vraie nature, telle que je l'ai vue dans mon cabinet médical. C'est pourquoi tu essaies de m'imputer à tort quelque crime politique pour me faire mettre en prison pour des années. Je te connais, petit homme. Si tu es par hasard un représentant du Ministère Public, c'est ton dernier souci de protéger la loi ou le citoyen ; ce que tu cherches c'est un "cas" te permettant de prendre de l'avancement. Voilà à quoi rêve un petit procureur de la République ! Avec Socrate, ils ont fait la même chose. Mais toi, tu ne sais pas profiter des leçons de l'histoire : tu as assassiné Socrate ; et c'est pourquoi tu n'es jamais sorti du bourbier. Oui, tu as assassiné Socrate et tu ne le sais même pas. Tu l'as accusé de saper la moralité publique. Il continue de la saper, petit homme. Tu as tué son corps, mais tu ne peux tuer son esprit. Tu continues d'assassiner pour maintenir l'"ordre", mais ta manière d'assassiner est lâche et perfide. Tu n'oses me regarder dans les yeux quand tu m'accuses en public d'immoralité. Car tu sais fort bien qui de nous deux est immoral, pervers, obscène. Quelqu'un a dit un jour que parmi ses nombreuses connaissances un seul homme n'a jamais fait une plaisanterie scabreuse, et cet homme c'était moi.
Tu as beau être un représentant du Ministère Public, un juge ou un chef de la police, petit homme, je connais tes petites gauloiseries et je sais d'où tu les tires. Aussi ferais-tu mieux de te taire ! Tu réussiras peut-être à prouver que je dois cent dollars à mon percepteur, que j'ai traversé la frontière d'un Etat des U.S.A. en compagnie d'une femme, que j'ai parlé gentiment à un enfant dans la rue. Dans ta bouche, chacune de ces accusations prend un accent particulier, l'accent de la bassesse la plus obscène et la plus équivoque. Et comme c'est tout ce que tu sais, tu t'imagines que je suis comme toi : or, je ne te ressemble pas et je ne t'ai jamais ressemblé en cette matière, petit homme !
Peu importe que tu le croies ou non ; toi, tu as un revolver, moi j'ai la science ! A chacun son rôle !
En réalité, tu ruines ta propre vie, petit homme :

En 1924, j'ai proposé l'étude scientifique du caractère humain. Ta première réaction a été l'enthousiasme.
En 1928, j'ai enregistré les premiers succès tangibles. Tu étais ravi et m'as gratifié du titre de "spiritus rector".
En 1933, j'ai publié les résultats de mes recherches dans ta maison d'édition. Hitler venait de prendre le pouvoir. J'avais apporté la preuve qu'Hitler a pu s'emparer du pouvoir à cause de ta cuirasse caractérielle. Alors tu as refusé de publier dans ta maison d'édition le livre qui montrait comment tu produisais un Hitler.
Le livre parut néanmoins et tu étais toujours enthousiaste. Mais tu as essayé de faire le silence autour de mon ouvrage, parce que ton "président" a déclaré qu'il le désapprouvait. C'est le même qui a recommandé aux mères de réprimer les excitations génitales des enfants en leur apprenant à retenir leur souffle.
Pendant douze ans, tu as fait le silence autour d'un livre qui naguère t'avait enthousiasmé. En 1946, il fut réédité. Tu l'as accueilli comme un "classique". Encore aujourd'hui, tu es ravi de ce livre.
Ainsi, vingt-deux années mouvementées se sont écoulées depuis que j'enseignais que le traitement individuel des maladies mentales est bien moins important que leur prévention. Pendant vingt-deux ans, je n'ai cessé de répéter que les gens tombent dans telle ou telle folie, qu'ils se plaignent de ceci ou de cela, parce que leurs corps sont raides, qu'ils sont incapables de donner l'amour ou d'en jouir. Car, à la différence des autres animaux, ils sont incapables de se donner entièrement et de frémir dans l'acte d'amour. Vingt-deux ans après l'énoncé de mes thèses, tu racontes à tes amis qu'il importe moins de traiter l'individu que de prévenir les troubles mentaux. Et une fois de plus, tu agis comme tu as agi depuis des millénaires : tu indiques l'objectif qu'il faut atteindre, mais tu ne dis pas comment on peut y parvenir. Tu ne fais pas mention de la vie sexuelle des masses. Tu prétends "prévenir les troubles mentaux". Cela, n'importe qui peut le dire ; c'est une affirmation inoffensive et respectable. Mais tu veux y parvenir sans remédier à la misère sexuelle. Tu évites même d'en parler ; tu n'en as pas le droit. Ainsi, comme médecin, tu ne sors pas du bourbier. Que dirais-tu d'un technicien qui parlerait de la technique du vol sans mentionner le moteur et l'hélice ? C'est pourtant ce que tu fais, ingénieur de l'âme humaine. Tu es un lâche. Tu veux retirer les raisins de mon gâteau, mais tu ne veux pas prendre les épines de mes rosiers. Pendant ce temps, tu te moques de moi et me qualifies, de "promoteur de meilleurs orgasmes". Voilà ce que tu fais, petit psychiatre ! N'as-tu jamais entendu les cris des jeunes mariées violées par leurs maris impuissants ? Ignores-tu l'angoisse des adolescents crevant d'amour insatisfait ? Préfères-tu ta tranquillité à la guérison de tes malades ? Combien de temps continueras-tu à placer ta dignité avant ton devoir de médecin ? Combien de temps continueras-tu d'ignorer que tes précautions tactiques coûtent la vie à des millions d'êtres humains ? Tu préfères ta sécurité à la vérité. Quand tu entends parler de l'orgone que j'ai découvert, tu ne demandes pas : "Quel effet peut-il bien avoir ? Comment peut-il rendre la santé aux malades ?" Non, tu demandes : "Est-ce qu'il est qualifié pour exercer la médecine dans l'état du Maine ?" Tu ignores que tes petites patentes peuvent tout au plus me gêner un peu, mais qu'elles sont incapables d'arrêter mon œuvre. Tu ignores que je suis célèbre dans le monde entier pour avoir découvert ta peste émotionnelle et ton énergie vitale ; que pour prétendre me contrôler il faut d'abord en savoir plus long que moi.
Parlons de ton vertige de la liberté. Personne ne t'a jamais demandé, petit homme, pourquoi tu étais incapable de conquérir la liberté et pourquoi tu l'as aussitôt vendue à quelque nouveau maître si d'aventure tu as pu y accéder.
"Ecoutez-moi ça ! Il ose douter de la révolution des prolétaires de tous les pays et de la démocratie !
A bas le révolutionnaire et le contre-révolutionnaire !"
Ne perds pas tes nerfs, petit Führer de tous les démocrates et prolétaires du monde ! J'estime que ta liberté future réelle dépend bien plus de la réponse à donner à cette seule question que de centaines de "résolutions" votées par tes Congrès du Parti.
"A bas ! Il salit l'honneur de la nation et de l'avant-garde du prolétariat révolutionnaire ! A bas ! Au poteau !"
Tes hurlements ne feront pas avancer les choses, petit homme. Tu as toujours cru que ta liberté était assurée si tu envoyais des hommes au poteau. Tu ferais bien mieux de te regarder une fois dans laglace.
"A bas, à bas !"
Minute, papillon ! Je n'ai pas l'intention de te traiter en quantité négligeable, petit homme, je voudrais simplement t'expliquer pourquoi tu es incapable de conquérir et de préserver ta liberté. Cela devrait t'intéresser, je pense !
"A bas !"
Bien, je vais être bref. Je vais te montrer comment se comporte le petit homme quand il a réussi à accéder à la liberté. Supposons que tu sois étudiant dans une institution qui défend la liberté sexuelle des enfants et des adolescents. Tu es enthousiasmé par cette " merveilleuse idée" et tu désires participer à la lutte. Voici comment les choses se sont passées dans ma maison : Les étudiants étaient penchés sur leur microscope en train d'observer des bions terrestres. Tu te tenais nu dans l'accumulateur d'orgone. Je t'ai appelé pour que tu prennes part à nos travaux. Tu es sorti de ton accumulateur et tu t'es montré dans le plus simple appareil aux jeunes filles et aux femmes. Je t'ai aussitôt réprimandé mais tu n'as pas compris. Je n'ai pas compris pourquoi tu n'as pas compris. Plus tard, au cours d'une discussion prolongée, tu m'as dit que c'était là ta manière de concevoir la liberté dans une institution préconisant la santé sexuelle des petits enfants et de chacun. Tu as bientôt compris que tu nourrissais un profond mépris à l'endroit de l'institution et de son idée de base et que c'était là la raison de ton attitude indécente. Un autre exemple te fera comprendre comment tu compromets sans cesse ta liberté. Tu sais, je sais, nous savons tous que tu vis dans un état d'excitation sexuelle permanente ; tu regardes toute personne de l'autre sexe avec convoitise, parler avec tes amis de l'amour, c'est pour toi faire des plaisanteries scabreuses ; autrement dit, ton imagination se complaît aux choses sales et pornographiques. Un soir, je t'ai entendu hurler, avec tes amis : "Nous voulons des femmes !"
Pour t'assurer un meilleur avenir, j'ai créé des organisations au sein desquelles tu pouvais t'informer de la misère de ta vie et des remèdes à apporter. Toi et tes amis veniez en foule aux réunions. Pourquoi, petit homme ? J'avais d'abord pensé que tu désirais sérieusement et honnêtement améliorer tes conditions de vie. Plus tard, j'ai percé à jour tes mobiles véritables. Tu espérais trouver un nouveau genre de bordel où tu pourrais trouver des filles sans dépenser un sou. Ayant compris cela, j'ai dissous ces organisations qui devaient pourtant t'aider à vivre. Ce n'est pas parce que je crois qu'il y ait du mal à trouver une fille dans une telle organisation, mais parce que tu y apportais un esprit ordurier. Ainsi, ce fut la fin de ces organisations et, une fois de plus, tu t'enfonçais dans ton bourbier... Tu voulais dire quelque chose ?
"C'est la bourgeoisie qui a perverti le prolétariat. Mais les leaders ouvriers y mettront le holà. Ils balaieront tout avec un balai de fer. Et de toutes manières, le problème sexuel du prolétariat se résoudra tout seul !"
Je sais ce que tu veux dire, petit homme. C'est exactement ce qu'ils ont fait dans la patrie de tous les prolétaires : ils ont laissé le problème sexuel se résoudre "tout seul". Le résultat se voyait à Berlin, quand les "prolétaires en armes" violaient les femmes à longueur de nuit. Cela, tu le sais. Tes "champions de l'honneur révolutionnaire", tes "soldats du prolétariat mondial" t'ont déshonoré à tout jamais. Tu dis que de telles choses arrivent "seulement en temps de guerre" ? Alors, je vais te raconter une autre histoire véridique : Un Führer en herbe, gonflé d'enthousiasme prolétaire et dictatorial, s'était passionné aussi pour l'économie sexuelle. Il vint me voir et dit : "Vous êtes merveilleux ! Karl Marx a montré aux masses comment se libérer au plan économique. Vous avez appris aux gens à se libérer sexuellement". Vous leur avez dit : "Allez et baisez à coeur joie !" Dans ta bouche, tout cet art devient pervers, mon
étreinte amoureuse se transforme en acte obscène. Tu ne sais même pas de quoi je parle, petit homme.
Voilà pourquoi tu t'enlises dans ton bourbier.

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