vendredi 2 mars 2018

Wilhelm Reich 6 Partie





Ainsi, tu radotes, petit homme. Par ton radotage, tu mets sur pied des unités armées qui exterminent dix millions de Juifs alors que tu ne sais même pas ce que c'est qu'un "Juif". Voilà pourquoi on se moque de toi, voilà pourquoi on t'évite quand on a un travail sérieux à accomplir, voilà pourquoi tu ne sors pas du bourbier. Quand tu parles du "Juif" tu te sens un être "supérieur". Et tu recours à ce subterfuge parce qu'en réalité tu te sens si minable. Et tu te sens si minable, parce que tu es toi même ce que tu tues dans le prétendu "Juif". Voilà une petite parcelle de la vérité sur toi, petit homme.
Tu sens moins ta misère quand tu prononces le mot "Juif" sur un ton d'arrogance ou de mépris. Cela, je viens de le découvrir. Tu qualifies de "Juif" tout personnage qui t'inspire trop peu ou trop de respect. Tu décides souverainement qui est "Juif". Eh bien, c'est là un droit que je ne te concède pas, que tu sois un petit Aryen ou un petit Juif. Je suis le seul au monde qui aie le droit de me définir, de dire qui je suis. Je suis un métis biologique et culturel, je suis fier d'être le produit intellectuel et physique de toutes les classes, races et nations, de ne pas appartenir, comme toi, à une "race pure",
de ne pas être un chauvin comme toi, de ne pas être le petit fasciste de toutes les nations, races et classes. J'ai appris que tu as refusé l'entrée de la Palestine à un technicien juif parce qu'il n'était pas circoncis. Je méprise les fascistes juifs et je n'ai pas de préférence pour leur langage, leur idolâtrie, leur culture. Je crois en leur Dieu comme je crois en celui des Chrétiens, mais je comprends d'où tu prends ton Dieu. Je ne crois pas que la race juive soit la seule race élue. Je n'ai aucun mépris pour toi et je ne te voue aucune haine, mais je n'ai rien non plus de commun avec toi. Pourquoi, petit juif. retournes-tu à Sem et non au protoplasme ? Pour moi, la vie commence dans la contraction du plasma et non dans le bureau d'un rabbin. Il a fallu des millions d'années pour que la méduse se transforme en un bipède terrestre. Ta dégénérescence biologique, sous forme de rigidité, ne dure que depuis six mille ans. Il faudra attendre cent ou cinq cents ou peut-être cinq mille ans pour que tu redécouvres ta propre nature, c'est-à-dire la méduse en toi.
J'ai découvert la méduse en toi et je l'ai décrite en un langage clair. Quand on t'en a parlé pour la première fois, tu m'as qualifié de nouveau génie. Tu te souviens sans doute, c'était en Scandinavie, quand tu cherchais un nouveau Lénine. Mais j'avais des choses plus urgentes à faire et j'ai refusé ce rôle. Tu m'as proclamé nouveau Darwin, nouveau Marx, nouveau Pasteur, nouveau Freud. Je t'avais dit alors que tu serais capable de parler et d'écrire aussi bien que moi si seulement tu t'arrêtais de crier "Salut à toi, Messie !". Car les cris de victoire émoussent ton esprit et paralysent tes facultés créatrices.
Est-ce que tu ne persécutes pas la "fille-mère" en la traitant d'être immoral, petit homme ? N'établis tu pas une distinction rigoureuse entre les enfants nés du mariage, qualifiés de "légitimes" et les autres dits "illégitimes" ? Pauvre de toi ! Dans ton ignorance tu n'es même pas logique avec toi même !
Tu vénères l'Enfant-Jésus. Or, l'Enfant-Jésus est l'enfant d'une mère qui n'avait pas de certificat de mariage. Sans t'en rendre compte, tu vénères dans l'Enfant-Jésus ta propre nostalgie de la liberté sexuelle, petit homme que ta femme mène par le bout du nez ! Tu as fait d'un enfant illégitime le "Fils de Dieu" et tu ne reconnais pas les enfants illégitimes. Puis, dans la foulée de l'apôtre Paul, tu persécutes les enfants nés d'un vrai amour et tu protèges par tes lois religieuses des enfants de la haine. Tu es un petit homme misérable ! Tes autos et tes trains franchissent des ponts inventés par le grand Galilée. Sais-tu, petit homme, que le grand Galilée avait trois enfants et pas de certificat de mariage ? Cela, tu ne le racontes pas à tes enfants, à l'école. Est-ce que tu n'as pas maltraité Galilée aussi pour cette raison-là ! Sais-tu petit homme, que ton grand Lénine, Père de tous les prolétaires du monde, a aboli le mariage obligatoire après son accession au pouvoir dans la "Patrie de tous les peuples slaves" ? Sais-tu qu'il a lui même vécu avec sa femme sans être possesseur d'un certificat de mariage ? N'as tu pas, petit homme, rétabli par le truchement du Führer de tous les Slaves les anciennes lois imposant le mariage, parce que tu ne savais pas comment réaliser dans ta vie les hauts faits de Lénine ? De tout cela, tu ne sais rien : quelle importance revêtent à tes yeux la vérité, l'histoire, la lutte pour la liberté ? Et qui es-tu pour avoir une opinion personnelle ! Tu ignores totalement que c'est ta mentalité obscène, ton irresponsabilité sexuelle qui t'ont passé les menottes de tes lois sur le mariage !
Tu as le sentiment d'être misérable, petit, puant, impuissant, rigide, vide, sans vie. Tu n'as pas de femme, et si d'aventure tu en as une tu ne désires qu'une chose, la "baiser" pour te prouver à toi que tu es un "mâle". Tu ignores l'amour. Tu es constipé et tu prends des laxatifs. Tu sens mauvais, ta peau est moite; tu ne sens pas l'enfant dans tes bras et tu le traites comme un chiot qu'on peut frapper à loisir.
Pendant toute ta vie, ton impuissance t'a donné du fil a retordre. Elle imprègne toutes tes pensées. Elle t'empêche de travailler. Ta femme t'a abandonné parce que tu étais incapable de lui donner de l'amour. Tu souffres de toutes sortes de phobies, de nervosité, de palpitations. Tes pensées pivotent autour de la sexualité. Un homme se présente et te parle de l'économie sexuelle, science faite pour te comprendre et t'aider. Elle voudrait que tu vives ta sexualité la nuit pour ne pas en être obsédé le jour et pour te permettre d'accomplir ta tâche. Elle voudrait que ta femme soit heureuse dans tes bras et non désespérée. Elle voudrait que tes enfants soient roses et non pâles ; aimants et non cruels. Mais quand on te parle de la sexualité, tu t'écries : "Le sexe n'est pas tout dans la vie. Il y a dans la vie des choses bien plus importantes !" Voilà comment tu réagis, petit homme !
Ou bien, tu es un "marxiste", un "révolutionnaire professionnel", un "Führer" en herbe des prolétaires de ce monde. Tu prétends libérer le monde de ses souffrances. Les masses déçues se détournent de toi, tu leur cours après en hurlant : "Arrêtez, arrêtez, masses laborieuses ! Vous ne voyez pas encore que je suis votre libérateur. A bas le capitalisme !" Quand je parle, moi, à tes "masses", petit révolutionnaires, je leur montre la misère de leurs petites existences. Elles tendent l'oreille, emportées par l'enthousiasme et l'espérance. Elles se ruent dans tes organisations avec l'espoir de m'y rencontrer. Et toi, qu'est ce que tu fais ? Tu dis : "La sexualité est une invention de petits bourgeois. Ce qui compte, c'est le facteur économique !" Et tu lis le livre de Van de Velde sur les techniques de l'amour.
Lorsqu'un grand homme a entrepris de donner une base scientifique à ton émancipation économique, tu l'as laissé mourir de faim. Tu as stoppé la première attaque de la vérité contre tes entorses aux lois de la vie. Après le succès de cette première attaque, tu t'es chargé de son administration et tu l'as tuée une seconde fois. La première fois, le grand homme a dissous ton organisation. La deuxième fois, il était mort et ne pouvait plus rien faire. Tu n'as pas compris qu'il avait trouvé dans ton travail la puissance de la vie qui crée des valeurs. Tu n'as pas compris que sa sociologie tendait à protéger ta société contre ton état. Tu n'as rien compris du tout !
Tes "facteurs économiques" ne mènent nulle part. Un grand sage s'est tué à la tâche pour te prouver que tu dois améliorer tes conditions économiques si tu veux jouir de la vie ; que des individus affamés sont incapables de promouvoir la culture ; que toutes les conditions d'existence sans exception en font partie ; que tu dois te libérer, toi-même et ta société, de toutes les tyrannies. Cet homme vraiment grand a commis une seule erreur dans son effort de t'éclairer : il a cru que tu étais capable d'émancipation, que tu étais capable de protéger ta liberté après l'avoir conquise. Et il a commis une autre erreur : il voulait faire de toi, prolétaire, un "dictateur". Et qu'as tu fait, petit homme, du trésor de connaissances que ce grand homme t'a transmis ? Tu n'as retenu qu'un seul mot : "dictature" ! De tout l'héritage d'un esprit immense et d'un coeur généreux, tu n'as retenu qu'un seul mot : "dictature". Tu as jeté par dessus bord tout le reste, la liberté, la clarté, la vérité, la solution du problème de l'esclavage économique, la méthode permettant des progrès intellectuels, tout cela, tu l'as jeté par-dessus bord ! Un seul mot mal choisi - encore qu'il contînt une idée judicieuse - s'est niché dans ton esprit, le mot "dictature" ! C'est à partir d'une erreur vénielle d'un grand homme que tu as construit un système gigantesque de mensonges, de persécutions, de tortures, de geôles, de bourreaux, de police secrète, d'espionnage, de délation, d'uniformes, de médailles et de feld-maréchaux - tout le reste a été jeté par-dessus bord. Est-ce que tu comprends un peu mieux maintenant ta vraie nature, petit homme ? Pas encore. Eh bien, continuons ! Tu as les "conditions économiques" de la joie de vivre et d'aimer avec une "machinerie", la libération des êtres humains avec la grandeur de l'état ; le désir de sacrifice avec la discipline "stupide" du parti ; la montée des masses avec une parade militaire ; l'émancipation de l'amour avec le viol de chaque femme que tu as trouvée en occupant l'Allemagne ; l'élimination de la pauvreté avec l'extermination des pauvres, des faibles, des êtres désarmés ; l'éducation avec la "pépinière de patriotes" ; le contrôle des naissances avec des médailles pour "les mères ayant mis au monde dix enfants". Est-ce que tu n'as pas souffert toi-même à l'idée d'être une mère de dix enfants ?
Dans d'autres pays aussi, ce malheureux petit mot de "dictature" a fait fortune. Là, tu l'as revêtu d'uniformes rutilants et tu as suscité parmi les tiens le petit "fonctionnaire" impuissant, mystique, sadique qui t'a conduit au sein du Troisième Reich, causant la mort de 60 millions d'individus de ton espèce. Mais cela ne t'a pas empêché de hurler "heil, heil, heil !". Voilà comment tu es, petit homme. Et personne n'ose te le dire. Car tout le monde a peur de toi et voudrait que tu restes petit, petit homme.

Tu dévores ton bonheur ! Tu n'as jamais connu le bonheur en toute liberté. C'est pourquoi tu dévores goulûment ton bonheur sans prendre soin de le sauvegarder. On t'empêche d'apprendre comment on préserve son bonheur, comment on le soigne, comme le jardinier soigne les fleurs, le paysan la moisson. Les grands chercheurs, les grands poètes, les grands sages t'ont fui, parce qu'ils tenaient à conserver leur bonheur. Près de toi, petit homme, il est facile de dévorer son bonheur mais difficile de le préserver. Tu ne sais pas ce que je veux dire, petit homme ? Je vais te l'expliquer : le chercheur travaille durement, sans relâche, pendant dix, vingt, trente années, penché sur sa science, sa machine, son idée sociale. Il porte tout seul le fardeau pesant de la nouveauté. Il souffre de tes sottises, de tes petites idées et de la médiocrité de tes idéaux, il doit s'en pénétrer, les analyser pour les remplacer à la fin par ses réalisations. Dans ce domaine, tu ne lui es d'aucun secours. Bien au contraire. Tu ne dis pas :" Je vois, cher ami, ton dur labeur. Et je sais que ton travail a pour objet ma machine, mon enfant, ma femme, mon ami, ma maison, mes champs, en vue de les rendre meilleurs. Pendant des années, j'ai souffert de telle ou de telle insuffisance, j'étais incapable d'y remédier. Puis-je t'aider à m'aider ?" Non, petit homme, tu ne voles jamais au secours de ton sauveur. Tu joues aux cartes, tu hurles à un match de boxe professionnelle, ou bien tu accomplis ta morne tâche dans un bureau ou au fond d'une mine. Mais tu ne viens jamais prêter main-forte à ton sauveur. Sais-tu pourquoi ? D'abord parce que le chercheur n'a rien d'autre à offrir que des idées. Pas de bénéfices, pas d'augmentations de salaire, pas de convention salariale, pas de prime de fin d'année, pas de vie confortable. Tout ce qu'il sait donner, c'est des soucis, or, tu ne te soucies pas de soucis, tu as assez de soucis !
Si tu te tenais simplement a l'écart en refusant de prêter main-forte au chercheur, celui-ci s'en consolerait. Après tout, ce n'est pas "pour" toi qu'il réfléchit, qu'il se fait du mauvais sang, qu'il fait des découvertes. S'il fait tout cela c'est parce que ses fonctions vitales l'y poussent. Il laisse aux leaders politiques et aux hommes d'église le soin de s'occuper de toi et de te plaindre. Son seul souci est de te rendre capable de te tirer d'affaire toi-même. Mais tu ne te bornes pas à une attitude passive ; tu le molestes et tu craches. Quand le chercheur a fini par découvrir, après des années de dur labeur, pourquoi tu ne peux rendre heureuse ta femme, tu viens à lui et tu le traites de "sale cochon". Tu ne te rends pas compte qu'en agissant ainsi, tu tentes de refouler le "cochon" en toi et que c'est là la raison de ton manque d'amour. Si le chercheur vient de tirer au clair pourquoi les hommes meurent en grand nombre du cancer et si, d'aventure, tu es un professeur attaché à un institut anticancéreux, bénéficiaire d'un traitement fixe, alors, petit homme, tu accuses le chercheur de charlatanisme ; ou bien tu affirmes qu'il tire trop d'argent de sa découverte ; ou bien tu demandes s'il est par hasard Juif ou étranger ; ou bien tu prétends le mettre sur la sellette pour établir s'il est qualifié pour s'occuper de "ton" problème du cancer que tu es incapable de résoudre; ou bien encore tu préfères laisser mourir des milliers de cancéreux plutôt que d'admettre que lui a trouvé ce dont tu as tant besoin pour sauver la vie de tes malades. Pour toi, ton prestige professionnel, ton compte en banque, tes intérêts dans l'industrie du radium sont plus importants que la vérité et la recherche. Voilà pourquoi tu es petit et misérable, petit homme.

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