Avertissement :
il peut y avoir, dans cette dixième partie, un passage qui peut
laisser un goût amer aux lecteurs.
Premièrement,
si ce passage peut faire que l'on se sente mal par rapport à
l'auteur,cela ne veut pas dire que l'on remette toute son analyse en
cause. Lorsque l'on connaît les sujets de ses recherches, on
comprend qu'il ait été en lutte avec la pudibonderie de toute
l'Europe mais aussi celle plus exacerbée des américains. Ces gens
qui tolèrent le port de l'arme dans les facultés mais qui n'admet
pas voir un sein. Ces gens qui portent plainte à propos des textes
des chansons de métal parce qu'elles parlent de Satan, ou trouvent
dans ces mêmes textes en les écoutant à l'envers des messages
sataniques ou des incitations au suicide, ce sont eux les fanatiques.
Deuxièmement :
si dans ce passage, on peut émettre des réserves sur les propos de
l'auteur, j'affirme condamner toute forme de pédophilie comme toute
forme d'acte sexuel non consenti.
"C'est
un trotskyste ! Jetez-le en prison ! Il excite le peuple, ce chien
rouge !"
Non,
je n'excite pas le peuple. Je tâche de t'inspirer un peu de respect
de toi-même, un peu d'humanité. Car tu veux faire carrière, gagner
des voix, te faire nommer juge à la Cour Suprême ou Führer de tous
les prolétaires. Ta justice et ta mentalité de Führer sont la
corde au cou de l'humanité. Qu'as-tu fait de Wilson, personnage
grand et chaleureux ? Pour toi, juge du Bronx, il était un "rêveur",
pour toi, futur "Führer" de tous les prolétaires, il
était un "exploiteur du peuple". Tu l'as assassiné, petit
homme, par ton indifférence, ton bavardage, ta peur de ton propre
espoir. Tu as failli m'assassiner aussi, petit homme.
Est-ce
que tu te souviens de mon laboratoire, voici dix ans ? Tu étais un
assistant technique, tu étais en chômage, tu m'avais été
recommandé comme un socialiste de marque, membre d'un parti
gouvernemental. Tu recevais un bon traitement, tu jouissais de la
liberté au sens absolu du terme. Je t'ai permis de prendre part à
toutes nos discussions car je croyais en toi et en ta "mission".
Tu te rappelles sans doute la suite. La liberté t'a rendu fou.
Pendant des journées entières, je te voyais te promener, la pipe au
coin de la bouche, à bayer aux corneilles. Je ne comprenais pas
pourquoi tu
refusais
de travailler. Quand j'entrais le matin au laboratoire, tu attendais
d'un air provocateur que je te salue le premier. J'aime saluer les
gens le premier, petit homme. Mais si quelqu'un attend que je
le salue, je me fâche, car je suis, dans ton sens, ton
patron, ton "boss". Pendant quelques jours, je te laissai
ainsi abuser de ta liberté, puis j'eus une conversation avec toi.
Les larmes aux yeux, tu m'expliquas que tu ne savais que faire de ce
nouveau "régime" ; que tu n'étais pas habitué à la
liberté. Qu'aux postes que tu avais occupés auparavant, tu n'avais
même pas le droit de fumer en présence de ton patron, que tu ne
pouvais lui parler que s'il t'adressait la parole, toi, le futur
führer de tous les prolétaires. Or, dès que tu jouissais de la
vraie liberté, tu adoptais une attitude de provocation
insolente. Je t'ai compris et je ne t'ai pas mis à la porte. Plus
tard, tu es parti et tu as mis au courant de mes expériences un
psychiatre antialcoolique, expert auprès des tribunaux. C'était
toi, le mouchard, l'hypocrite, qui lança contre moi une
campagne de presse. Voilà ce que tu fais, petit homme, quand on
t'accorde la liberté. Contrairement à ce que tu pensais, ta
campagne de presse a fait avancer mon oeuvre de dix années.
Ainsi,
petit homme, je prends congé de toi. Je n'ai pas l'intention de te
servir à l'avenir, de me laisser tuer à petit feu par ma
sollicitude pour toi. Tu es incapable de me suivre dans les régions
lointaines où je me rends. Tu mourrais de peur si tu avais seulement
une vague idée de ce qui t'attend. Car tu assumeras le gouvernement
du monde. Mes étendues solitaires font partie de ton avenir. Mais
pour le moment, je ne te veux pas comme compagnon de voyage. Comme
compagnon de voyage, tu serais inoffensif seulement à l'auberge mais
non là où je me rends.
"Assommez-le
! Il médit de la civilisation que nous avons élaborée, moi, petit
homme, avec l'aide de l'homme de la rue. Je suis un homme libre dans
une démocratie libre ! Hourra !"
Tu
n'es rien, petit homme, rien du tout ! Ce n'est pas toi qui as
créé cette civilisation, mais quelques uns de tes honnêtes
maîtres. Tu ne sais pas ce que tu construis quand tu travailles sur
un chantier. Et si quelqu'un t'invite à prendre tes responsabilités
dans l'oeuvre d'édification, tu conspues le "traître à la
classe ouvrière" et tu vas rejoindre le "Père de tous les
prolétaires" qui se garde bien de te dire cela.
Tu
n'es pas libre, petit homme, et tu ne sais pas ce que c'est que la
liberté. Tu ne saurais pas vivre sous un régime de liberté. Qui,
en Europe, a porté la peste au pouvoir ? Toi, petit homme ! Et aux
Etats-Unis ?... Songe à Wilson...
"Ecoutez
! Il m'accuse, moi, petit homme. Qui suis-je, quel pouvoir
ai-je pour empêcher le président des Etats-Unis de faire ce qu'il
veut ? Je fais mon devoir, j'obéis à mes chefs, je ne m'occupe pas
de politique..."
...Même
quand il s'agit de jeter des milliers d'hommes et de femmes dans les
chambres à gaz, tu ne fais qu'obéir aux ordres de tes chefs, petit
homme ! Tu es si naïf que tu ne sais même pas que de telles choses
se font. N'est-il pas vrai ? Tu n'es qu'un pauvre diable qui n'a rien
à dire, qui n'a pas d'opinion. Qui es-tu pour te mêler de politique
? Je me le demande. J'ai entendu souvent cette chanson ! Mais je te
pose néanmoins une question : Pourquoi ne fais-tu pas en silence ton
devoir quand un homme vraiment compétent te dit de surveiller ton
entreprise et de ne pas frapper tes
enfants
? Quand il te répète sans arrêt de ne pas suivre le dictateur ?
Que fais-tu dans ce cas de ton devoir, de ta sage obéissance ? Non,
petit homme, tu ne prêtes jamais l'oreille à la vérité, tu
n'écoutes que le tapage. Alors tu hurles "heil !". Tu es
lâche et cruel, petit homme, tu n'as pas le sens du vrai devoir, du
devoir d'être humain et de sauvegarder ton humanité.
Tu imites mal le sage et bien le brigand. Tes films, tes programmes
de radio, tes bandes dessinées ne racontent que des histoires de
crimes.
Tu
traîneras ta personne et ta mesquinerie à travers les siècles
avant de devenir ton propre maître. Je me sépare de toi pour mieux
te servir à l'avenir. Car si je suis loin de toi, je ne risque pas
que tu me tues, et une oeuvre lointaine t'inspire plus de respect
qu'une oeuvre proche. Tu méprises ce qui est trop près de toi.
Tu places ton général ou ton feld-maréchal sur un socle pour mieux
le respecter, même s'il est méprisable. C'est pourquoi les grands
hommes ont toujours gardé leurs distances par rapport à toi, depuis
qu'on écrit l'histoire.
"Le
voilà qui sombre dans la folie des grandeurs ! Il est fou, fou à
lier !"
Je
sais, petit homme, que ton premier diagnostic est toujours la folie
quand tu entends une vérité que tu n'aimes pas. En ce qui te
concerne, tu te considères comme l' "Homo normalis",
l'homme normal. Tu as enfermé les fous, et ce sont les normaux qui
gouvernent le monde. Qui est donc responsable de tout le mal ? Pas
toi, évidemment, tu ne fais que ton devoir, et qui es-tu pour avoir
une opinion personnelle ? Je le sais, tu n'as pas besoin de me le
ressasser. D'ailleurs, ton sort n'intéresse personne, petit homme.
Mais quand je pense aux nouveau-nés que tu tortures pour en
faire
des "hommes normaux" à ton image, j'ai envie de revenir
vers toi pour empêcher ce crime. Mais tu as pris tes précautions en
instituant un "Ministère de l'éducation". J'aimerais te
promener à travers le monde, petit homme, pour te montrer un peu ce
que tu es, ce que tu as été, aujourd'hui et hier, à Vienne, à
Londres, à Berlin, comme "représentant de la volonté du
peuple", comme adepte d'une croyance. Tu te retrouveras partout,
tu te reconnaîtras partout, que tu sois Français, Allemand ou
Hottentot : il te suffira d'avoir le courage de te regarder.
"Maintenant,
il salit mon honneur ! Il souille ma mission !"
Je
ne fais ni l'un ni l'autre, petit homme. Je serais au contraire fort
aise si tu pouvais me prouver le contraire, si tu pouvais me
prouver que tu as le courage de te regarder en face. Tu dois fournir
des preuves tout comme le maçon qui construit une maison. Une
maison, cela doit exister et être habitable. Le maçon n'a pas le
droit de me reprocher d' "offenser son honneur" si je lui
prouve qu'au lieu de construire des maisons il se contente de me
parler de sa "mission de constructeur". De la même
manière, tu dois me prouver que tu es l'édificateur de
l'avenir de l'humanité. Il ne sert à rien de te cacher lâchement
derrière les slogans de l' "honneur de la nation" ou du
"prolétariat". Tu as jeté le masque, petit homme !
Ainsi,
j'ai dit que j'allais prendre congé de toi. Cette décision, je l'ai
prise après des années de réflexion et d'innombrables nuits
blanches. Bien sûr, les futurs Führer de tous les prolétaires ne
font pas tant d'embarras. Aujourd'hui, ils sont tes chefs, demain ils
seront des scribouillards apathiques dans la rédaction d'une
quelconque feuille de chou. Ils changent d'opinion comme de chemise.
Ce n'est pas là mon genre. Je continue de me faire du souci pour toi
et ton avenir. Mais comme tu es incapable de respecter quelqu'un
vivant auprès de toi, je dois prendre mes distances. Tes petits
enfants seront les héritiers de mes peines. Je le sais. J'attends
qu'ils profitent des fruits de mon labeur, comme j'ai attendu trente
ans que tu en profites toi-même. Mais tu préfères hurler : "A
bas le capitalisme ! A bas la constitution américaine !"
Suis-moi,
petit homme. Je vais te montrer quelques instantanés de toi-même !
Ne te sauve pas ! Ce n'est pas très édifiant mais salutaire, et
puis tu ne courras aucun risque.
Il
y a cent ans environ, tu appris, à la manière des perroquets, à
répéter ce que radotaient les physiciens qui construisaient des
machines et affirmaient que l'âme n'existe pas. Puis, un grand homme
s'est levé et t'a montré ton âme : il est vrai qu'il n'avait pas
d'idée très précise sur les rapporte entre ton âme et ton corps.
Tu as dit : "Ridicule, cette psychanalyse, du charlatanisme ! On
peut analyser l'urine, mais pas la psyché." Tu disais cela
parce que tout ce que tu savais en matière de médecine c'était
qu'on pouvait analyser l'urine. Pendant quarante ans, on s'est battu
pour ton âme.
Je
sais combien la lutte était dure, parce que j'y ai pris part. Un
jour tu as découvert qu'on pouvait gagner beaucoup d'argent avec les
maladies de l'âme. Il suffit de faire venir le malade une heure tous
les jours, pendant des années, et de lui facturer ces heures. C'est
à partir de ce moment-là, mais pas avant, que tu as cru en
l'existence de l'âme. Entre-temps la science du corps a fait des
progrès silencieux. J'ai découvert que ton esprit est une fonction
de ton énergie vitale, en d'autres termes qu'il y a unité entre le
corps et l'âme. Je me suis rué dans cette brèche, et j'ai pu
montrer que tu projettes ton énergie vitale quand tu te sens bien et
quand tu aimes, que tu la rétractes vers le centre de ton corps
quand tu as peur. Pendant quinze ans tu as jeté le voile du silence
sur ces découvertes. Mais j'ai poursuivi mon travail dans la même
direction et j'ai découvert que l'énergie vitale, à laquelle j'ai
donné le nom d' "orgone", existe aussi dans l'atmosphère.
J'ai réussi à la voir et j'ai inventé des appareils pour
l'agrandir et la rendre visible. Pendant que tu jouais aux cartes,
que tu parlais politique, que tu tourmentais ta femme ou ruinais ton
enfant, je passais des heures dans ma chambre obscure, deux années
durant, plusieurs heures chaque jour, afin de m'assurer que j'avais
réellement découvert l'énergie vitale. J'ai appris peu à peu à
montrer ma découverte à d'autres personnes, et j'ai pu vérifier
qu'elles voyaient la même chose que moi.
Si
tu es un médecin qui prend l'âme pour une sécrétion des glandes
endocrines, tu raconteras à un de mes malades guéris que le succès
de la cure est dû à la "suggestion". Si tu souffres de
doutes obsessionnels et que tu aies peur de l'obscurité, tu diras
que la démonstration est due à la "suggestion" et que tu
avais l'impression d'assister à une séance de spiritisme. Voilà
comment tu réagis, petit homme. tu papotes sur l'âme en 1946 avec
la même sotte assurance avec laquelle tu as nié son existence en
1920. Tu es resté le même petit homme. En 1984, tu gagneras des
fortunes avec l'orgone et tu mettras en doute, tu insulteras, tu
calomnieras, tu ruineras une autre vérité, comme tu as calomnié et
ruiné l'âme après la découverte de l'esprit et l'orgone après la
découverte de l'énergie cosmique. Et tu resteras toujours le petit
homme "sceptique", qui hurle "heil" par-ci et
par-là. Est-ce que tu te souviens de ce que tu as dit après la
découverte de la rotation de la terre et de son mouvement dans
l'espace ? Ta réponse a été la plaisanterie stupide que maintenant
les verres tomberont du plateau du sommelier. Cela s'est passé il y
a quelques siècles et tout a été oublié, évidemment. Tout ce que
tu as retenu de Newton c'est qu'il a vu "tomber une pomme"
; quant à Rousseau, il voulait "revenir à la nature". De
Darwin tu as retenu "la survie du plus fort", mais non "ta
descendance du singe". Tu aimes citer le "Faust" de
Goethe, mais tu n'y comprends pas plus qu'un chat aux math' élém'.
Tu es stupide et vaniteux, ignorant et simiesque, petit homme ! Mais
tu es passé maître dans l'art d'esquiver l'essentiel et de retenir
l'erreur. Je te l'ai déjà dit. Tu exposes ton Napoléon, petit
bonhomme galonné d'or, qui ne nous a rien laissé sauf le service
militaire obligatoire, dans toutes les librairies, en grands
caractères dorés, mais mon Kepler, qui a pressenti ton origine
cosmique, ne figure dans aucune bibliothèque. Voilà pourquoi tu
n'arrives pas à te dépêtrer du bourbier, petit homme ! C'est
pourquoi je te réprimande sévèrement quand tu t'imagines que j'ai
sacrifié vingt années de ma vie et une fortune pour te "suggérer"
l'existence de l'énergie cosmique. Non, petit homme, en consentant
ce sacrifice, j'ai réellement appris à guérir la peste dans ton
corps. Cela, tu ne veux pas le croire. N'as tu pas dit un jour en
Norvège que "quelqu'un qui dépense tant d'argent pour des
expériences doit être détraqué" ? Tu ne peux t'imaginer que
quelqu'un puisse côtoyer un représentant de l'autre sexe sans
aussitôt envisager un "tour de lit". Je t'ai compris : tu
juges d'après toi-même. Tu sais seulement prendre sans donner.
Je te respecterais si tu étais un voleur de bonheur d'envergure ;
mais tu es un chipoteur lâche et misérable. Tu es malin, mais
souffrant de constipation psychique, tu es incapable de créer.
Ainsi, tu vas voler un os pour le ronger dans un coin, selon une
formule de Freud. Tu te précipites sur l'homme généreux, sur celui
qui distribue joyeusement ses biens, pour le spolier, mais c'est toi
le pervers et le corniaud et tu infliges à l'homme généreux ces
noms. Tu te gorges de son savoir, de son
bonheur, de sa grandeur, mais tu ne peux digérer ce que tu as
englouti. Tu le rechies aussitôt et la puanteur est
épouvantable. Or, pour préserver ta dignité après l'avoir volé,
tu salis l'homme généreux, tu le traites de fou, de charlatan, de
"corrupteur de l'âme enfantine". Parlons-en, petit homme :
Tu te rappelles (tu étais le président d'une société de savants)
avoir répandu le bruit que je faisais assister des enfants à l'acte
sexuel ? C'était après la publication de mon premier article sur
les droits sexuels des enfants. Une autre fois (tu étais à cette
époque le président intérimaire d'une "Association
culturelle" berlinoise), tu répandis le bruit que je conduisais
des fillettes en voiture dans les bois pour les séduire. Je n'ai
jamais séduit des adolescentes, petit homme ! Ces accusations sont
le fruit de ton imagination obscène ; j'aime ma bien-aimée, j'aime
ma femme. A la différence de toi, je suis capable d'aimer ma femme
et je n'ai pas besoin, comme toi, de séduire de petites filles dans
les bois.
Et
toi, petite adolescente, ne rêves-tu pas de ton héros de cinéma ?
Ne dors-tu pas avec sa photo sous l'oreiller ? Ne fais-tu pas tout
pour l'approcher, pour le séduire en prétendant que tu as dix-huit
ans ? Puis, tu portes plainte, tu l'accuses de viol, ton héros de
cinéma. Il sera acquitté ou condamné, et tes grand-mères
embrassent les mains de ton héros de cinéma. Comprends-tu petite
fille ? Tu voulais coucher avec ton héros de cinéma, mais tu
n'avais pas le courage d'en assumer la responsabilité. Tu as préféré
l'accuser de viol et jouer le rôle de la pauvre fille violée. C'est
aussi ton cas, pauvre femme violée, qui as éprouvé plus de plaisir
avec ton chauffeur qu'avec ton mari. Petite femme blanche, n'est-ce
pas toi qui as séduit le chauffeur noir, l'homme qui a su préserver
sa sexualité saine et naturelle ? Puis, tu l'as dénoncé pour viol
; pauvre petite créature, victime d'un homme d'une "race
inférieure". Toi, tu es pure, blanche, tes ancêtres ont
traversé l'océan à bord du "Mayflower"; tu es la "Fille
de telle ou de telle Révolution", d'un homme du Nord ou du Sud,
dont le grand-père s'est enrichi en pratiquant la traite des Noirs,
kidnappée dans la jungle libre ! Comme tu es innocente, pure,
blanche, sans le moindre désir de posséder un Noir, pauvre petite
femme ! Tu n'es qu'une lâche, misérable descendante d'une race
dégénérée de chasseurs d'esclaves, de quelque cruel Cortez qui
attira dans ses filets des milliers d'Aztèques confiants pour les
canarder lâchement.
Pauvres
filles de telle ou telle révolution. Que savez-vous de
l'émancipation ? Que savez-vous des aspirations de révolutionnaires
américains, de Lincoln qui a libéré vos esclaves que vous avez
livrés "à la libre concurrence de l'économie de marché".
Regardez-vous dans une glace. Vous y reconnaîtrez, aussi anodines et
innocentes, les "filles de la Révolution russe" ! Si
vous aviez été capables de donner une seule fois votre amour à un
homme, vous auriez sauvé la vie à plus d'un nègre, à plus d'un
Juif, à plus d'un travailleur. Comme vous tuez dans les enfants
votre propre vie, ainsi vous tuez dans les Noirs votre rêve d'amour,
votre désir du plaisir devenu obscénité et pornographie. Je vous
connais, filles et femmes de la haute finance. Vos organes génitaux
dégénérés sont le berceau de vilénies sans nom ! Non, fille de
telle ou de telle révolution, je ne brigue pas un poste de LL. D. ou
de commissaire. Je laisse ce soin à vos animaux raidis en robes et
en uniformes. J'aime mes oiseaux, mes chevreuils, mes belettes, qui
sont proches du Nègre. Je songe aux Nègres de la brousse et non à
ceux de Harlem en faux-col et redingote ! Je ne songe pas aux grasses
Négresses parées de boucles d'oreilles dont le plaisir frustré
s'est transformé en graisse superflue. Je songe aux filles sveltes
et souples des mers du Sud dont un débauché de telle ou telle armée
abuse ; filles qui ignorent que tu prends leur pur amour comme tu
prendrais une putain dans un bordel.
Non,
fillette, tu aspires à la vie qui n'a pas encore compris qu'elle est
exploitée et méprisée. Mais ton heure approche ! Tu ne remplis
plus la fonction d'une vierge au service de la race allemande. Tu
continues à vivre comme vierge russe au service de ta classe, ou
comme fille de la Révolution américaine. Dans 500 ou 1000 ans,
quand des filles et des garçons bien portants jouiront de l'amour et
le protégeront, il ne restera de toi qu'un souvenir ridicule.
N'as-tu pas fermé tes salles de concert à Marian Anderson, à la
voix de la vie, toi, petite femme rongée par le cancer ? Son nom
chantera pendant des siècles lorsque le tien se sera évanoui. Je me
demande si Marian Anderson pense aussi en fonction des siècles
ou si elle interdit aussi l'amour à son enfant ? Je l'ignore. La vie
avance par grands et par petits bonds ! Elle se contente de la vie.
Elle s'est retirée de toi, petite femme rongée par le cancer.
Tu
as répandu le conte de fée, petite femme, que tu représentes "LA
SOCIETE", et ton petit mari l'a gobé. Or il n'en est rien. Il
est vrai que tu annonces tous les jours dans les journaux chrétiens
et juifs quand ta fille compte étreindre tel homme ; mais cela
n'intéresse aucune personne tant soit peu sérieuse. La "société"
c'est moi, le charpentier, le jardinier, le
maître d'école, le médecin, l'ouvrier d'usine.
La société ce n'est pas toi, petite femme rongée par le cancer,
raide, au masque rigide. Tu n'es pas la vie, tu es sa caricature !
Mais je comprends fort bien pourquoi tu te retires dans ta forteresse
luxueuse. Tu ne pouvais rien faire d'autre face à la mesquinerie des
charpentiers, des jardiniers, des médecins, des maîtres d'école,
des ouvriers d'usine. Etant donné cette peste, c'était la chose la
plus sage à faire. Mais ta bassesse, ta mesquinerie s'est glissée
dans tes os, avec ta constipation, tes rhumatismes, ta rigidité de
masque, ton refus de la vie. Tu es malheureuse, pauvre petite femme,
parce que tes fils vont au-devant du désastre, tes filles se
débauchent, tes maris se dessèchent, ta vie pourrit avec tes
tissus. Tu ne peux pas me raconter d'histoires, petite fille de la
Révolution : je t'ai vue nue. Tu es lâche, tu as toujours été
lâche. Tu tenais le bonheur de l'humanité entre tes mains, tu as
tout gaspillé. Tu as mis au monde des Présidents, tu leur as donné
ta mentalité mesquine. Ils se font photographier et reproduire sur
des médailles, ils sourient en permanence, mais ils n'osent appeler
la vie par son nom, petite fille de la Révolution ! Tu portais le
monde dans tes mains, et tu as lâché des bombes atomiques sur
Hiroshima et Nagasaki; à vrai dire, c'est ton fils qui les a
lâchées. Tu as lâché ta pierre tombale, petite femme rongée par
le cancer. Avec une seule bombe, tu as expédié dans le silence du
tombeau ta classe et ta race toute entière. Car tu n'as pas eu assez
de sentiments humains pour lancer un avertissement aux hommes, aux
femmes, aux enfants d'Hiroshima et de Nagasaki. Tu n'as pas eu la
grandeur d'âme d'être humaine ! C'est pourquoi tu disparaîtras
silencieusement, comme une pierre s'enfonçant dans l'océan. Peu
importe ce que tu penses ou dis maintenant, petite femme qui a mis au
monde des généraux idiots. D'ici cinq cents ans on se moquera de
toi, on s'étonnera. Qu'on ne le fasse pas déjà aujourd'hui est une
des preuves de la misère de ce monde ! Je sais ce que tu vas me
répondre, petite femme. Les apparences militent en ta faveur ; il
fallait "défendre le pays". J'ai entendu la même chanson
déjà dans la vieille Autriche. As-tu jamais entendu un cocher de
fiacre viennois crier: "Hourra, mein Kaiser !" ? Non ? Tu
n'as qu'à écouter ta propre voix ; c'est la même chose. Non,
petite femme, je n'ai pas peur de toi. Tu ne peux rien contre moi. Il
est vrai que ton gendre est l'adjoint du représentant du Ministère
Public, que ton neveu est l'adjoint du percepteur. Tu les invites à
prendre une tasse de thé et tu leur glisses un mot. Il veut devenir
District Attorney ou percepteur principal et cherche une victime "de
la légalité et de l'ordre". Je sais fort bien comment ces
choses se manigancent. Mais tout cela ne te sauvera pas de la culbute
finale, petite femme. Ma vérité est plus forte que toi !
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