Ainsi,
tu radotes, petit homme. Par ton radotage, tu mets sur pied des
unités armées qui exterminent dix millions de Juifs alors que tu ne
sais même pas ce que c'est qu'un "Juif". Voilà pourquoi
on se moque de toi, voilà pourquoi on t'évite quand on a un travail
sérieux à accomplir, voilà pourquoi tu ne sors pas du bourbier.
Quand tu parles du "Juif" tu te sens un être "supérieur".
Et tu recours à ce subterfuge parce qu'en réalité tu te sens si
minable. Et tu te sens si minable, parce que tu es toi même ce que
tu tues dans le prétendu "Juif". Voilà une petite
parcelle de la vérité sur toi, petit homme.
Tu
sens moins ta misère quand tu prononces le mot "Juif" sur
un ton d'arrogance ou de mépris. Cela, je viens de le découvrir. Tu
qualifies de "Juif" tout personnage qui t'inspire trop peu
ou trop de respect. Tu décides souverainement qui est "Juif".
Eh bien, c'est là un droit que je ne te concède pas, que tu sois un
petit Aryen ou un petit Juif. Je suis le seul au monde qui aie le
droit de me définir, de dire qui je suis. Je suis un métis
biologique et culturel, je suis fier d'être le produit intellectuel
et physique de toutes les classes, races et nations, de ne pas
appartenir, comme toi, à une "race pure",
de
ne pas être un chauvin comme toi, de ne pas être le petit fasciste
de toutes les nations, races et classes. J'ai appris que tu as refusé
l'entrée de la Palestine à un technicien juif parce qu'il n'était
pas circoncis. Je méprise les fascistes juifs et je n'ai pas de
préférence pour leur langage, leur idolâtrie, leur culture. Je
crois en leur Dieu comme je crois en celui des Chrétiens, mais je
comprends d'où tu prends ton Dieu. Je ne crois pas que la
race juive soit la seule race élue. Je n'ai aucun mépris pour toi
et je ne te voue aucune haine, mais je n'ai rien non plus de commun
avec toi. Pourquoi, petit juif. retournes-tu à Sem et non au
protoplasme ? Pour moi, la vie commence dans la contraction du plasma
et non dans le bureau d'un rabbin. Il a fallu des millions d'années
pour que la méduse se transforme en un bipède terrestre. Ta
dégénérescence biologique, sous forme de rigidité, ne dure que
depuis six mille ans. Il faudra attendre cent ou cinq cents ou
peut-être cinq mille ans pour que tu redécouvres ta propre nature,
c'est-à-dire la méduse en toi.
J'ai
découvert la méduse en toi et je l'ai décrite en un langage clair.
Quand on t'en a parlé pour la première fois, tu m'as qualifié de
nouveau génie. Tu te souviens sans doute, c'était en Scandinavie,
quand tu cherchais un nouveau Lénine. Mais j'avais des choses plus
urgentes à faire et j'ai refusé ce rôle. Tu m'as proclamé nouveau
Darwin, nouveau Marx, nouveau Pasteur, nouveau Freud. Je t'avais dit
alors que tu serais capable de parler et d'écrire aussi bien que moi
si seulement tu t'arrêtais de crier "Salut à toi, Messie !".
Car les cris de victoire émoussent ton esprit et paralysent tes
facultés créatrices.
Est-ce
que tu ne persécutes pas la "fille-mère" en la traitant
d'être immoral, petit homme ? N'établis tu pas une distinction
rigoureuse entre les enfants nés du mariage, qualifiés de
"légitimes" et les autres dits "illégitimes" ?
Pauvre de toi ! Dans ton ignorance tu n'es même pas logique avec toi
même !
Tu
vénères l'Enfant-Jésus. Or, l'Enfant-Jésus est l'enfant d'une
mère qui n'avait pas de certificat de mariage. Sans t'en rendre
compte, tu vénères dans l'Enfant-Jésus ta propre nostalgie de la
liberté sexuelle, petit homme que ta femme mène par le bout du nez
! Tu as fait d'un enfant illégitime le "Fils de Dieu" et
tu ne reconnais pas les enfants illégitimes. Puis, dans la foulée
de l'apôtre Paul, tu persécutes les enfants nés d'un vrai amour et
tu protèges par tes lois religieuses des enfants de la haine. Tu es
un petit homme misérable ! Tes autos et tes trains franchissent des
ponts inventés par le grand Galilée. Sais-tu, petit homme, que le
grand Galilée avait trois enfants et pas de certificat de mariage ?
Cela, tu ne le racontes pas à tes enfants, à l'école. Est-ce que
tu n'as pas maltraité Galilée aussi pour cette raison-là ! Sais-tu
petit homme, que ton grand Lénine, Père de tous les prolétaires du
monde, a aboli le mariage obligatoire après son accession au pouvoir
dans la "Patrie de tous les peuples slaves" ? Sais-tu qu'il
a lui même vécu avec sa femme sans être possesseur d'un certificat
de mariage ? N'as tu pas, petit homme, rétabli par le truchement du
Führer de tous les Slaves les anciennes lois imposant le mariage,
parce que tu ne savais pas comment réaliser dans ta vie les hauts
faits de Lénine ? De tout cela, tu ne sais rien : quelle importance
revêtent à tes yeux la vérité, l'histoire, la lutte pour la
liberté ? Et qui es-tu pour avoir une opinion personnelle ! Tu
ignores totalement que c'est ta mentalité obscène, ton
irresponsabilité sexuelle qui t'ont passé les menottes de tes lois
sur le mariage !
Tu
as le sentiment d'être misérable, petit, puant, impuissant, rigide,
vide, sans vie. Tu n'as pas de femme, et si d'aventure tu en as une
tu ne désires qu'une chose, la "baiser" pour te prouver à
toi que tu es un "mâle". Tu ignores l'amour. Tu es
constipé et tu prends des laxatifs. Tu sens mauvais, ta peau est
moite; tu ne sens pas l'enfant dans tes bras et tu le traites comme
un chiot qu'on peut frapper à loisir.
Pendant
toute ta vie, ton impuissance t'a donné du fil a retordre. Elle
imprègne toutes tes pensées. Elle t'empêche de travailler. Ta
femme t'a abandonné parce que tu étais incapable de lui donner de
l'amour. Tu souffres de toutes sortes de phobies, de nervosité, de
palpitations. Tes pensées pivotent autour de la sexualité. Un homme
se présente et te parle de l'économie sexuelle, science faite pour
te comprendre et t'aider. Elle voudrait que tu vives ta sexualité la
nuit pour ne pas en être obsédé le jour et pour te
permettre d'accomplir ta tâche. Elle voudrait que ta femme soit
heureuse dans tes bras et non désespérée. Elle voudrait que tes
enfants soient roses et non pâles ; aimants et non cruels. Mais
quand on te parle de la sexualité, tu t'écries : "Le sexe
n'est pas tout dans la vie. Il y a dans la vie des choses bien plus
importantes !" Voilà comment tu réagis, petit homme !
Ou
bien, tu es un "marxiste", un "révolutionnaire
professionnel", un "Führer" en herbe des prolétaires
de ce monde. Tu prétends libérer le monde de ses souffrances. Les
masses déçues se détournent de toi, tu leur cours après en
hurlant : "Arrêtez, arrêtez, masses laborieuses ! Vous ne
voyez pas encore que je suis votre libérateur. A bas le capitalisme
!" Quand je parle, moi, à tes "masses", petit
révolutionnaires, je leur montre la misère de leurs petites
existences. Elles tendent l'oreille, emportées par l'enthousiasme et
l'espérance. Elles se ruent dans tes organisations avec l'espoir de
m'y rencontrer. Et toi, qu'est ce que tu fais ? Tu dis
: "La sexualité est une invention de petits bourgeois. Ce qui
compte, c'est le facteur économique !" Et tu lis le livre de
Van de Velde sur les techniques de l'amour.
Lorsqu'un
grand homme a entrepris de donner une base scientifique à ton
émancipation économique, tu l'as laissé mourir de faim. Tu as
stoppé la première attaque de la vérité contre tes entorses aux
lois de la vie. Après le succès de cette première attaque, tu t'es
chargé de son administration et tu l'as tuée une seconde fois. La
première fois, le grand homme a dissous ton organisation. La
deuxième fois, il était mort et ne pouvait plus rien faire. Tu n'as
pas compris qu'il avait trouvé dans ton travail la puissance
de la vie qui crée des valeurs. Tu n'as pas compris que sa
sociologie tendait à protéger ta société contre ton état.
Tu n'as rien compris du tout !
Tes
"facteurs économiques" ne mènent nulle part. Un grand
sage s'est tué à la tâche pour te prouver que tu dois améliorer
tes conditions économiques si tu veux jouir de la vie ; que des
individus affamés sont incapables de promouvoir la culture ; que
toutes les conditions d'existence sans exception en font partie ; que
tu dois te libérer, toi-même et ta société, de toutes les
tyrannies. Cet homme vraiment grand a commis une seule erreur dans
son effort de t'éclairer : il a cru que tu étais capable
d'émancipation, que tu étais capable de protéger ta liberté après
l'avoir conquise. Et il a commis une autre erreur : il voulait faire
de toi, prolétaire, un "dictateur". Et qu'as tu fait,
petit homme, du trésor de connaissances que ce grand homme t'a
transmis ? Tu n'as retenu qu'un seul mot : "dictature"
! De tout l'héritage d'un esprit immense et d'un coeur généreux,
tu n'as retenu qu'un seul mot : "dictature". Tu as jeté
par dessus bord tout le reste, la liberté, la clarté, la vérité,
la solution du problème de l'esclavage économique, la méthode
permettant des progrès intellectuels, tout cela, tu l'as jeté
par-dessus bord ! Un seul mot mal choisi - encore qu'il contînt une
idée judicieuse - s'est niché dans ton esprit, le mot "dictature"
! C'est à partir d'une erreur vénielle d'un grand homme que tu as
construit un système gigantesque de mensonges, de persécutions, de
tortures, de geôles, de bourreaux, de police secrète, d'espionnage,
de délation, d'uniformes, de médailles et de feld-maréchaux - tout
le reste a été jeté par-dessus bord. Est-ce que tu comprends un
peu mieux maintenant ta vraie nature, petit homme ? Pas encore. Eh
bien, continuons ! Tu as les "conditions économiques" de
la joie de vivre et d'aimer avec une "machinerie", la
libération des êtres humains avec la grandeur de l'état ; le désir
de sacrifice avec la discipline "stupide" du parti ; la
montée des masses avec une parade militaire ; l'émancipation de
l'amour avec le viol de chaque femme que tu as trouvée en occupant
l'Allemagne ; l'élimination de la pauvreté avec l'extermination des
pauvres, des faibles, des êtres désarmés ; l'éducation avec la
"pépinière de patriotes" ; le contrôle des naissances
avec des médailles pour "les mères ayant mis au monde dix
enfants". Est-ce que tu n'as pas souffert toi-même à l'idée
d'être une mère de dix enfants ?
Dans
d'autres pays aussi, ce malheureux petit mot de "dictature"
a fait fortune. Là, tu l'as revêtu d'uniformes rutilants et tu as
suscité parmi les tiens le petit "fonctionnaire"
impuissant, mystique, sadique qui t'a conduit au sein du Troisième
Reich, causant la mort de 60 millions d'individus de ton espèce.
Mais cela ne t'a pas empêché de hurler "heil, heil, heil !".
Voilà comment tu es, petit homme. Et personne n'ose te le dire. Car
tout le monde a peur de toi et voudrait que tu restes petit, petit
homme.
Tu
dévores ton bonheur ! Tu n'as jamais connu le bonheur en toute
liberté. C'est pourquoi tu dévores goulûment ton bonheur sans
prendre soin de le sauvegarder. On t'empêche d'apprendre comment on
préserve son bonheur, comment on le soigne, comme le jardinier
soigne les fleurs, le paysan la moisson. Les grands chercheurs, les
grands poètes, les grands sages t'ont fui, parce qu'ils tenaient à
conserver leur bonheur. Près de toi, petit homme, il est facile de
dévorer son bonheur mais difficile de le préserver. Tu ne sais pas
ce que je veux dire, petit homme ? Je vais te l'expliquer : le
chercheur travaille durement, sans relâche, pendant dix, vingt,
trente années, penché sur sa science, sa machine, son idée
sociale. Il porte tout seul le fardeau pesant de la nouveauté. Il
souffre de tes sottises, de tes petites idées et de la médiocrité
de tes idéaux, il doit s'en pénétrer, les analyser pour les
remplacer à la fin par ses réalisations. Dans ce domaine, tu ne lui
es d'aucun secours. Bien au contraire. Tu ne dis pas :" Je vois,
cher ami, ton dur labeur. Et je sais que ton travail a pour objet ma
machine, mon enfant, ma femme, mon ami, ma
maison, mes champs, en vue de les rendre meilleurs.
Pendant des années, j'ai souffert de telle ou de telle insuffisance,
j'étais incapable d'y remédier. Puis-je t'aider à m'aider ?"
Non, petit homme, tu ne voles jamais au secours de ton sauveur. Tu
joues aux cartes, tu hurles à un match de boxe professionnelle, ou
bien tu accomplis ta morne tâche dans un bureau ou au fond d'une
mine. Mais tu ne viens jamais prêter main-forte à ton sauveur.
Sais-tu pourquoi ? D'abord parce que le chercheur n'a rien d'autre à
offrir que des idées. Pas de bénéfices, pas d'augmentations
de salaire, pas de convention salariale, pas de prime de fin d'année,
pas de vie confortable. Tout ce qu'il sait donner, c'est des soucis,
or, tu ne te soucies pas de soucis, tu as assez de soucis !
Si
tu te tenais simplement a l'écart en refusant de prêter main-forte
au chercheur, celui-ci s'en consolerait. Après tout, ce n'est pas
"pour" toi qu'il réfléchit, qu'il se fait du mauvais
sang, qu'il fait des découvertes. S'il fait tout cela c'est parce
que ses fonctions vitales l'y poussent. Il laisse aux leaders
politiques et aux hommes d'église le soin de s'occuper de toi et de
te plaindre. Son seul souci est de te rendre capable de te tirer
d'affaire toi-même. Mais tu ne te bornes pas à une attitude
passive ; tu le molestes et tu craches. Quand le chercheur a fini par
découvrir, après des années de dur labeur, pourquoi tu ne peux
rendre heureuse ta femme, tu viens à lui et tu le traites de "sale
cochon". Tu ne te rends pas compte qu'en agissant ainsi, tu
tentes de refouler le "cochon" en toi et que c'est là la
raison de ton manque d'amour. Si le chercheur vient de tirer au clair
pourquoi les hommes meurent en grand nombre du cancer et si,
d'aventure, tu es un professeur attaché à un institut
anticancéreux, bénéficiaire d'un traitement fixe, alors, petit
homme, tu accuses le chercheur de charlatanisme ; ou bien tu affirmes
qu'il tire trop d'argent de sa découverte ; ou bien tu demandes s'il
est par hasard Juif ou étranger ; ou bien tu prétends le mettre sur
la sellette pour établir s'il est qualifié pour s'occuper de "ton"
problème du cancer que tu es incapable de résoudre; ou bien encore
tu préfères laisser mourir des milliers de cancéreux plutôt que
d'admettre que lui a trouvé ce dont tu as tant besoin pour
sauver la vie de tes malades. Pour toi, ton prestige professionnel,
ton compte en banque, tes intérêts dans l'industrie du radium sont
plus importants que la vérité et la recherche. Voilà pourquoi tu
es petit et misérable, petit homme.
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