"C'est
un fanatique monomaniaque ! Est-ce que je n'ai aucune fonction
dans la société ?"
Je
vous ai simplement montré en quoi vous êtes petits et vils,
petits hommes et petites femmes ! Je n'ai même pas mentionné votre
utilité et votre importance. Est-ce que vous croyez que je vous
aurais parlé au risque de ma vie, si vous étiez négligeables ?
Votre petitesse et votre bassesse sont d'autant plus effrayantes que
vous assumez de terribles responsabilités. On dit que vous êtes
stupides ; moi, je prétends que vous êtes intelligents mais lâches.
On dit que vous êtes le fumier de la société humaine ; moi, je dis
que vous êtes sa semence. On dit que la culture a besoin d'esclaves.
Moi,
je dis qu'aucune culture n'a été édifiée sur l'esclavage. Cet
affreux XXème siècle a ridiculisé toutes les théories culturelles
depuis Platon. La culture humaine n'a pas encore vu le jour, petit
homme ! Nous commençons seulement à comprendre les horribles
déviations et la dégénérescence pathologique de l'animal humain.
Ces "propos adressés au petit homme", ou d'autres textes,
décents, sont à la culture des millénaires à venir ce que
l'invention de la roue était, il y a mille ans, à la locomotive
diesel moderne !
Tes
perspectives sont infiniment trop petites, petit homme, tu ne vois
pas plus loin que du petit déjeuner au déjeuner. Tu devras
apprendre à embrasser par ta pensée de vastes espaces, les siècles
passés comme les millénaires à venir. Tu devras apprendre à
penser en fonction de la vie, à considérer ton évolution
depuis la première molécule de protoplasme jusqu'à l'animal humain
qui sais marcher en position verticale, mais qui ne sait pas encore
penser correctement. Tu n'as même pas gardé le souvenir
d'événements qui se sont passés il y a dix ou vingt ans, et tu
répètes les mêmes âneries que les hommes ont débitées il y a
2000 ans et davantage. Pis, tu t'accroches à des insanités telles
que "race", "classe", "nation",
"contrainte religieuse", "interdiction d'aimer",
comme un pou s'accroche à une fourrure. Tu n'oses pas mesurer du
regard la profondeur de ta misère. De temps en temps, ta tête
émerge du bourbier et tu cries "heil !". Le coassement
d'une grenouille dans une mare est plus près de la vie !
"Pourquoi
ne me tires-tu pas du bourbier ? Pourquoi ne prends-tu pas part à
mes réunions de parti, à mes parlements, à mes conférences
diplomatiques ? Tu es un traître ! Tu as lutté et souffert pour
moi, tu as consenti de grands sacrifices. Maintenant, tu m'insultes
!"
Je
suis incapable de te tirer du bourbier. Tu es le seul qui puisses le
faire. Je n'ai jamais participé à des meetings et réunions, parce
que tu n'y fais que crier: "A bas l'essentiel ! Discutons de
l'accessoire !" Il est vrai que j'ai lutté pour toi pendant
vingt-cinq ans, que j'ai sacrifié ma sécurité professionnelle et
la chaleur du nid familial ; j'ai donné pas mal d'argent à tes
organisations, j'ai même pris part à tes "marches de la faim",
et à tes parades. Je t'ai donné des milliers de consultations
médicales, sans la moindre contrepartie. Je suis allé d'un pays à
l'autre pour toi et souvent à ta place, pendant que tu criais à
tue-tête I-ah, I-ah, allala ! J'étais prêt à mourir pour toi
quand je te promenais en voiture en luttant contre la peste
politique, alors qu'on me menaçait de mort ; quand tes enfants ont
manifesté, je les ai protégés des attaques de la Police ; j'ai
dépensé tout mon argent pour installer des dispensaires
psychiatriques destinés à te prodiguer aide et conseils. Tu m'as
tout pris et tu ne m'as jamais rien rendu ! Tu voulais être sauvé,
mais au cours de ces trente années affreuses, tu n'as jamais formulé
une seule pensée féconde. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
tu n'avais pas avancé d'un pouce par rapport à la période
d'avant-guerre. Tu te trouvais peut-être un peu plus à "gauche"
ou à "droite", mais tu n'as pas AVANCE d'un
millimètre ! Tu as gaspillé tout le profit de la Révolution
française ; de la Révolution russe, plus importante encore, tu as
fait un cauchemar pour le monde entier ! Ton horrible défaillance,
que seuls des coeurs généreux peuvent comprendre sans te haïr et
te mépriser, a plongé dans un désespoir immense tous ceux qui
étaient disposés à tout sacrifier pour toi. Pendant ces années
atroces, pendant un demi-siècle
d'horreur,
tu n'as prononcé que des platitudes, tu n'as pas dit un seul mot
intelligent. Je n'ai pas perdu courage, car pendant ce temps, j'ai
appris à mieux connaître ta maladie. J'ai compris que tu ne pouvais
agir et penser autrement. J'ai vu ta peur mortelle de la vie en toi,
une peur qui te remet sans cesse sur la bonne voie et t'égare
ensuite. Tu ne comprends pas que la connaissance mène à l'espoir.
Tu aspires à l'espoir, mais tu ne donnes pas l'espoir aux autres.
C'est pourquoi tu m'as appelé, face à la décadence complète de
ton monde, un "optimiste", petit homme. Oui, je suis un
optimiste, je mise sur l'avenir. Pourquoi ? me demandes-tu. Je vais,
te le dire : Tant que je m'attachais à toi, tel que tu étais, j'ai
toujours ressenti comme un choc ton étroitesse d'esprit. Des
milliers de fois j'ai oublié le mal que tu m'as fait quand j'ai
essayé de t'aider, et des milliers de fois tu m'as rappelé ta
maladie. Puis, j'ai enfin ouvert les yeux et je t'ai regardé en
face. Ma première réaction a été le mépris et la haine. Mais peu
à peu j'ai appris à comprendre ta maladie, et cette
compréhension a fini par effacer mon mépris et ma haine. Je ne t'en
voulais plus d'avoir ruiné le monde par ta première tentative d'en
assumer le gouvernement. J'avais compris qu'il ne pouvait en être
autrement, puisque, pendant des millénaires, tu as été empêché
de vivre la vie telle qu'elle est.
J'ai
découvert la loi du fonctionnement de la vie, petit homme,
pendant que tu criais "il est fou". Tu étais à cette
époque un petit psychiatre, tu avais travaillé dans un mouvement de
jeunesse, mais la maladie cardiaque te menaçait, puisque tu étais
impuissant. Plus tard, tu es mort de chagrin, car pour peu qu'on ait
un grain d'honnêteté en soi, on ne peut voler et calomnier
impunément. Or, tu as gardé un reste d'honnêteté dans quelque
recoin de ton âme, petit homme ! Quand tu croyais me donner le coup
de pied de l'âne, tu t'imaginais que j'étais au bout de mon
rouleau, car tu savais que j'avais raison et que tu étais incapable
de me suivre. En me voyant me redresser comme un poussah, plus fort,
plus lumineux, plus déterminé que jamais, la terreur te terrassa.
En mourant, tu compris que j'avais sauté par-dessus les abîmes et
les fossés que tu avais creusés pour me faire trébucher. N'as-tu
pas présenté ma doctrine comme la tienne dans tes
organisations craintives ? Eh bien, les personnes honnêtes de ton
organisation étaient informées ; je le sais parce qu'elles me l'ont
dit. Non, petit homme, en cherchant des biais, on creuse sa propre
tombe.
Comme
tu menaces toute vie, comme il est impossible de s'en tenir en ta
présence à la vérité sans recevoir un couteau dans le dos ou de
la merde dans la figure, j'ai pris mes distances. Je le répète : je
me suis éloigné de toi mais non de ton avenir. Je n'ai pas
abandonné l'humanité, mais ton inhumanité et ta bassesse.
Je
suis toujours disposé à consentir des sacrifices pour la vie
agissante, mais plus pour toi, petit homme ! Il y a peu, je me
suis rendu compte que j'ai commis pendant vingt-cinq ans une erreur
immense : je me suis dépensé pour toi et ta vie parce que je
croyais que tu étais la vie, le progrès, l'avenir, l'espoir.
D'autres personnes animées de la même droiture et de la même
véracité pensaient également trouver la vie en toi. Toutes ont
péri. L'ayant compris, j'ai décidé de ne pas me laisser tuer par
ton étroitesse d'esprit et ta bassesse. Car il me reste des affaires
importantes à régler. J'ai
découvert
la vie, petit homme. Je ne peux plus longtemps te confondre avec
la vie que j'ai sentie en toi et cherchée en toi.
"C'est
un fanatique monomaniaque ! Est-ce que je n'ai aucune fonction
dans la société ?"
Je
vous ai simplement montré en quoi vous êtes petits et vils,
petits hommes et petites femmes ! Je n'ai même pas mentionné votre
utilité et votre importance. Est-ce que vous croyez que je vous
aurais parlé au risque de ma vie, si vous étiez négligeables ?
Votre petitesse et votre bassesse sont d'autant plus effrayantes que
vous assumez de terribles responsabilités. On dit que vous êtes
stupides ; moi, je prétends que vous êtes intelligents mais lâches.
On dit que vous êtes le fumier de la société humaine ; moi, je dis
que vous êtes sa semence. On dit que la culture a besoin d'esclaves.
Moi,
je dis qu'aucune culture n'a été édifiée sur l'esclavage. Cet
affreux XXème siècle a ridiculisé toutes les théories culturelles
depuis Platon. La culture humaine n'a pas encore vu le jour, petit
homme ! Nous commençons seulement à comprendre les horribles
déviations et la dégénérescence pathologique de l'animal humain.
Ces "propos adressés au petit homme", ou d'autres textes,
décents, sont à la culture des millénaires à venir ce que
l'invention de la roue était, il y a mille ans, à la locomotive
diesel moderne ! Tes perspectives sont infiniment trop petites, petit
homme, tu ne vois pas plus loin que du petit déjeuner au déjeuner.
Tu devras apprendre à embrasser par ta pensée de vastes espaces,
les siècles passés comme les millénaires à venir. Tu devras
apprendre à penser en fonction de la vie, à considérer ton
évolution depuis la première molécule de protoplasme jusqu'à
l'animal humain qui sais marcher en position verticale, mais qui ne
sait pas encore penser correctement. Tu n'as même pas gardé le
souvenir d'événements qui se sont passés il y a dix ou vingt ans,
et tu répètes les mêmes âneries que les hommes ont débitées il
y a 2000 ans et davantage. Pis, tu t'accroches à des insanités
telles que "race", "classe", "nation",
"contrainte religieuse", "interdiction d'aimer",
comme un pou s'accroche à une fourrure. Tu n'oses pas mesurer du
regard la profondeur de ta misère. De temps en temps, ta tête
émerge du bourbier et tu cries "heil !". Le coassement
d'une grenouille dans une mare est plus près de la vie !
"Pourquoi
ne me tires-tu pas du bourbier ? Pourquoi ne prends-tu pas part à
mes réunions de parti, à mes parlements, à mes conférences
diplomatiques ? Tu es un traître ! Tu as lutté et souffert pour
moi, tu as consenti de grands sacrifices. Maintenant, tu m'insultes
!" Je suis incapable de te tirer du bourbier. Tu es le seul qui
puisses le faire. Je n'ai jamais participé à des meetings et
réunions, parce que tu n'y fais que crier: "A bas l'essentiel !
Discutons de l'accessoire !" Il est vrai que j'ai lutté pour
toi pendant vingt-cinq ans, que j'ai sacrifié ma sécurité
professionnelle et la chaleur du nid familial ; j'ai donné pas mal
d'argent à tes organisations, j'ai même pris part à tes "marches
de la faim", et à tes parades. Je t'ai donné des milliers de
consultations médicales, sans la moindre contrepartie. Je suis allé
d'un pays à l'autre pour toi et souvent à ta place, pendant que tu
criais à tue-tête I-ah, I-ah, allala ! J'étais prêt à mourir
pour toi quand je te promenais en voiture en luttant contre la peste
politique, alors qu'on me menaçait de mort ; quand tes enfants ont
manifesté, je les ai protégés des attaques de la Police ; j'ai
dépensé tout mon argent pour installer des dispensaires
psychiatriques destinés à te prodiguer aide et conseils. Tu m'as
tout pris et tu ne m'as jamais rien rendu ! Tu voulais être sauvé,
mais au cours de ces trente années affreuses, tu n'as jamais formulé
une seule pensée féconde. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
tu n'avais pas avancé d'un pouce par rapport à la période
d'avant-guerre. Tu te trouvais peut-être un peu plus à "gauche"
ou à "droite", mais tu n'as pas AVANCE d'un
millimètre ! Tu as gaspillé tout le profit de la Révolution
française ; de la Révolution russe, plus importante encore, tu as
fait un cauchemar pour le monde entier ! Ton horrible défaillance,
que seuls des coeurs généreux peuvent comprendre sans te haïr et
te mépriser, a plongé dans un désespoir immense tous ceux qui
étaient disposés à tout sacrifier pour toi. Pendant ces années
atroces, pendant un demi-siècle d'horreur, tu n'as prononcé que des
platitudes, tu n'as pas dit un seul mot intelligent. Je n'ai pas
perdu courage, car pendant ce temps, j'ai appris à mieux connaître
ta maladie. J'ai compris que tu ne pouvais agir et penser autrement.
J'ai vu ta peur mortelle de la vie en toi, une peur qui te remet sans
cesse sur la bonne voie et t'égare ensuite. Tu ne comprends pas que
la connaissance mène à l'espoir. Tu aspires à l'espoir, mais tu ne
donnes pas l'espoir aux autres. C'est pourquoi tu m'as appelé, face
à la décadence complète de ton monde, un "optimiste",
petit homme. Oui, je suis un optimiste, je mise sur l'avenir.
Pourquoi ? me demandes-tu. Je vais, te le dire : Tant que je
m'attachais à toi, tel que tu étais, j'ai toujours ressenti comme
un choc ton étroitesse d'esprit. Des milliers de fois j'ai oublié
le mal que tu m'as fait quand j'ai essayé de t'aider, et des
milliers de fois tu m'as rappelé ta maladie. Puis, j'ai enfin ouvert
les yeux et je t'ai regardé en face. Ma première réaction a été
le mépris et la haine. Mais peu à peu j'ai appris à comprendre
ta maladie, et cette compréhension a fini par effacer mon mépris
et ma haine. Je ne t'en voulais plus d'avoir ruiné le monde par ta
première tentative d'en assumer le gouvernement. J'avais compris
qu'il ne pouvait en être autrement, puisque, pendant des
millénaires, tu as été empêché de vivre la vie telle qu'elle
est.
J'ai
découvert la loi du fonctionnement de la vie, petit homme,
pendant que tu criais "il est fou". Tu étais à cette
époque un petit psychiatre, tu avais travaillé dans un mouvement de
jeunesse, mais la maladie cardiaque te menaçait, puisque tu étais
impuissant. Plus tard, tu es mort de chagrin, car pour peu qu'on ait
un grain d'honnêteté en soi, on ne peut voler et calomnier
impunément. Or, tu as gardé un reste d'honnêteté dans quelque
recoin de ton âme, petit homme ! Quand tu croyais me donner le coup
de pied de l'âne, tu t'imaginais que j'étais au bout de mon
rouleau, car tu savais que j'avais raison et que tu étais incapable
de me suivre. En me voyant me redresser comme un poussah, plus fort,
plus lumineux, plus déterminé que jamais, la terreur te terrassa.
En mourant, tu compris que j'avais sauté par-dessus les abîmes et
les fossés que tu avais creusés pour me faire trébucher. N'as-tu
pas présenté ma doctrine comme la tienne dans tes
organisations craintives ? Eh bien, les personnes honnêtes de ton
organisation étaient informées ; je le sais parce qu'elles me l'ont
dit. Non, petit homme, en cherchant des biais, on creuse sa propre
tombe. Comme tu menaces toute vie, comme il est impossible de s'en
tenir en ta présence à la vérité sans recevoir un couteau dans le
dos ou de la merde dans la figure, j'ai pris mes distances. Je le
répète : je me suis éloigné de toi mais non de ton avenir. Je
n'ai pas abandonné l'humanité, mais ton inhumanité et ta bassesse.
Je
suis toujours disposé à consentir des sacrifices pour la vie
agissante, mais plus pour toi, petit homme ! Il y a peu, je me
suis rendu compte que j'ai commis pendant vingt-cinq ans une erreur
immense : je me suis dépensé pour toi et ta vie parce que je
croyais que tu étais la vie, le progrès, l'avenir, l'espoir.
D'autres personnes animées de la même droiture et de la même
véracité pensaient également trouver la vie en toi. Toutes ont
péri. L'ayant compris, j'ai décidé de ne pas me laisser tuer par
ton étroitesse d'esprit et ta bassesse. Car il me reste des affaires
importantes à régler. J'ai
découvert
la vie, petit homme. Je ne peux plus longtemps te confondre avec
la vie que j'ai sentie en toi et cherchée en toi.
Ce
n'est qu'en établissant une ligne de partage claire et nette entre
la vie, ses fonctions et ses caractéristiques, et ton genre
d'existence, que je contribuerai efficacement à la sauvegarde de la
vie et de ton avenir. Je sais qu'il faut du courage pour te
désavouer. Mais je pourrai travailler pour l'avenir, parce que je ne
ressens aucune compassion pour toi, et parce que je ne tiens pas à
être porté sur le pavois par toi, comme tes misérables Führer.
Depuis quelque temps, la vie commence à se révolter quand on en
abuse. C'est là le commencement de ton brillant avenir et la fin
atroce de la petitesse de tous les petits hommes. Car nous avons fini
par démasquer les méthodes de la peste émotionnelle. Elle accuse
la Pologne de faire des préparatifs de guerre quand elle est sur le
point de l'attaquer. Elle attribue au rival des intentions
meurtrières quand elle s'apprête à l'assassiner. Elle reproche à
la vie saine des perversions sexuelles quand elle à l'intention de
se livrer à quelque projet pornographique.
On
t'a démasqué, petit homme, et on a jeté un regard derrière la
façade de ta bassesse et de ton minabilisme. On veut que tu
détermines le cours du monde par ton travail et tes
réalisations ; mais on ne veut pas que tu remplaces un tyran
par un autre pire que le premier. On commence à exiger que tu te
soumettes plus strictement, petit homme, aux règles de la vie, comme
tu l'exiges des autres, que tu t'amendes toi-même avant de
critiquer. On connaît mieux ta manie de cancaner, ta cupidité, ton
refus de toute responsabilité, bref de ta maladie qui empeste le
monde. Je sais que tu n'aimes pas entendre ces vérités et que tu
préfères crier "heil", toi qui prétends assurer l'avenir
du
prolétariat
et du "Quatrième Reich". Mais je suis certain que tu
réussiras moins bien que par le passé. Nous avons découvert la
clef de ton comportement pendant des millénaires. Tu es brutal,
petit homme, derrière ton masque de sociabilité et de gentillesse.
Tu ne peux passer une demi journée avec moi sans montrer le bout de
l'oreille. Tu ne me crois pas ? Je vais rafraîchir ta mémoire : Tu
te souviens sans doute de cet après-midi lumineux où tu vins me
voir, cette fois-là sous les traits d'un bûcheron en quête de
travail. Mon petit chien te renifla amicalement et sauta autour de
toi. Tu reconnus en lui le fils d'un splendide chien de chasse. Tu me
dis: "Pourquoi ne l'attaches-tu pas pour qu'il devienne méchant
? Ce chien est beaucoup trop accueillant !" Je répondis : "Je
n'aime pas les chiens méchants qu'on attache. Je n'aime pas les
chiens méchants !" Mon cher petit bûcheron, j'ai plus
d'ennemis que toi, mais je préfère que mon chien soit aimable avec
tout le monde ! Tu te souviens sans doute de ce dimanche pluvieux,
quand, accablé en pensant à ta rigidité biologique, j'avais
cherché refuge dans un bar. J'avais pris place à une table et
commandé un whisky (non, petit homme, je ne suis pas un pochard,
même si je bois de temps en temps un verre). Bien, J'avais donc
commandé un "higball". Tu venais de rentrer au pays, tu
avais un peu trop bu, tu parlais des Japonais comme de "vilains
singes". Puis, tu disais avec cette expression du visage que tu
prenais parfois pendant les consultations dans mon cabinet : "Tu
sais ce qu'on devrait faire de tous ces "Japs" de la Côte
occidentale ? On devrait les pendre, pas d'un coup mais lentement, en
resserrant le noeud toutes les cinq minutes..." Et tu illustrais
ton propos d'un geste de la main, petit homme. Le garçon approuvait
de la tête et admirait ton mâle héroïsme. Est-ce que tu as déjà
tenu un bébé japonais entre tes bras, petit patriote ? Non !
Pendant des siècles tu pendras des espions japonais, des pilotes
américains, des paysannes russes, des officiers allemands, des
anarchistes anglais, des communistes grecs; tu les passeras par les
armes, tu les électrocuteras, tu les feras périr dans tes chambres
à gaz; mais cela ne changera rien à la constipation de tes boyaux
et de ton esprit, à ton inaptitude à l'amour, à tes rhumatismes, à
tes maladies mentales. Tu ne te sortiras pas du bourbier en pendant
et en assassinant. Plonge ton regard dans ton âme, petit homme.
C'est là ton seul espoir. Tu te souviens sans doute du jour, petite
femme, où tu te tenais dans mon cabinet de consultation, pleine de
haine pour l'homme qui t'avait quittée. Pendant des années, tu
l'avais écrasé sous ton talon, avec ta mère, tes tantes, tes
petits-neveux, tes cousins, mais il avait commencé à se rétrécir,
car il t'entretenait, toi et toute ta parentaille. Finalement, il
déchira ses liens dans un dernier effort pour sauver son sentiment
de la vie ; et comme il n'avait pas la force de se détacher
intérieurement de toi, il était venu me consulter. Il payait sans
broncher ta pension alimentaire, les trois quarts de ses revenus,
comme l'exige une loi qui punit ceux qui aiment leur liberté. Car
cet homme était un grand artiste, et l'art ne supporte pas plus que
la science les chaînes. Tout ce que tu voulais, c'était d'être
entretenue par l'homme que tu détestais, bien que tu aies un métier
et un emploi. Tu savais que j'allais l'aider à se défaire
d'obligations injustifiées. Alors tu as piqué une de ces rages ! Tu
m'as menacé de la police. Tu disais que je voulais, moi, lui
soutirer de l'argent, parce que je faisais tout ce que je pouvais
pour l'aider dans sa détresse. Ainsi, tu m'as attribué les
intentions infâmes que tu nourrissais toi-même, pauvre petite
femme. Tu n'as jamais songé à améliorer ta situation
professionnelle, car cela t'aurait rendue indépendante de l'homme
que pendant des années tu n'as fait que détester. T'imagines-tu que
c'est par de telles méthodes qu'on édifie un monde nouveau ? Tu
entretiens de bonnes relations avec les socialistes, m'a-t-on dit,
qui savent sur moi un "tas de choses". Tu ne sais pas que
tu représentes un certain type, qu'il existe des millions de
femmes de ton espèce qui ruinent le monde. Oui, oui, je sais : tu es
"faible", "esseulée", trop liée à ta mère,
"désarmée devant la vie", tu détestes même ta haine, tu
vis en conflit avec toi-même, tu es désespérée. C'est pourquoi tu
ruines la vie de ton mari petite femme ! Tu te laisses emporter par
le courant de la vie, telle qu'elle est aujourd'hui. Je sais aussi
que tu trouveras l'appui de plus d'un juge, de plus d'un procureur de
l'Etat, car ils ne savent comment te tirer de ta détresse. Je te
vois et je t'entends, petite fonctionnaire dans une quelconque
administration de l'Etat : tu étais chargée de dresser le
procès-verbal de mes occupations passées, présentes et futures, de
mes opinions sur la propriété privée, sur la Russie, sur la
démocratie. Je te dis que je suis membre d'honneur de trois sociétés
scientifiques et littéraires, y compris l' "International
Society for Plasmogeny". L'employé de service n'en
revient pas. A la prochaine occasion, il me lance : "Il y a là
quelque chose de bizarre. Il est marqué dans le procès verbal que
vous êtes membre d'honneur de la Société Internationale de
Polygamie. Est-ce exact ?" Et nous rions tous les deux de
la petite femme a l'imagination trop vive. Est-ce que tu comprends
pourquoi les gens me calomnient ? A cause de ton imagination et
non à cause de mon genre de vie. Tout ce que tu as retenu de
Rousseau, c'est qu'il prêchait le "retour à la nature" et
qu'il négligeait ses enfants au point de les confier à un
orphelinat ? Tu es perverti dans l'âme, car tu ne vois jamais que ce
qui est bas et vil, tu ignores ce qui est beau. "Ecoutez-moi. Je
l'ai vu baisser ses stores à 1 heure du matin. C'était pour faire
quoi ?
Pendant
la journée, ses stores sont toujours levés. Il y a là anguille
sous roche !" Ces méthodes-là ne te protégeront pas de la
vérité ! Nous les connaissons. Ce ne sont pas mes stores qui
t'intriguent, mais tu veux empêcher la vérité de se faire
connaître. Tu veux continuer de jouer ton rôle de délateur et de
dénonciateur, de faire jeter en prison ton voisin innocent parce
qu'il ne vit pas comme toi, parce qu'il ne te salue pas assez bas. Tu
es très curieux, petit homme, tu aimes espionner et dénoncer. Tu te
sens à l'abri du fait que la police ne divulgue jamais les noms de
ses mouchards.
"Ecoutez-moi,
vous autres contribuables ! Voilà un professeur de philosophie.
L'université de notre ville veut lui confier une chaire pour qu'il
puisse enseigner aux jeunes. Envoyez-le au diable !" Et la brave
ménagère qui paie aussi ses impôts lance une pétition contre le
maître de la vérité et le maître n'obtient pas son poste. Tu es
plus puissante que quatre mille années de philosophie de la nature,
petite ménagère honnête, génitrice de patriotes ! Mais on
commence à percer tes agissements, et ton règne prendra bientôt
fin.
"Ecoutez,
vous tous que la moralité publique ne laisse pas indifférents !
Dans la maison un peu plus loin, habite une mère avec sa fille. La
fille reçoit tous les soirs son ami. Faites arrêter la mère pour
proxénétisme. La morale doit être protégée !"
Cette
mère est traduite en justice parce que toi, petit homme, tu fais le
mouchard dans le lit des autres ! Tu as jeté le masque. Nous
connaissons ton souci "de la morale et de l'ordre public".
En réalité, tu essaies de pincer les fesses de chaque servante
d'auberge ! Oui, NOUS VOUDRIONS QUE NOS FILS ET NOS FILLES PUISSENT
JOUIR EN PLEIN JOUR DES JOIES D'UN AMOUR HEUREUX AU LIEU D'ETRE
OBLIGES DE SE CACHER, DE S'AIMER DANS QUELQUE CHEMIN PEU ECLAIRE OU
DANS QUELQUE SOMBRE RUELLE ! Nous voudrions qu'on respecte les pères
et mères honnêtes et courageux qui comprennent et protègent
l'amour de leurs jeunes fils et filles. Car ces pères et mères sont
les protecteurs de la génération future, saine de corps et de sens,
sans trace d'imagination malsaine, à la différence de toi, petit
homme impuissant du XXème siècle.
"Voulez-vous
que je vous raconte la dernière ? Je connais un homme qui a été le
consulter ; il a été attaqué homosexuellement et a dû se sauver,
sans pantalon !"
Une
salive obscène coule de ta bouche quand tu racontes cette "histoire
vraie". Est-ce que tu sais qu'elle a fleuri sur ton fumier,
qu'elle est le fruit de ta constipation et de ta luxure ? Je n'ai
jamais eu de désirs homosexuels comme toi ; je n'ai jamais songé
comme toi à séduire de petites filles, je n'ai jamais violé de
femmes comme toi, je n'ai jamais souffert de constipation comme toi ;
je n'ai jamais volé l'amour comme toi, je n'ai jamais étreint que
des femmes dont je voulais et qui voulaient de moi, je ne me suis
jamais exhibé en public comme toi ; je n'ai pas une imagination
morbide comme
toi,
petit homme !
"Ecoutez
! Il a molesté sa secrétaire si bien qu'elle a dû s'enfuir. Il a
vécu avec elle dans une maison aux stores baissés ; il a laissé la
lumière allumée jusqu'à trois heures du matin !" Selon toi,
De Mettrie était un sybarite qui est mort étouffé en mangeant un
pâté ; le prince héritier Rudolf a fait un mariage morganatique ;
Madame Eleanor Roosevelt était dérangée ; le recteur de
l'université de X a surpris sa femme avec un homme ; l'instituteur
de tel ou tel village a une maîtresse. Voilà des choses que tu
racontes, toi, petit homme, toi, citoyen misérable, qui as gâché
ta vie depuis deux mille ans et n'es jamais sorti du bourbier !
"Arrêtez-le, c'est un espion allemand, peut-être même un
espion russe ou islandais ! Je l'ai vu à 3 heures de l'après-midi à
New York dans la 86ème rue, au bras d'une femme !" Est-ce que
tu as déjà vu une punaise, petit homme, à la lumière d'une aurore
boréale ? Non ? C'est bien ce que je pensais. Un jour, il y aura des
lois sévères contre les punaises humaines, des lois protégeant
la vérité et l'amour. Tout comme tu envoies aujourd'hui les
jeunes gens amoureux dans
une
maison de redressement, on t'enverra dans une maison spécialisée si
tu salis la réputation d'un honnête homme. Il y aura des juges et
un ministère public qui ne se contenteront pas d'un simulacre de
justice, mais qui administreront une justice authentique et humaine.
Il y aura des lois sévères pour la protection de la vie
auxquelles tu devras te conformer même si tu les détestes. Je
sais que pendant les trois, cinq ou dix siècles à venir, tu
continueras à répandre la peste émotionnelle, la calomnie,
l'intrigue, la diplomatie, l'inquisition. Mais un jour, tu seras
vaincu par ton propre sens de l'honnêteté qui, actuellement, est si
profondément enfoui dans ton être que tu ne peux y accéder. Je te
le dis : aucun empereur, aucun tsar, aucun Père de tous les
prolétaires n'a pu te vaincre. Tout ce qu'ils ont pu faire, c'est te
réduire en esclavage; ils n'ont pu te libérer de ta mesquinerie.
Mais c'est ton sens de la propreté, ta nostalgie de la vie, qui
auront raison de toi. Je n'en doute pas, petit homme. Débarrassé
de ta petitesse et de ta mesquinerie, tu te mettras à penser.
Il va sans dire que cette pensée sera d'abord misérable, fausse,
sans but ; mais tu finiras par penser sérieusement. Tu apprendras à
supporter la douleur que toute pensée comporte, comme j'ai dû
supporter, moi et d'autres, pendant des années en silence, les dents
serrées, la peine qu'entraîne toute pensée dont tu es l'objet.
C'est grâce à notre douleur que tu apprendras à penser. Dès que
tu auras commencé à penser, tu seras pris d'étonnement en
survolant du regard les derniers quatre mille ans de "civilisation".
Tu ne comprendras pas comment tes journaux ont pu être pleins de
parades, de remises de décorations, de fusillades, d'exécutions
capitales, de diplomatie, de chicanes, de mobilisations, de
démobilisations, de remobilisations, de pactes, de manoeuvres, de
bombardements, sans te faire perdre patience. Tu aurais découvert le
pot aux roses si tu avais au moins avalé toute cette littérature.
Mais tu ne comprendras pas de sitôt comment tu as pu pendant des
siècles répéter ces choses, pensant que tes idées justes étaient
fausses et tes idées fausses patriotiques. Tu auras honte de ton
histoire, et c'est là la seule garantie sérieuse que tes petits
enfants ne seront pas obligés de lire ton histoire militaire. En ce
temps-là, il ne sera plus possible pour toi de faire une grande
révolution faisant naître un "Pierre le Grand".
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