samedi 3 mars 2018

Wilhelm Reich 10 Partie


Avertissement : il peut y avoir, dans cette dixième partie, un passage qui peut laisser un goût amer aux lecteurs.


Premièrement, si ce passage peut faire que l'on se sente mal par rapport à l'auteur,cela ne veut pas dire que l'on remette toute son analyse en cause. Lorsque l'on connaît les sujets de ses recherches, on comprend qu'il ait été en lutte avec la pudibonderie de toute l'Europe mais aussi celle plus exacerbée des américains. Ces gens qui tolèrent le port de l'arme dans les facultés mais qui n'admet pas voir un sein. Ces gens qui portent plainte à propos des textes des chansons de métal parce qu'elles parlent de Satan, ou trouvent dans ces mêmes textes en les écoutant à l'envers des messages sataniques ou des incitations au suicide, ce sont eux les fanatiques.

Deuxièmement : si dans ce passage, on peut émettre des réserves sur les propos de l'auteur, j'affirme condamner toute forme de pédophilie comme toute forme d'acte sexuel non consenti.



"C'est un trotskyste ! Jetez-le en prison ! Il excite le peuple, ce chien rouge !"
Non, je n'excite pas le peuple. Je tâche de t'inspirer un peu de respect de toi-même, un peu d'humanité. Car tu veux faire carrière, gagner des voix, te faire nommer juge à la Cour Suprême ou Führer de tous les prolétaires. Ta justice et ta mentalité de Führer sont la corde au cou de l'humanité. Qu'as-tu fait de Wilson, personnage grand et chaleureux ? Pour toi, juge du Bronx, il était un "rêveur", pour toi, futur "Führer" de tous les prolétaires, il était un "exploiteur du peuple". Tu l'as assassiné, petit homme, par ton indifférence, ton bavardage, ta peur de ton propre espoir. Tu as failli m'assassiner aussi, petit homme.
Est-ce que tu te souviens de mon laboratoire, voici dix ans ? Tu étais un assistant technique, tu étais en chômage, tu m'avais été recommandé comme un socialiste de marque, membre d'un parti gouvernemental. Tu recevais un bon traitement, tu jouissais de la liberté au sens absolu du terme. Je t'ai permis de prendre part à toutes nos discussions car je croyais en toi et en ta "mission". Tu te rappelles sans doute la suite. La liberté t'a rendu fou. Pendant des journées entières, je te voyais te promener, la pipe au coin de la bouche, à bayer aux corneilles. Je ne comprenais pas pourquoi tu
refusais de travailler. Quand j'entrais le matin au laboratoire, tu attendais d'un air provocateur que je te salue le premier. J'aime saluer les gens le premier, petit homme. Mais si quelqu'un attend que je le salue, je me fâche, car je suis, dans ton sens, ton patron, ton "boss". Pendant quelques jours, je te laissai ainsi abuser de ta liberté, puis j'eus une conversation avec toi. Les larmes aux yeux, tu m'expliquas que tu ne savais que faire de ce nouveau "régime" ; que tu n'étais pas habitué à la liberté. Qu'aux postes que tu avais occupés auparavant, tu n'avais même pas le droit de fumer en présence de ton patron, que tu ne pouvais lui parler que s'il t'adressait la parole, toi, le futur führer de tous les prolétaires. Or, dès que tu jouissais de la vraie liberté, tu adoptais une attitude de provocation insolente. Je t'ai compris et je ne t'ai pas mis à la porte. Plus tard, tu es parti et tu as mis au courant de mes expériences un psychiatre antialcoolique, expert auprès des tribunaux. C'était toi, le mouchard, l'hypocrite, qui lança contre moi une campagne de presse. Voilà ce que tu fais, petit homme, quand on t'accorde la liberté. Contrairement à ce que tu pensais, ta campagne de presse a fait avancer mon oeuvre de dix années.
Ainsi, petit homme, je prends congé de toi. Je n'ai pas l'intention de te servir à l'avenir, de me laisser tuer à petit feu par ma sollicitude pour toi. Tu es incapable de me suivre dans les régions lointaines où je me rends. Tu mourrais de peur si tu avais seulement une vague idée de ce qui t'attend. Car tu assumeras le gouvernement du monde. Mes étendues solitaires font partie de ton avenir. Mais pour le moment, je ne te veux pas comme compagnon de voyage. Comme compagnon de voyage, tu serais inoffensif seulement à l'auberge mais non là où je me rends.
"Assommez-le ! Il médit de la civilisation que nous avons élaborée, moi, petit homme, avec l'aide de l'homme de la rue. Je suis un homme libre dans une démocratie libre ! Hourra !"
Tu n'es rien, petit homme, rien du tout ! Ce n'est pas toi qui as créé cette civilisation, mais quelques uns de tes honnêtes maîtres. Tu ne sais pas ce que tu construis quand tu travailles sur un chantier. Et si quelqu'un t'invite à prendre tes responsabilités dans l'oeuvre d'édification, tu conspues le "traître à la classe ouvrière" et tu vas rejoindre le "Père de tous les prolétaires" qui se garde bien de te dire cela.
Tu n'es pas libre, petit homme, et tu ne sais pas ce que c'est que la liberté. Tu ne saurais pas vivre sous un régime de liberté. Qui, en Europe, a porté la peste au pouvoir ? Toi, petit homme ! Et aux Etats-Unis ?... Songe à Wilson...
"Ecoutez ! Il m'accuse, moi, petit homme. Qui suis-je, quel pouvoir ai-je pour empêcher le président des Etats-Unis de faire ce qu'il veut ? Je fais mon devoir, j'obéis à mes chefs, je ne m'occupe pas de politique..."
...Même quand il s'agit de jeter des milliers d'hommes et de femmes dans les chambres à gaz, tu ne fais qu'obéir aux ordres de tes chefs, petit homme ! Tu es si naïf que tu ne sais même pas que de telles choses se font. N'est-il pas vrai ? Tu n'es qu'un pauvre diable qui n'a rien à dire, qui n'a pas d'opinion. Qui es-tu pour te mêler de politique ? Je me le demande. J'ai entendu souvent cette chanson ! Mais je te pose néanmoins une question : Pourquoi ne fais-tu pas en silence ton devoir quand un homme vraiment compétent te dit de surveiller ton entreprise et de ne pas frapper tes
enfants ? Quand il te répète sans arrêt de ne pas suivre le dictateur ? Que fais-tu dans ce cas de ton devoir, de ta sage obéissance ? Non, petit homme, tu ne prêtes jamais l'oreille à la vérité, tu n'écoutes que le tapage. Alors tu hurles "heil !". Tu es lâche et cruel, petit homme, tu n'as pas le sens du vrai devoir, du devoir d'être humain et de sauvegarder ton humanité. Tu imites mal le sage et bien le brigand. Tes films, tes programmes de radio, tes bandes dessinées ne racontent que des histoires de crimes.
Tu traîneras ta personne et ta mesquinerie à travers les siècles avant de devenir ton propre maître. Je me sépare de toi pour mieux te servir à l'avenir. Car si je suis loin de toi, je ne risque pas que tu me tues, et une oeuvre lointaine t'inspire plus de respect qu'une oeuvre proche. Tu méprises ce qui est trop près de toi. Tu places ton général ou ton feld-maréchal sur un socle pour mieux le respecter, même s'il est méprisable. C'est pourquoi les grands hommes ont toujours gardé leurs distances par rapport à toi, depuis qu'on écrit l'histoire.
"Le voilà qui sombre dans la folie des grandeurs ! Il est fou, fou à lier !"
Je sais, petit homme, que ton premier diagnostic est toujours la folie quand tu entends une vérité que tu n'aimes pas. En ce qui te concerne, tu te considères comme l' "Homo normalis", l'homme normal. Tu as enfermé les fous, et ce sont les normaux qui gouvernent le monde. Qui est donc responsable de tout le mal ? Pas toi, évidemment, tu ne fais que ton devoir, et qui es-tu pour avoir une opinion personnelle ? Je le sais, tu n'as pas besoin de me le ressasser. D'ailleurs, ton sort n'intéresse personne, petit homme. Mais quand je pense aux nouveau-nés que tu tortures pour en
faire des "hommes normaux" à ton image, j'ai envie de revenir vers toi pour empêcher ce crime. Mais tu as pris tes précautions en instituant un "Ministère de l'éducation". J'aimerais te promener à travers le monde, petit homme, pour te montrer un peu ce que tu es, ce que tu as été, aujourd'hui et hier, à Vienne, à Londres, à Berlin, comme "représentant de la volonté du peuple", comme adepte d'une croyance. Tu te retrouveras partout, tu te reconnaîtras partout, que tu sois Français, Allemand ou Hottentot : il te suffira d'avoir le courage de te regarder.
"Maintenant, il salit mon honneur ! Il souille ma mission !"
Je ne fais ni l'un ni l'autre, petit homme. Je serais au contraire fort aise si tu pouvais me prouver le contraire, si tu pouvais me prouver que tu as le courage de te regarder en face. Tu dois fournir des preuves tout comme le maçon qui construit une maison. Une maison, cela doit exister et être habitable. Le maçon n'a pas le droit de me reprocher d' "offenser son honneur" si je lui prouve qu'au lieu de construire des maisons il se contente de me parler de sa "mission de constructeur". De la même manière, tu dois me prouver que tu es l'édificateur de l'avenir de l'humanité. Il ne sert à rien de te cacher lâchement derrière les slogans de l' "honneur de la nation" ou du "prolétariat". Tu as jeté le masque, petit homme !
Ainsi, j'ai dit que j'allais prendre congé de toi. Cette décision, je l'ai prise après des années de réflexion et d'innombrables nuits blanches. Bien sûr, les futurs Führer de tous les prolétaires ne font pas tant d'embarras. Aujourd'hui, ils sont tes chefs, demain ils seront des scribouillards apathiques dans la rédaction d'une quelconque feuille de chou. Ils changent d'opinion comme de chemise. Ce n'est pas là mon genre. Je continue de me faire du souci pour toi et ton avenir. Mais comme tu es incapable de respecter quelqu'un vivant auprès de toi, je dois prendre mes distances. Tes petits enfants seront les héritiers de mes peines. Je le sais. J'attends qu'ils profitent des fruits de mon labeur, comme j'ai attendu trente ans que tu en profites toi-même. Mais tu préfères hurler : "A bas le capitalisme ! A bas la constitution américaine !"
Suis-moi, petit homme. Je vais te montrer quelques instantanés de toi-même ! Ne te sauve pas ! Ce n'est pas très édifiant mais salutaire, et puis tu ne courras aucun risque.
Il y a cent ans environ, tu appris, à la manière des perroquets, à répéter ce que radotaient les physiciens qui construisaient des machines et affirmaient que l'âme n'existe pas. Puis, un grand homme s'est levé et t'a montré ton âme : il est vrai qu'il n'avait pas d'idée très précise sur les rapporte entre ton âme et ton corps. Tu as dit : "Ridicule, cette psychanalyse, du charlatanisme ! On peut analyser l'urine, mais pas la psyché." Tu disais cela parce que tout ce que tu savais en matière de médecine c'était qu'on pouvait analyser l'urine. Pendant quarante ans, on s'est battu pour ton âme.
Je sais combien la lutte était dure, parce que j'y ai pris part. Un jour tu as découvert qu'on pouvait gagner beaucoup d'argent avec les maladies de l'âme. Il suffit de faire venir le malade une heure tous les jours, pendant des années, et de lui facturer ces heures. C'est à partir de ce moment-là, mais pas avant, que tu as cru en l'existence de l'âme. Entre-temps la science du corps a fait des progrès silencieux. J'ai découvert que ton esprit est une fonction de ton énergie vitale, en d'autres termes qu'il y a unité entre le corps et l'âme. Je me suis rué dans cette brèche, et j'ai pu montrer que tu projettes ton énergie vitale quand tu te sens bien et quand tu aimes, que tu la rétractes vers le centre de ton corps quand tu as peur. Pendant quinze ans tu as jeté le voile du silence sur ces découvertes. Mais j'ai poursuivi mon travail dans la même direction et j'ai découvert que l'énergie vitale, à laquelle j'ai donné le nom d' "orgone", existe aussi dans l'atmosphère. J'ai réussi à la voir et j'ai inventé des appareils pour l'agrandir et la rendre visible. Pendant que tu jouais aux cartes, que tu parlais politique, que tu tourmentais ta femme ou ruinais ton enfant, je passais des heures dans ma chambre obscure, deux années durant, plusieurs heures chaque jour, afin de m'assurer que j'avais réellement découvert l'énergie vitale. J'ai appris peu à peu à montrer ma découverte à d'autres personnes, et j'ai pu vérifier qu'elles voyaient la même chose que moi.
Si tu es un médecin qui prend l'âme pour une sécrétion des glandes endocrines, tu raconteras à un de mes malades guéris que le succès de la cure est dû à la "suggestion". Si tu souffres de doutes obsessionnels et que tu aies peur de l'obscurité, tu diras que la démonstration est due à la "suggestion" et que tu avais l'impression d'assister à une séance de spiritisme. Voilà comment tu réagis, petit homme. tu papotes sur l'âme en 1946 avec la même sotte assurance avec laquelle tu as nié son existence en 1920. Tu es resté le même petit homme. En 1984, tu gagneras des fortunes avec l'orgone et tu mettras en doute, tu insulteras, tu calomnieras, tu ruineras une autre vérité, comme tu as calomnié et ruiné l'âme après la découverte de l'esprit et l'orgone après la découverte de l'énergie cosmique. Et tu resteras toujours le petit homme "sceptique", qui hurle "heil" par-ci et par-là. Est-ce que tu te souviens de ce que tu as dit après la découverte de la rotation de la terre et de son mouvement dans l'espace ? Ta réponse a été la plaisanterie stupide que maintenant les verres tomberont du plateau du sommelier. Cela s'est passé il y a quelques siècles et tout a été oublié, évidemment. Tout ce que tu as retenu de Newton c'est qu'il a vu "tomber une pomme" ; quant à Rousseau, il voulait "revenir à la nature". De Darwin tu as retenu "la survie du plus fort", mais non "ta descendance du singe". Tu aimes citer le "Faust" de Goethe, mais tu n'y comprends pas plus qu'un chat aux math' élém'. Tu es stupide et vaniteux, ignorant et simiesque, petit homme ! Mais tu es passé maître dans l'art d'esquiver l'essentiel et de retenir l'erreur. Je te l'ai déjà dit. Tu exposes ton Napoléon, petit bonhomme galonné d'or, qui ne nous a rien laissé sauf le service militaire obligatoire, dans toutes les librairies, en grands caractères dorés, mais mon Kepler, qui a pressenti ton origine cosmique, ne figure dans aucune bibliothèque. Voilà pourquoi tu n'arrives pas à te dépêtrer du bourbier, petit homme ! C'est pourquoi je te réprimande sévèrement quand tu t'imagines que j'ai sacrifié vingt années de ma vie et une fortune pour te "suggérer" l'existence de l'énergie cosmique. Non, petit homme, en consentant ce sacrifice, j'ai réellement appris à guérir la peste dans ton corps. Cela, tu ne veux pas le croire. N'as tu pas dit un jour en Norvège que "quelqu'un qui dépense tant d'argent pour des expériences doit être détraqué" ? Tu ne peux t'imaginer que quelqu'un puisse côtoyer un représentant de l'autre sexe sans aussitôt envisager un "tour de lit". Je t'ai compris : tu juges d'après toi-même. Tu sais seulement prendre sans donner. Je te respecterais si tu étais un voleur de bonheur d'envergure ; mais tu es un chipoteur lâche et misérable. Tu es malin, mais souffrant de constipation psychique, tu es incapable de créer. Ainsi, tu vas voler un os pour le ronger dans un coin, selon une formule de Freud. Tu te précipites sur l'homme généreux, sur celui qui distribue joyeusement ses biens, pour le spolier, mais c'est toi le pervers et le corniaud et tu infliges à l'homme généreux ces noms. Tu te gorges de son savoir, de son bonheur, de sa grandeur, mais tu ne peux digérer ce que tu as englouti. Tu le rechies aussitôt et la puanteur est épouvantable. Or, pour préserver ta dignité après l'avoir volé, tu salis l'homme généreux, tu le traites de fou, de charlatan, de "corrupteur de l'âme enfantine". Parlons-en, petit homme : Tu te rappelles (tu étais le président d'une société de savants) avoir répandu le bruit que je faisais assister des enfants à l'acte sexuel ? C'était après la publication de mon premier article sur les droits sexuels des enfants. Une autre fois (tu étais à cette époque le président intérimaire d'une "Association culturelle" berlinoise), tu répandis le bruit que je conduisais des fillettes en voiture dans les bois pour les séduire. Je n'ai jamais séduit des adolescentes, petit homme ! Ces accusations sont le fruit de ton imagination obscène ; j'aime ma bien-aimée, j'aime ma femme. A la différence de toi, je suis capable d'aimer ma femme et je n'ai pas besoin, comme toi, de séduire de petites filles dans les bois.
Et toi, petite adolescente, ne rêves-tu pas de ton héros de cinéma ? Ne dors-tu pas avec sa photo sous l'oreiller ? Ne fais-tu pas tout pour l'approcher, pour le séduire en prétendant que tu as dix-huit ans ? Puis, tu portes plainte, tu l'accuses de viol, ton héros de cinéma. Il sera acquitté ou condamné, et tes grand-mères embrassent les mains de ton héros de cinéma. Comprends-tu petite fille ? Tu voulais coucher avec ton héros de cinéma, mais tu n'avais pas le courage d'en assumer la responsabilité. Tu as préféré l'accuser de viol et jouer le rôle de la pauvre fille violée. C'est aussi ton cas, pauvre femme violée, qui as éprouvé plus de plaisir avec ton chauffeur qu'avec ton mari. Petite femme blanche, n'est-ce pas toi qui as séduit le chauffeur noir, l'homme qui a su préserver sa sexualité saine et naturelle ? Puis, tu l'as dénoncé pour viol ; pauvre petite créature, victime d'un homme d'une "race inférieure". Toi, tu es pure, blanche, tes ancêtres ont traversé l'océan à bord du "Mayflower"; tu es la "Fille de telle ou de telle Révolution", d'un homme du Nord ou du Sud, dont le grand-père s'est enrichi en pratiquant la traite des Noirs, kidnappée dans la jungle libre ! Comme tu es innocente, pure, blanche, sans le moindre désir de posséder un Noir, pauvre petite femme ! Tu n'es qu'une lâche, misérable descendante d'une race dégénérée de chasseurs d'esclaves, de quelque cruel Cortez qui attira dans ses filets des milliers d'Aztèques confiants pour les canarder lâchement.
Pauvres filles de telle ou telle révolution. Que savez-vous de l'émancipation ? Que savez-vous des aspirations de révolutionnaires américains, de Lincoln qui a libéré vos esclaves que vous avez livrés "à la libre concurrence de l'économie de marché". Regardez-vous dans une glace. Vous y reconnaîtrez, aussi anodines et innocentes, les "filles de la Révolution russe" ! Si vous aviez été capables de donner une seule fois votre amour à un homme, vous auriez sauvé la vie à plus d'un nègre, à plus d'un Juif, à plus d'un travailleur. Comme vous tuez dans les enfants votre propre vie, ainsi vous tuez dans les Noirs votre rêve d'amour, votre désir du plaisir devenu obscénité et pornographie. Je vous connais, filles et femmes de la haute finance. Vos organes génitaux dégénérés sont le berceau de vilénies sans nom ! Non, fille de telle ou de telle révolution, je ne brigue pas un poste de LL. D. ou de commissaire. Je laisse ce soin à vos animaux raidis en robes et en uniformes. J'aime mes oiseaux, mes chevreuils, mes belettes, qui sont proches du Nègre. Je songe aux Nègres de la brousse et non à ceux de Harlem en faux-col et redingote ! Je ne songe pas aux grasses Négresses parées de boucles d'oreilles dont le plaisir frustré s'est transformé en graisse superflue. Je songe aux filles sveltes et souples des mers du Sud dont un débauché de telle ou telle armée abuse ; filles qui ignorent que tu prends leur pur amour comme tu prendrais une putain dans un bordel.
Non, fillette, tu aspires à la vie qui n'a pas encore compris qu'elle est exploitée et méprisée. Mais ton heure approche ! Tu ne remplis plus la fonction d'une vierge au service de la race allemande. Tu continues à vivre comme vierge russe au service de ta classe, ou comme fille de la Révolution américaine. Dans 500 ou 1000 ans, quand des filles et des garçons bien portants jouiront de l'amour et le protégeront, il ne restera de toi qu'un souvenir ridicule. N'as-tu pas fermé tes salles de concert à Marian Anderson, à la voix de la vie, toi, petite femme rongée par le cancer ? Son nom chantera pendant des siècles lorsque le tien se sera évanoui. Je me demande si Marian Anderson pense aussi en fonction des siècles ou si elle interdit aussi l'amour à son enfant ? Je l'ignore. La vie avance par grands et par petits bonds ! Elle se contente de la vie. Elle s'est retirée de toi, petite femme rongée par le cancer.
Tu as répandu le conte de fée, petite femme, que tu représentes "LA SOCIETE", et ton petit mari l'a gobé. Or il n'en est rien. Il est vrai que tu annonces tous les jours dans les journaux chrétiens et juifs quand ta fille compte étreindre tel homme ; mais cela n'intéresse aucune personne tant soit peu sérieuse. La "société" c'est moi, le charpentier, le jardinier, le maître d'école, le médecin, l'ouvrier d'usine. La société ce n'est pas toi, petite femme rongée par le cancer, raide, au masque rigide. Tu n'es pas la vie, tu es sa caricature ! Mais je comprends fort bien pourquoi tu te retires dans ta forteresse luxueuse. Tu ne pouvais rien faire d'autre face à la mesquinerie des charpentiers, des jardiniers, des médecins, des maîtres d'école, des ouvriers d'usine. Etant donné cette peste, c'était la chose la plus sage à faire. Mais ta bassesse, ta mesquinerie s'est glissée dans tes os, avec ta constipation, tes rhumatismes, ta rigidité de masque, ton refus de la vie. Tu es malheureuse, pauvre petite femme, parce que tes fils vont au-devant du désastre, tes filles se débauchent, tes maris se dessèchent, ta vie pourrit avec tes tissus. Tu ne peux pas me raconter d'histoires, petite fille de la Révolution : je t'ai vue nue. Tu es lâche, tu as toujours été lâche. Tu tenais le bonheur de l'humanité entre tes mains, tu as tout gaspillé. Tu as mis au monde des Présidents, tu leur as donné ta mentalité mesquine. Ils se font photographier et reproduire sur des médailles, ils sourient en permanence, mais ils n'osent appeler la vie par son nom, petite fille de la Révolution ! Tu portais le monde dans tes mains, et tu as lâché des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki; à vrai dire, c'est ton fils qui les a lâchées. Tu as lâché ta pierre tombale, petite femme rongée par le cancer. Avec une seule bombe, tu as expédié dans le silence du tombeau ta classe et ta race toute entière. Car tu n'as pas eu assez de sentiments humains pour lancer un avertissement aux hommes, aux femmes, aux enfants d'Hiroshima et de Nagasaki. Tu n'as pas eu la grandeur d'âme d'être humaine ! C'est pourquoi tu disparaîtras silencieusement, comme une pierre s'enfonçant dans l'océan. Peu importe ce que tu penses ou dis maintenant, petite femme qui a mis au monde des généraux idiots. D'ici cinq cents ans on se moquera de toi, on s'étonnera. Qu'on ne le fasse pas déjà aujourd'hui est une des preuves de la misère de ce monde ! Je sais ce que tu vas me répondre, petite femme. Les apparences militent en ta faveur ; il fallait "défendre le pays". J'ai entendu la même chanson déjà dans la vieille Autriche. As-tu jamais entendu un cocher de fiacre viennois crier: "Hourra, mein Kaiser !" ? Non ? Tu n'as qu'à écouter ta propre voix ; c'est la même chose. Non, petite femme, je n'ai pas peur de toi. Tu ne peux rien contre moi. Il est vrai que ton gendre est l'adjoint du représentant du Ministère Public, que ton neveu est l'adjoint du percepteur. Tu les invites à prendre une tasse de thé et tu leur glisses un mot. Il veut devenir District Attorney ou percepteur principal et cherche une victime "de la légalité et de l'ordre". Je sais fort bien comment ces choses se manigancent. Mais tout cela ne te sauvera pas de la culbute finale, petite femme. Ma vérité est plus forte que toi !

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